tag:blogger.com,1999:blog-46088969596490014082024-03-13T17:20:10.799+01:00pigiconiNe me demandez pas pourquoi......... l'essentiel est ailleurs
(c) Albéric Perrierpigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.comBlogger208125tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-28717363014536472792017-07-21T15:06:00.000+02:002017-07-21T15:06:10.799+02:00S'absenter<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il y faut beaucoup de force et de puissance pour réussir à s’absenter,
parce qu’il n’y a rien d’indifférent à y parvenir. Le quotidien est là qui nous
attache et nous relie. La puissance est celle de se délier, de se vouloir
retiré et comme suspendu hors du temps et du lieu communs. S’absenter c’est
faire ce pas de côté, s’offrir à la marge, se donner l’occasion, dans toute la
maîtrise qu’il nous est possible et loisible de mettre en œuvre, sans qu’aucune
discipline ne nous y contraigne. En ce sens, il n’y a rien de comparable entre
s’absenter et l’absence. Cette dernière se subit, s’éprouve comme une présence
en défaut ou défaillante quand elle n’est pas annulée, et se vit dans la
blessure. L’absence appelle ce qui demeure sans écho et se lamente. Au contraire
de l’autre, qui réalise, dans une sorte de confusion, un entre-deux,
reconfigure les frontières et les limites de ce qui est acceptable ou non. Il y
a de la création !</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
On a pu penser que cet écart manifesterait un ennui et une
inattention à soi. Qu’il y ait ennui, on peut bien le comprendre : qu’est-ce
qui motiverait alors cette dynamique d’échappement ? Mais il ne s’agit
point de se détourner de soi, de se figurer un autre que je ne suis pas ou un
ailleurs inaccessible. Il y a dans ce mouvement une manière de renouer avec
soi, de coïncider et de se communiquer ce qu’une vie quotidienne, dans l’urgence
des réponses à y apporter, ne saurait achever. S’absenter est alors se nourrir
de soi, s’alimenter à cette source vive, mais trop souvent asséchée, et se
sentir le plus profondément, le plus intensément atteint et accompli par ce qui
compte le plus. </div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
S’absenter c’est s’offrir à la douceur et à la plénitude de
cette vie intérieure. C’est goûter de nouveau et pour longtemps encore à ce qui
nous est précieux, comme à ces belles présences qui nous enchantent. C’est se
vivre dans tout ce qui, sensible ne se partage qu’en se donnant absolument et
sans contrepartie. C’est ce qui rend possible… notamment tout ce qui s’écrit
comme possible. S’absenter ne se souffre pas. Au contraire, s’absenter est pleinement
joyeux.</div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0Rennes, France48.117266 -1.677792599999975248.032458 -1.8391540999999751 48.202074 -1.5164310999999753tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-90839450669114180622017-03-24T08:56:00.000+01:002017-03-24T08:56:20.566+01:00"Vu du pont", d’Arthur Miller, mise en scène de Ivo van HoveLa scène est une boîte, la disposition tri frontale en accentue l’enfermement. Suffocante. Nul besoin de décor, d’accessoire (il n’y aura qu’une chaise qu’il faudra lever d’une main, un genou à terre). Le huis-clos est total ! A la douche initiale, qui lave les corps gras, suant du travail rude des dockers newyorkais, répond celle, finale et sanguinolente, où se déversent autant d’amour que de haine, autant de trahisons que pas un seul mot ne saurait dire, autant de scandales que nul ne peut regarder de face sans tressaillir.<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="https://1.bp.blogspot.com/-9CCjAmTAmPM/WNTQBaP9uHI/AAAAAAAABiA/OMZlje50wHQD9QwRf6fq0KEh6sVagwUJgCLcB/s1600/vudupont_depagne2.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" height="213" src="https://1.bp.blogspot.com/-9CCjAmTAmPM/WNTQBaP9uHI/AAAAAAAABiA/OMZlje50wHQD9QwRf6fq0KEh6sVagwUJgCLcB/s320/vudupont_depagne2.jpg" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;">photo Thierry Depagne - Théâtre de l'Odéon<br /></td></tr>
</tbody></table>
<br /><br />Il y a, chez les petites gens, de ces solidarités que, bien souvent, on ne sait reconnaître. Elles ne s’en revendiquent pas : ce qui les rend bien humaines. Mais il leur arrive, bien souvent, de ne pas savoir imaginer et, par là, de ne pas pouvoir se rallier à quelque compromis que ce soit.<br /><br />Eddie est un homme doux, protecteur, aimant et qui peut, avec une certaine fierté, considérer son parcours d’homme exilé sans honte aucune. Béatrice est une femme simple, amoureuse, mère sans enfant (considérant sa nièce, orpheline, comme sa fille). Pour les deux, travailler à secourir son prochain, ses frères dans la détresse est une évidence, même si cela requiert une certaine vigilance. Reste que cette prudence devient maladive et, pour Eddie, un enfer. Ne pas faire scandale : ce qu’il réclame de ses hôtes, exilés de cette Italie qui, faute de travail, crie famine ! Ce qu’il exige de Catherine, jeune fille intégrée au rêve américain, à la carrière prometteuse, mais étouffant de la naïveté ou de la candeur que lui prête, faussement, son oncle. Ne pas faire scandale, c’est déjà cela le scandale : Eddie trahira les siens, faute de n’avoir pu vraiment leur porter secours. <br /><br /> <br /><br />Il y a, dans cette mise en scène, une gradation jusqu’à l’horreur. On s’attache à Eddie, homme simple et sans grande illusion; on se prend de tendresse pour Béatrice, femme si peu émancipée qu’elle est forte dans son affrontement, pourtant aimant, avec son mari ; on n’accable point trop Catherine pour son esprit volage. A ne considérer que ce trio, il n’y a là rien que de très ordinaire. Alfieri, l’avocat-narrateur introduit, par sa présence de témoin, ce qu’il y a d’inquiétant : « J’ai tendance à remarquer les ruines en toutes choses, peut-être parce que je suis né en Italie ». Marco et Rodolpho pourraient n’être que des prétextes : quand le premier défend son honneur d’homme, de mari et de père à qui incombe le devoir de porter secours à sa famille restée dans l’Italie agonisante, le second se prend à rêver de cet eldorado américain. Leur confrontation sera fatale et le combat, insupportable. Vu du pont laisse sans espoir celles et ceux qui auraient voulu enjamber les océans. <br /><br />Extraits du requiem de Fauré<div class="MsoNormal">
<span style="background-color: white;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0Rennes, France48.117266 -1.677792599999975248.032458 -1.8391540999999751 48.202074 -1.5164310999999753tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-43684253703128882842016-12-29T15:17:00.001+01:002016-12-29T15:17:56.759+01:00Qui est le Nous du populisme?<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
Notes et
réflexions à partir de <i>Qu’est-ce que le
populisme ? Définir la menace</i> – Jan-Werner Müller, édition Premier
Parallèle, 2016.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
Le terme de
« populisme » est de ceux dont l’emploi, dans l’espace public,
signifie autant une notion fourre-tout
(qui rime parfois avec fascisme) qu’un repoussoir. Il suffit de l’employer pour
disqualifier l’interlocuteur, aussi bien sa personne que son discours. Il
conclut l’échange sans apporter de conclusion ; il en signale la fin sans
apporter d’alternative. En somme, il relève d’une sorte de paresse
intellectuelle, aussi bien du côté de ceux qui s’en défendent que de celui de
ceux qui le revendiquent. Paresse rassurante en ce qu’il désigne à la fois
l’ennemi à combattre et la limite ou la frontière (conceptuelle ou autre) à ne
pas transgresser. Depuis quelques temps, sous l’impulsion d’une lecture qui se
veut non-marxiste (Laclau, Mouffe, Podemos), critique sur la représentation
démocratique et sur les modalités d’exercice du pouvoir représentatif, il est
devenu une perspective politique qui entend opposer au populisme de droite un
populisme de gauche comme s’il s’agissait de se contenter d’orienter dans l’une
ou l’autre direction ledit populisme pour lui rendre quelques couleurs acceptables.
Ce n’est pas pour autant gagner en précision et distinction. En tout état de
cause, ce n’est pas non plus se doter de moyens plus efficaces pour renouer
avec la démocratie. S’il est bien une cause à dénoncer, s’il est bien une offre
politique (sans plus de politique) à combattre, la méprise actuelle et la
confusion sur le terme ou la notion est telle qu’elle rate sa cible. Aussi
l’essai de Jan-Werner Müller tombe à propos !</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
Mais il en est
aussi sa limite : car s’il inscrit bien le populisme dans le cadre de nos
démocraties représentatives, et s’il souligne que le propre de la
représentation démocratique est de laisser ouverte la possibilité d’un
populisme (dont nous verrons qu’il n’est en rien démocratique), le refrain
entonné d’un contre-populisme ne peut suffire à le contrebalancer – ce que
l’auteur reconnaît et justifie. Il est même contre-productif et tend à le
demeurer durablement tant qu’il consiste à l’exclure de l’espace politique
comme le populisme lui-même en exclut celles et ceux qui ne peuvent ni ne
doivent y avoir droit. Ce qui est en cause est bien l’impératif de la
représentativité dans nos démocraties : on peut l’accorder ! Ce qui
en est l’obstacle c’est de ne pas pouvoir sortir de cette dimension-là et de
son unilatéralité! Sauf à tendre vers une autre définition de la démocratie
comme <i>éthos</i> plutôt que comme
institution ; à envisager la politique, autant dans sa conflictualité
inhérente que dans sa constitution ontologique, comme ce qui prend corps
d’abord hors de l’institution, dans les pratiques et les coalitions possibles
et, par la suite, mais pragmatiquement, dans l’institué<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a>.
S’il est utile d’identifier la menace, il reste urgent d’en proposer
l’antidote.</div>
<h2>
Des éléments de définition d’abord.</h2>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-left: 1.0cm; text-align: justify;">
Le populisme « est l’ombre portée de la démocratie
représentative ; il est un phénomène spécifiquement moderne. Le populisme
n’existait pas dans l’Athènes de l’Antiquité. La démagogie existait alors très
probablement ; de grands démagogues de toutes sortes, qui pouvaient
inciter une masse versatile et démunie à soutenir une politique déraisonnable,
existaient très probablement aussi ; mais le populisme, à cette époque,
n’existait pas. Les populistes affirment : « Nous sommes le
peuple ! » <b>Pareille
revendication, qui est toujours d’ordre moral, et en rien d’ordre empirique (et
qui, dans le même temps, est une déclaration de guerre politique), signifie
ceci : « Nous – et nous seuls – représentons le peuple. »</b>
Tous ceux qui pensent autrement, qu’il s’agisse de manifestants descendant dans
la rue ou de députés, se voient ainsi frappés par eux d’illégitimité, et ce
sans considération aucune pour les pourcentages de voix ayant officiellement
conduit un représentant du peuple sur les bancs d’une chambre haute. Tous les
populistes sont hostiles à l’« establishment ». Mais il ne suffit pas
de critiquer les élites pour être un populiste. <b>Les populistes sont nécessairement anti-pluralistes </b>: ceux qui
s’opposent à eux et contestent leur revendication morale d’un monopole de la
représentation populaire se voient automatiquement exclus par eux du
« vrai peuple ». Or il ne peut y avoir de démocratie sans pluralisme.
Jürgen Habermas l’a formulé de façon claire et concise : le peuple
« ne se manifeste qu’au pluriel ». Et la démocratie ne connaît en
définitive que des chiffres : ce sont les pourcentages de voix qui
décident de qui représente les citoyens (pour reprendre des termes de Claude
Lefort ; en démocratie, le nombre décompose l’unité de la substance). Ce
fait-là pourrait passer par une banalité, mais il est d’une importance décisive
lorsqu’il s’agit de se confronter aux populistes, qui affirment représenter et
mettre à exécution la volonté du peuple – et qui, en réalité, instrumentalisent
une représentation symbolique du soi-disant « vrai peuple » afin de
discréditer des institutions démocratiques qui, hélas pour eux, leur échappent.
C’est pour toutes ces raisons de que j’affirme que <b>les populistes ont tendance à montrer de l’hostilité à l’encontre de la
démocratie</b>. »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
Quelques
remarques sur ces éléments de définition. Le populisme est d’abord et avant
tout un phénomène qui prend place dans un certain type de démocratie : la
démocratie représentative. Et le populiste est un avatar de toute forme de
représentation nationale. L’idée, pour être simple, n’en est pas moins
essentielle et doit nous prévenir plus ou moins : tant que nous ne
considérerons de démocratie que sous la forme de la représentativité du peuple,
il y aura place pour le populisme. Curieusement d’ailleurs, l’idée moderne de
démocratie (qui l’éloigne de son antique modèle hellénique) n’a jamais été
celle du peuple par le peuple, mais bien celle du peuple souverain qui délègue
et mandate à qui peut ne pas être du peuple la mission de le représenter – en
tout cas, dès lors qu’il en a le mandat, le représentant n’est plus du peuple,
il est de la nation et veille à l’intérêt général qui la définit et préserve.
Dès le départ, l’idée même de démocratie s’est élaborée en court-circuitant le
peuple, l’élément populaire, de tout pouvoir sur la destinée de la communauté. La
démocratie ne pouvant être celle de la multitude, il convenait donc de
s’assurer, par la police, notamment électorale (police en désignant, notamment,
qui a ou non voix au chapitre et donc au geste citoyen du vote), de sa
neutralisation. Et si l’on accordait au suffrage populaire la souveraineté
politique dont l’institution tirait sa propre légitimité, on l’accompagnait
d’une condition impérieuse, en tout cas essentielle : la rue ne gouverne
pas et la souveraineté se fond dans/se réduit à celle de l’Etat. Autrement dit,
la souveraineté populaire, devenue principe démocratique, ne peut être
autodétermination constitutionnelle. Et à cette rue, bruyante, qui cherche à se
faire entendre au nom de son droit à occuper (physiquement comme
symboliquement) l’espace public comme de le configurer (de le négocier pour le
configurer), la réponse répressive (notamment par la privatisation sécuritaire
des espaces publics) ne se fait pas attendre. La dissolution qu’elle cherche à
produire est l’effet du procès en légitimation (et en illégitimité) que la
représentation dite nationale entend instruire. D’une certaine façon, c’est le
propre de nos démocraties représentatives de ne pas envisager la source de tout
exercice du pouvoir comme étant le pouvoir populaire lui-même et d’en marquer
la séparation, la rupture. A tel point d’ailleurs que, le diagnostic sur la
crise de nos systèmes étant établi (la littérature à ce sujet ne manque pas),
l’idée même de crise, conçue comme état transitoire, n’est plus qu’un appel à
l’alternance politique, mais certainement pas à la reconfiguration du politique,
qu’on pourrait estimer, pourtant, nécessaire ou urgente. Le remède n’est plus
qu’une tentative de réaffirmation et de préservation du mal, dans l’attente de
la prochaine séquence! En disant cela, on peut déjà se poser la question de
savoir à quoi bon s’inquiéter d’une menace populiste si nous ne sommes pas en
mesure de concevoir de démocratie autrement que sous la forme de la
représentation, de cette médiation du représentant du peuple.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
Un élément
essentiel de la définition du populisme renvoie à cette prophétie
auto-réalisatrice : « Nous sommes le peuple ». On aurait tort de
penser que ce Nous s’oppose seulement, comme son antithèse, à l’élite qu’il
prétend dénoncer, cerner et destituer. Qu’il le veuille ne surprend
guère ! Mais même celles et ceux qui, au prétexte de la transgression et
d’un discours de changement, de la réforme et de la rupture, cherchent à
s’imposer au moment des campagnes développent cette antienne anti-élite. La
dynamique qu’ils souhaitent imposer et qu’ils incarnent est bien celle qui vise
la destitution annoncée. Cela ne fait pas pour autant d’eux des populistes !
Il s’agit, tout simplement, d’un ressort et d’un atout du discours de campagne.
Là encore, il y a paresse intellectuelle, à défaut d’un véritable projet !
Par ailleurs, il ne faut guère s’étonner que ce soit tout de même un
représentant de cette élite, fort bien installé dans les rouages par lesquels
elle se protège, qui l’énonce. Les dernières élections américaines le montrent
à l’envi : un Donald Trump ou une Hillary Clinton n’auraient pu s’imposer
sans tout leur passé de digne acteur de l’élite américaine, convaincue qu’il
n’y avait rien de plus urgent que de préserver son statut<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a>.
Mais entre les deux, la défaite de l’une autant que la victoire de l’autre est
la consécration d’une même cause, réservée aux plus méritants. En ce sens, non
seulement le discours anti-élite est une opportunité de circonstance, qui ne
laisse rien au hasard et relève même d’un pur calcul stratégique ou tactique,
mais en plus, c’est bien un discours qui s’inscrit dans l’ordre et la logique
de nos démocraties représentatives et entend les défendre, les préserver en
l’état. Le populiste participe aux élections, il y revendique sa place et exige
que son audience soit garantie par le système même qu’il combat. Sa défaite
électorale, si elle a lieu, n’en sera pas une : elle sera la confirmation
que, d’une part, tout ce qu’il ciblait, dans les dysfonctionnements de nos
démocraties, a fonctionné à plein pour lui faire barrage (ce qui est une
manière de contester le résultat sans contester la procédure… ce que Trump a
fait quand, lors de la campagne, il refusait de préciser sa position, en cas de
succès de son adversaire), et que, d’autre part, les jeux étant ainsi faits
pour le disqualifier aux plus hautes fonctions politiques, l’élan populaire qui
l’a soutenu a une réelle existence, en tout cas algébrique (le nombre de
suffrages) pour le réconforter dans son rôle de porte-parole. Le tout
fonctionnant comme une pétition de principe inébranlable !</div>
<h2>
De l’irréalité du Nous à sa moralisation.</h2>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
On aurait tort
de penser aussi que ce Nous représente quelque chose. Pronom englobant, ce Nous
ne désigne rien ni personne. En tout cas, il ne renvoie à aucune référence empirique.
S’il n’est pas certain ni avéré que les déclassés et précaires se mobilisent
plus pour les partis dits-populistes que pour les autres, il est, en
contrepartie, autorisé de penser que, partisans d’une sorte de darwinisme
social, des citoyens « arrivés », qui connaissent une certaine
réussite sociale et économique, se reconnaissent davantage dans les thèses
populistes que dans d’autres. Ce n’est pas tant les accidents de la vie
sociale, les effets du déclassement et la précarisation de la vie individuelle
qui alimentent le crédit accordé au populisme que la peur elle-même :
celle d’un avenir non assuré, celle de cohortes qui nous envahiraient et exigeraient
de l’Etat-providence ce que les « installés » prétendent ne plus
pouvoir obtenir. L’électorat de Trump n’est pas si tranché qu’on peut le
penser. Certes, il y a une majorité de blancs, mais aussi des femmes (quand on
sait combien la réputation misogyne du personnage le précédait à chaque nouveau
meeting, on peut s’en étonner comme on doit aussi chercher à reconnaître selon
quelle procédure complexe et psychologique elles y sont parvenues), des
minorités ethniques (notamment des hispaniques, régularisés, déclarant avoir
été reconnus et exigeant, contre les prétendues hordes d’irréguliers, que le
traitement soit le même pour tous alors que le Président Obama envisageait la
redéfinition de la politique d’immigration, ouvrant davantage les portes aux
nouveaux arrivés). « Nul besoin d’être frappé à titre personnel de crises
d’angoisse, ni d’aller particulièrement mal pour faire un tel choix
politique : l’élément décisif, ici, est un jugement personnel consistant à
penser que le pays entier « est sur la mauvaise pente ». Ce jugement
d’ensemble n’a pas forcément à se nourrir de données fausses quant à la
situation économique ou sociale ; il peut aussi (de façon plus ou moins
évidente) être fondé : les élites mèneraient une politique inique,
l’avenir des enfants serait bientôt gâché, les organisations internationales
exerceraient une influence bien trop grande, etc. Ce sont avant tout des
réflexions de ce type qui peuvent conduire à formuler l’exigence « Nous
voulons que le pays nous revienne ! ». »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[4]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Point n’est donc besoin de preuve empirique, de données incontestables ou de
justification savamment développée : le ressort, tout irrationnel qu’il
soit, de la peur suffit. D’une certaine manière, ce qui est frappant
outre-Atlantique ou ici en France, <span style="background: white; color: #1d2129; mso-bidi-font-family: Helvetica;">c’est d’abord et avant tout une vraie
mobilisation par la Peur. Mais avant d'être peur des autres, c'est la peur POUR
soi-même, pour sa situation, crainte terrible et légitime contre le
déclassement, la précarisation de nos existences sociales et économiques et,
par là, crainte du devenir invisible qui nous attend. Cette Peur, certains
discours la justifient par la référence aux AUTRES, celles et ceux qui viennent
d'ai<span class="textexposedshow">lleurs, celles et ceux qu'on institue en Droit
de Non Cité ou en Non Droit de Cité : par quoi l’on peut comprendre les
relents racistes/racialistes. Elle l’est aussi par les effets de la
médiatisation des récits individuels, leur mise en scène dans la société de
spectacle qui ne permet plus de fixer son attention sur soi et qui entretient
la confusion entre l’ici et l’ailleurs, ce qui arrive à mon voisin, attesté ou
non, et ce qui arrive ailleurs... Mais aussi, à l'AUTRE au sens où, et c'était
un refrain des plus déterminés et réactionnaires de la Manif pour tous, elle
est crainte d'un monde et d'un système de valeurs qui évoluent au point de ne
plus s'inscrire dans la sacro-sainte référence d'un récit national qui emprunte
au bon Ancien Régime son alliance à l'Eglise et à la chrétienté... Peur POUR
soi-même, ce qui rend la versatilité possible, facile, tout comme l’absence de
discernement, et nous rend tellement oublieux de soi, comme, par les effets
mêmes du système, la Classe est oublieuse d'elle-même et se rassure quand un
porte-voix autoproclamé parle d'elle. A cet égard, il devient difficile de
proposer une offre politique contre la peur. Voire : nombreux sont celles
et ceux qui, tout en rejetant la moindre suspicion de populisme, s’emploient à
faire place, dans leur discours même, à cet élément psychologique
(mélancolique) de la peur. D’une certaine façon, dans la syntaxe électorale, il
y a là quelque chose d’incontournable.<o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
<span class="textexposedshow"><span style="background: white; color: #1d2129; mso-bidi-font-family: Helvetica;">Ce « Nous sommes le peuple », s’il ne désigne rien
ni personne, ne renvoie pas non plus à une catégorie spécifique de partisans. A
la prétention d’incarner le peuple que le leader populiste dit avoir trouvé, ce
Nous n’a de sens et de perspective non pas parce qu’il est en acte et en
marche, mais parce qu’il s’inscrit dans une conception morale (ou moralisante).
Ce n’est pas un peuple qui se saisit en tant que tel. « En en appelant au
peuple, [le populiste] en appelle, dit-il, à une entité qui ne saurait
s’articuler au moyen d’élections ou d’autres procédures démocratiques
conventionnelles. »</span></span><a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="background: white; color: #1d2129; mso-bidi-font-family: Helvetica;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="background-attachment: initial; background-clip: initial; background-image: initial; background-origin: initial; background-position: initial; background-repeat: initial; background-size: initial; font-family: Calibri, sans-serif; font-size: 11pt; line-height: 115%;">[5]</span></span><!--[endif]--></span></span></a><span class="textexposedshow"><span style="background: white; color: #1d2129; mso-bidi-font-family: Helvetica;"> « Il est absolument impossible d’attester, de façon
empiriquement vérifiable, de l’existence d’un peuple <i>prépolitique</i>, d’un peuple existentiel dans l’acception schmittienne
du terme, c’est-à-dire d’un peuple existant à l’écart des institutions. Il
est même permis d’aller plus loin et d’affirmer que le peuple dans son ensemble
ne se laisse jamais saisir no même représenter : c’est qu’il est
empiriquement «introuvable » (pour citer Pierre Rosanvallon).»</span></span><a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="background: white; color: #1d2129; mso-bidi-font-family: Helvetica;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="background-attachment: initial; background-clip: initial; background-image: initial; background-origin: initial; background-position: initial; background-repeat: initial; background-size: initial; font-family: Calibri, sans-serif; font-size: 11pt; line-height: 115%;">[6]</span></span><!--[endif]--></span></span></a><span class="textexposedshow"><span style="background: white; color: #1d2129; mso-bidi-font-family: Helvetica;">A défaut d’un peuple réel, le populiste invoque cette entité
morale du Peuple qu’aucun argument empirique ne peut réfuter. Suffit-il pour le
coup d’être désigné comme peuple ? C’est bien l’artifice du discours et de
l’argumentation qui, en la matière, est principal. Mais en même temps qu’elle
relève de la logique intrinsèque au populisme, elle relève aussi de celle de la
démocratie représentative. Et c’est bien ce que rappelle la définition
ci-dessus donnée des caractéristiques du populisme. La démocratie
représentative est une affaire comptable ; la majorité n’a rien d’une
qualité morale et d’une vertu (la responsabilité) : elle est arithmétique.
Certes, une arithmétique dont on peut s’honorer quand elle décide de définir
l’intérêt général au-delà/au-dessus de l’intérêt partisan/particulier. Mais
elle est aussi une artificialisation de
l’institution démocratique. S’étonner, aujourd’hui, de la montée des
populismes, dont le leitmotiv est de refléter et de représenter au plus près la
réalité de ce peuple qui le soutient, c’est largement oublier que la démocratie
représentative s’édifie sur le divorce, en tout cas sur la tension, entre le
peuple et ses représentants. Si le peuple-totalité est plus une idée
romantique, la perspective politique, elle, reste, dès l’origine, ambiguë et
entretient d’autant plus l’ambiguïté qu’il faut vite et fermement renoncer à
l’idée d’une démocratie directe, exercée directement par le citoyen. <o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-left: 1.0cm; text-align: justify;">
<span class="textexposedshow"><span style="background: white; color: #1d2129; mso-bidi-font-family: Helvetica;">« C’est d’abord un <i>peuple-principe</i> qui s’affirme dans la modernité démocratique.
Principe et promesse à la fois, il symbolise par la seule présence de son nom
la constitution de la société en un bloc et sert à universaliser l’entité
nationale. Il est la vérité du lien social : il renvoie à une proposition
politique avant d’être un fait sociologique. Il en résulte une inévitable
tension entre les valeurs qu’il incarne et la réalité qu’il évoque, densité
politique et flou sociologique allant de pair. Il est une force historique
évidente en même temps que sa nature apparaît problématique. On pourrait
presque parler à ce propos de deux corps du peuple : comme peuple-nation,
il est, malgré son abstraction, un corps plein et dense, vivant du principe
d’unité qu’il exprime ; comme peuple-société, il est au contraire sans
formes, corps fuyant et improbable. La spécificité de la démocratie française
peut être comprise à partir de cette tension. Elle a superposé abstraction
politique et flou sociologique. Elle a exacerbé la distance entre les deux peuples,
le peuple-nation en son abstraction et le peuple-société en son
indétermination, la sphère politique tendant du même coup en permanence à se
substituer à celle du social. D’où, aussi, l’ambigüité de cette démocratie qui
a procédé de manière très précoce à l’intégration du grand nombre dans le corps
abstrait de la citoyenneté (par le suffrage universel), en même temps qu’elle
semblait s’accommoder plus facilement des situations d’exclusion économique et
sociale, comme si la seule affirmation symbolique du peuple Un suffisait à sa
réalisation. »</span></span><a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="background: white; color: #1d2129; mso-bidi-font-family: Helvetica;"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="background-attachment: initial; background-clip: initial; background-image: initial; background-origin: initial; background-position: initial; background-repeat: initial; background-size: initial; font-family: Calibri, sans-serif; font-size: 11pt; line-height: 115%;">[7]</span></span><!--[endif]--></span></span></a><span class="textexposedshow"><span style="background: white; color: #1d2129; mso-bidi-font-family: Helvetica;"><o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
En somme, la
démocratie (représentative et instituée) n’a pas besoin du Démos pour être
démocratique. Ce que le leader politique, en tout cas celui des temps
contemporains, entend combler c’est cette distance entre les peuples
(peuple-nation/peuple-société) de ce peuple-principe et revendiqué. On peut le
lire (entre les lignes) dans les programmes de ceux qui veulent changer la
constitution, ou bien rapprocher l’institution démocratique (politique et
décisionnaire) du terrain, ou bien encore dans ces storytellings qui, faute
d’argument, organisent les discours. Ce qui fait la spécificité du populiste
est très certainement son effort non pour combler la distance existante mais
pour, incarner, à lui seul devant une masse rassemblée qui le porte ou bien une
masse diffuse et inaccessible d’électeurs, tous les peuples du peuple-principe,
hors duquel les autres, représentants qui font carrière, élite qui se conforte
dans l’arrogance de son savoir et du pouvoir qu’elle exerce, mais aussi
l’étranger sont définitivement exclus<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[8]</span></span><!--[endif]--></span></a>.
C’est son rôle et sa fonction première. On peut minorer la dimension
individuelle de la personnalité du leader, on doit bien reconnaître qu’il ne
peut maintenir son leadership, en interne comme à l’extérieur, qu’à cette
condition quasi-métaphysique.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-left: 1.0cm; text-align: justify;">
« Le dirigeant populiste […] ne doit pas nécessairement être un
outsider ou un non-politicien faisant preuve d’inexpérience politique tout en
faisant de ce manque d’expérience un argument politique. Bien sûr, la critique
des élites ne s’avère guère convaincante qu’à la condition de démontrer que
l’on n’en a jamais fait partie. Mais cette posture de marginal, souvent très
consciemment mise en scène, n’est pas ce qui importe le plus ; quant à
l’idée qu’il suffirait, pour discréditer les populiste, d’attirer l’attention
sur le fait que nombre d’entre eux sont des politiciens professionnels, elle
est plutôt naïve. Et il est d’ailleurs tout aussi naïf de croire que tus les
partis populiste finiront bien par disparaître un jour au motif même que leur
dirigeant fondateur charismatique est en définitive mortel.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-left: 1.0cm; text-align: justify;">
La spécificité du leader populiste n’est pas liée à la question du
charisme personnel ni à un quelconque statut d’outsider, mais à tout à voir
avec la logique interne propre au populisme. […] Il est décisif, du point de
vue des populistes, que le dirigeant (ou la dirigeant) puisse reconnaître tout
seul, de lui-même, et avec justesse, l’authentique volonté du peuple, et qu’il
ou elle puisse la représenter de façon cohérente. Quant à la volonté du peuple,
elle est par définition, aux yeux des populistes, moralement pure : il ne
peut tout simplement pas exister de peuple corrompu dans l’imaginaire populiste
(alors que, par exemple, les marxistes, les léninistes ou encore les libéraux
peuvent le concevoir). De cette combinaison résulte une revendication bien
précise : celle du monopole de la représentation [qui] revêt un caractère
moral. […]</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-left: 1.0cm; text-align: justify;">
Pour être populiste, il n’est donc en rien nécessaire d’être
nationaliste, raciste ou partisan d’un quelconque chauvinisme ethnique. Mais les
populistes ont besoin d’une sorte de critère moral préexistant à toute décision
et séparant le bon peuple des mauvaises élites, d’un critère moral expliquant
aussi qui fait véritablement partie du peuple authentique et qui n’en fait pas
partie. L’histoire nous montre que les idées morales de vertu et de dur labeur
ont souvent joué ce rôle-là ; l’abbé Sieyès, déjà, à la veille de la
révolution française, justifiait l’idée que le tiers état était l’authentique
peuple français au motif qu’il travaillait contre l’aristocratie et le clergé.
Aux États-Unis, le populisme s’accompagnait souvent d’une idéologie
productiviste (le « producerism »), et donc de l’idée voulant que le
peuple vertueux était un peuple de producteurs (et avant tout de petits
producteurs, dont il était possible de se représenter concrètement à al fois le
travail et les produits). La Ligue du Nord italienne présente des traits
similaires, comme en témoigne son slogan « Roma Ladrona »
(« Rome est une voleuse ») : au Nord, on travaille dur ; au
Sud, il n’y a que des chapardeurs.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-left: 1.0cm; text-align: justify;">
De tels critères moraux de mérite et de vertu sont seuls à même de
permettre le passage d’une représentation empirique de la volonté à une
représentation symbolique de cette volonté ; toutefois, un autre trait
caractéristique distinctif vient toujours, automatiquement, se surajouter à des
tels critères : l’idée selon laquelle ceux qui ne soutiennent pas les
populistes ne peuvent en aucun cas faire partie du vrai peuple. »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[9]</span></span><!--[endif]--></span></a></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
Pas besoin
d’être nationaliste ou raciste. Pourquoi pas ! On peut certes créditer
l’idée que ce racisme ou ce nationalisme se surajoute à la logique et à
l’argumentation populiste. « Le national-socialisme était une forme de
populisme, mais tout populisme n’aboutit pas au national-socialisme ou à une
autre forme de totalitarisme. Dans les années 1920 et 1930, il fallut que le
racisme et l’exaltation de la violence se surajoutent à la revendication d’un
monopole de la représentation pour qu’une logique populiste devienne
spécifiquement national-socialiste.»<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[10]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Sans le dire, il y a le sous-entendu qu’il est vain de vouloir identifier le
populisme au racisme, et donc naïf de croire qu’à dénoncer son racisme, on le combat
efficacement. N’est-ce pas, toutefois, oublier que la dynamique argumentative
du populisme s’élabore par celle de l’exclusion, hors de l’entité morale qu’est
le peuple unifié qu’il retrouve, de tout ce qui est Autre ? Cet Autre que
l’on se figure sous les traits les plus grossiers et caricaturaux de
l’étranger, de celui qui ne peut partager nos valeurs et notre culture, avant
d’instituer les modalités d’exclusion par lesquelles, non seulement <b>il ne pourra plus</b> les partager mais <b>il ne le devra surtout pas</b> : juste
une question (malheureuse et totalement détournée) d’essence ! Le propos
de Müller semble minorer trop cet élément discursif. Je parlai plus haut de la
police électorale, distinguant et désignant qui a voix ou non au chapitre. On
ne peut négliger cet aspect constitutif de la démocratie représentative. Ce
serait méconnaître les débats qui ont toujours eu lieu sur qui est citoyen ou
ne l’est pas, qui peut s’exprimer ou doit se taire, voire se cacher de l’espace
public. Cette opération de partage dans la citoyenneté est une réponse à la
question qui est celle même de la politique : à qui il revient le pouvoir
de prendre part comme de prendre décision ? Or le propre de la démocratie
représentative est d’exclure, de ce champ d’exercice du pouvoir, qui n’a pas
voix au chapitre. Müller le reconnait<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftn11" name="_ftnref11" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[11]</span></span><!--[endif]--></span></a>,
mais il ne me semble pas qu’il en tire les leçons, pas plus qu’il ne nous
engage à véritablement œuvrer à une démocratisation de nos démocraties. Au
contraire ! Même dans ce qui peut être l’aveu d’un échec de nos
démocraties, Müller ne fait qu’adhérer à la pétition de principe initiale et le
serpent ne cesse de se mordre la queue. A n’envisager de citoyenneté que
nationale, que dans le cadre de la souveraineté nationale, on ne peut envisager
de civilité que restreinte à cette nationalité et le Nous, autant celui désigné
par le populiste que celui décrété par nos institutions, reste une figure
particulière à l’exclusion de toutes les autres. Autrement dit, à une
universalisation uniformisée qui peine à et refuse de rencontrer le singulier,
de s’y lier et articuler. C’est donc dire qu’il ne peut y avoir d’autre
démocratie qu’instituée : la penser comme éthos reste alors une gageure,
quand elle devrait être la pleine et entière ambition de qui, au sein même du
chapitre, et donc de nos espaces publics, lui donne vie.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
Pas besoin
d’être raciste ou nationaliste. Soit ! Mais il me semble que Müller minore
aussi le rôle et la figure bien spécifique du leader populiste. Ceci dit comme
une note pour plus tard et en guise de Work in progress. Le leader populiste
est une bête de scène et son charisme n’est pas si étranger au spectacle qu’il
donne. Il faudrait relire Weber, mais aussi Michels, pour saisir de manière
quasi éthologique le comportement de ce personnage. Car, si incarner à lui seul
la totalité du Nous s’inscrit dans la logique inhérente au populisme, c’est tout
de même un individu particulier qui le fait, non interchangeable avec n’importe
qui d’autre, et qui l’assume bien plus que ses lieutenants. Ce que l’on peut
retenir, ce qu’il faut mettre en avant, c’est que la synthèse qu’il opère (il
représente tout le peuple, qu’il dit avoir rencontré ; il en est le
porte-parole spécifique ; il ne laisse guère de place à l’Autre du peuple
si ce n’est comme ennemi ou mauvais élément, parasite ; etc.) est une
synthèse aussi vaine et artificielle (c’est bien parce qu’il s’inscrit dans la
logique de la démocratie représentative et qu’il en épouse les procédures,
quand bien même les contesterait-il, qu’il <b>sait</b>
que c’est une synthèse impossible) qu’efficace (ce que j’ai pu dire, plus haut,
de la peur). Il est, peut-être, comme tout autre leader : aussi timide et
aussi peu engagé dans la transformation de la vie politique. S’il sait bien que
la représentation n’est certainement pas l’alpha et l’oméga de la démocratie,
il ne veut rien de moins que poursuivre l’œuvre d’un affaiblissement de la
démocratisation – éthos, qui se
manifeste par le débat, l’exercice de la discussion, de la contradiction et du
contre-pouvoir – qui s’opère dans nos
démocraties libérales. Mais alors que les candidats plus traditionnels s’usent
à justifier leur programme, innovant en novlangue comme en stratégies
court-circuitant tout débat et donc toute contradiction (qui est l’essence même
de la démocratie), lui, en se plaçant
d’emblée au niveau de la morale (et de la moralisation… ce qui reste pour le
moins incongru de sa part), n’a besoin ni d’un programme cohérent, ni d’une
vision enchanteresse, pas plus que d’une vision rationnelle et pragmatique. Il
se pose en recours ; toute sa personne est ce recours et qui ne le voit pas
ainsi commet un crime de lèse-majesté ! Il me semble donc que Müller
occulte l’élément moteur que je pointe ici qui est celui d’une personnalisation
du « Nous sommes le peuple ». Je veux bien qu’il ne soit ni raciste,
ni nationaliste, mais on ne peut occulter que son discours l’est, l’assume et
que celles et ceux qui le dénoncent pour ce qu’il est, se rendent, aux yeux du
populiste et de celles et ceux qui le soutiennent, fautifs de s’égarer loin du
réel de nos sociétés. C’est bien ce qui rend la riposte difficile ! </div>
<h2>
Un Nous non pluriel.</h2>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
D’autant plus
difficile que même cette logique inhérente au populisme, à ce type de
discursivité, n’est pas le propre et l’exclusivité du populiste. Elle est,
déjà, le propre du langage d’institution et d’un certain usage de la parole
publique. Cet usage suppose et exige la reconnaissance et de celui qui parle et
de ceux qui, par ses paroles mêmes, sont exposés à la reconnaissance de
l’orateur. Or, c’est bien là ce qui se joue dans ce « Nous sommes le
peuple ». Mais cette double reconnaissance ne tient pas tant à la seule
matière du discours tenu (ce n’est pas dans les seuls mots prononcés que se
trouve l’efficacité du discours), elle découle aussi de la manière dont il est
tenu. En ce sens, c’est le propre de la parole publique autorisée, et qui l’est
d’autant plus que la liberté d’expression l’autorise. En ce sens aussi, le
populiste est, comme tout autre porte-parole de tout autre parti, celui dont la
parole est autorisée par l’en-dehors du contenu de son discours.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-left: 1.0cm; text-align: justify;">
« En fait, l’usage du langage, c’est-à-dire aussi bien la manière
que la matière du discours, dépend de la position sociale du locuteur qui
commande l’accès qu’il peut avoir à la langue de l’institution, à la parole
officielle, orthodoxe, légitime. C’est l’accès aux instruments légitimes
d’expression, donc la participation à l’autorité de l’institution, qui fait <i>toute</i> la différence – irréductible au
discours même – entre la simple imposture des <i>masqueraders</i> qui déguisent l’affirmation performative en affirmation
descriptive ou constative et l’imposture autorisée de ceux qui font la même
chose avec l’autorisation et l’autorité d’une institution. Le porte-parole est
un imposteur pourvu du <i>skeptron</i>. »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftn12" name="_ftnref12" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[12]</span></span><!--[endif]--></span></a></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
Mais à la
différence peut-être de tout autre porte-parole, l’incarnation de ce Nous dans
la personnalité du leader populiste est exclusive et sans partage. Peu lui
importe d’être le reflet fidèle de son auditoire ! Peu importe aussi à son
auditoire qu’il manifeste ou non, par son histoire personnelle, les aléas de
vie des gens du commun ! Il suffit que la mise en scène efficace de sa
parole publique – son <i>skeptron</i> – se
déroule sous les yeux de son public. Ce qui relève d’une alchimie pour le moins
curieuse n’en est pas moins d’une opérationnalité puissante. Elle est, en effet,
exclusive et sans partage, parce que – ce sont les éléments de définition que
propose Jan Werner Müller – le populisme est nécessairement anti-pluraliste.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
Je voudrais
retrouver ici deux thèses qu’énonce l’auteur. La première :</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-left: 1.0cm; text-align: justify;">
« Le populisme ne peut être rattaché à des électeurs bien
particuliers, à des profils socio psychologiques bien déterminés ou à un
certain « style politique ». Nous n’avons pas avec le populisme une
idéologie dense (au sens neutre du terme, purement descriptif), comme le socialisme,
le libéralisme ou encore le néo-libéralisme et le conservatisme (ce dernier
étant souvent apparenté au populisme, de façon erronée, parce qu’il est, lui
aussi, difficile à saisir conceptuellement). Mais le populisme montre une
logique interne spécifique et identifiable : les populistes ne sont pas
seulement hostiles aux élites, ils sont fondamentalement anti-pluralistes. Leur
revendication constante consiste à affirmer : nous – et seulement nous –
représentons le peuple véritable. Et leurs distinctions politiques se ramènent
inéluctablement à une distinction binaire, à caractère moral, entre le vrai et
le faux, et en aucun cas à une unique distinction entre gauche et droite. <b>Le populisme est synonyme de polarisation</b>
– une polarisation qui, toujours, revêt un fort caractère moral. »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftn13" name="_ftnref13" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[13]</span></span><!--[endif]--></span></a></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
Et la
seconde :</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; margin-left: 1.0cm; text-align: justify;">
« Les populistes conçoivent le rapport de représentation comme un
mandat impératif : la volonté clairement identifiable du peuple doit tout
simplement, et elle seule, être mise en application. Il serait pourtant erroné
de prendre au pied de la lettre cette idée de représentation de la volonté.
Parce qu’une telle volonté unique d’un peuple homogène n’existe tout simplement
jamais dans les faits (et ne peut déjà être établie a priori), les populistes
se rabattent sur une conception de la représentation qui est plutôt
symbolique : dans ces conditions<b>,
le peuple véritable doit, dans un premier temps, être extrait de la totalité
empirique des citoyens</b>. Cela signifie, très concrètement, ceci : seuls
les travailleurs du cru, seul le <i>pueblo
de Chavez</i>, seuls les chrétiens nationaux ou les <i>descamisados</i>, pour ne prendre que ces exemples, sont le peuple
authentique. »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftn14" name="_ftnref14" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[14]</span></span><!--[endif]--></span></a></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
Une
polarisation morale donc, qui est et
demeure totalement indifférente à la totalité empirique des citoyens. C’est, en
somme, un vrai tour de passe-passe et l’imposture du porte-parole populiste est
ici redoublée : non seulement le populiste s’emploie à discréditer les
institutions et ceux qui exercent les prérogatives qu’elles leur confèrent,
mais il s’appuie sur ces mêmes institutions, sur la même logique de
représentation, pour, une fois parvenu au pouvoir, oublier tout à fait celles
et ceux qu’il dit incarner. Non seulement le populiste dresse une frontière
irréductible entre le vrai et le faux, le peuple authentique et celles et ceux
qui, dans l’exercice même des responsabilités, s’en détournent et le bafouent,
mais il emprunte les mêmes voies, les mêmes procédures quand, une fois aux
responsabilités, il conteste toute légitimité à celles et ceux qui entendent
jouer le rôle de l’opposant ou bien du contre-pouvoir. Il y a là une vision
totalisante ! Seul le clientélisme lui garantit la loyauté de ce peuple,
qui, malgré les révélations sur les scandales et l’affairisme égratignant
l’image du populiste au pouvoir, s’estime
ainsi défendu et préservé dans son identité. L’illusion se maintient
tant que la possibilité d’un contre-pouvoir est rendue, par les attaques
auxquelles la presse ou l’opposition font face, illégitime et suspecte. Il n’y
a pas de place pour un entre-deux, une conception renouvelée de la communauté,
une prise en compte du singulier (qui, par ailleurs, dans le débat politique
traditionnel, est, par méprise et confusion sciemment entretenue, l’autre nom
du communautarisme – que le populiste exerce bien par ce clientélisme). </div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: normal; text-align: justify;">
Le Nous du
populisme est un Nous sans âme, sans autre force que celle, illocutoire, de son
discours. La riposte est difficile, tant l’imposture est tenace. Reste que, le
populisme, loin de s’imposer du dehors, est bien le produit de nos démocraties
représentatives qui voient, dans la représentation, leur unique et essentiel
principe. Ce n’est donc pas tant du côté du populiste, et de lui seul, qu’il
convient de faire porter la critique, mais bien du côté de notre représentation
et de notre conception de la démocratie. Ce n’est pas encore proposer
l’antidote : c’est en tout cas changer notre braquet d’épaule. C’est aussi
avertir que si l’on n’envisage comme remède qu’une réforme constitutionnelle,
sans passer par la redéfinition de la représentation, il y a fort à parier que
la menace demeure celle inhérente à un système qui ne se renouvelle pas ni ne
se renégocie pas.</div>
<br />
<div>
<!--[if !supportFootnotes]--><br clear="all" />
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="ftn1">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a> Note
pour plus tard : qu’il s’agisse de la critique du leader politique, de
celle de la démocratie libérale, la question se pose de savoir si la fédération
n’est pas l’antonyme de la représentation démocratique. </div>
</div>
<div id="ftn2">
<div class="MsoFootnoteText" style="line-height: 150%;">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Müller, pp. 22-23.</div>
</div>
<div id="ftn3">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a> On se reportera
à l’éclairant essai de Charles Wright Mills, <i>L’élite au pouvoir, </i>édition Agone, coll. « L’ordre des choses »,
2012.</div>
</div>
<div id="ftn4">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[4]</span></span><!--[endif]--></span></a> Müller,
p.41</div>
</div>
<div id="ftn5">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[5]</span></span><!--[endif]--></span></a> Müller,
p.74.</div>
</div>
<div id="ftn6">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[6]</span></span><!--[endif]--></span></a> Müller,
pp. 74-75.</div>
</div>
<div id="ftn7">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[7]</span></span><!--[endif]--></span></a> Pierre
Rosanvallon, <i>Le peuple introuvable</i>,
éd. Folio, 1998, pp. 40-42</div>
</div>
<div id="ftn8">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[8]</span></span><!--[endif]--></span></a>
« Recep Tayyip Erdogan est allé droit à l’essentiel au mois de juillet
2014 en s’adressant de la manière suivante à ses adversaires : « Nous
sommes le peuple. Qui êtes-vous ? » Un tel motif se trouvait déjà
dans la rhétorique des révolutionnaires français, qui considéraient que le vrai
peuple devait être pour ainsi dire extrait de la masse empirique de tous les
Français (pour reprendre une formule très pertinente de Claude Lefort).
Autrement dit, qui ne se rallie pas aux populistes s’exclut de lui-même du
peuple. Et cette autodisqualification ne saurait être aux yeux des populistes
qu’une autodisqualification morale dont les conséquences politiques ne peuvent
être que graves. », Müller, pp.67-68.</div>
</div>
<div id="ftn9">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[9]</span></span><!--[endif]--></span></a> Müller,
pp. 64-66</div>
</div>
<div id="ftn10">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[10]</span></span><!--[endif]--></span></a> Müller,
p. 66</div>
</div>
<div id="ftn11">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[11]</span></span><!--[endif]--></span></a>
« On devrait reconnaître franchement qu’il n’existe tout simplement pas
aujourd’hui de théorie <i>démocratique</i>,
à la fois rigoureuse et largement acceptée, qui permettrait de définir le
peuple, le <i>démos</i> (et qui permettrait
aussi de dire ce qu’est au juste la répartition territoriale des terres) :
la décision démocratique portant sur le démos présuppose que l’on sache déjà
qui en fait partie – alors même que cette question est précisément tout le
problème et ne peut se voir apporter de réponse ( de sorte que l’on a ici
affaire, en définitive, à une sorte de serpent se mordant perpétuellement las
queue). Certes, le nationalisme a proposé une réponse relativement claire (et
qui, de fait, s’est largement diffusée dans le monde entier) à la question de
savoir comment dessiner les frontières. Mais cette réponse n’est ensuite
valable qu’à la condition d’avoir affaire à un nationalisme culturel au sens le
plus large du terme : quand nous avons affaire à un nationalisme
politico-civil (ou pour le dire de façon plus concise, à un patriotisme
constitutionnel), la question se repose alors à nouveau entièrement.</div>
<div class="MsoFootnoteText">
La solution la plus plausible réside ici dans une
sorte de <i>second-best</i> normatif, de
second meilleur choix normatif, qui implique toutefois, lorsqu’on y regarde
bien, un « plus de démocratie » au sens d’une participation plus
effective de la part du citoyen : au lieu d’attendre que la théorie
politique fournisse, pour ainsi dire d’en haut, des critères incontestables
permettant de dire qui peut faire partie du peuple et qui ne le peut pas, nous
ferions mieux de comprendre la démocratie comme un processus qui permet de
négocier toujours à nouveaux frais les questions de l’appartenance au <i>démos</i> et donc de la définition du <i>démos</i>. Ceux qui n’appartiennent pas
officiellement au <i>démos</i> peuvent en
effet proposer de nouveaux critères d’inclusion ou d’exclusion (ou, encore,
exiger d’être représentés). Mais ce sont bien évidemment, de facto, ceux qui en
font déjà partie qui décideront d’éventuels changements. » (Müller, pp.
126-127)</div>
</div>
<div id="ftn12">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftnref12" name="_ftn12" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[12]</span></span><!--[endif]--></span></a> Pierre
Bourdieu, « Le langage autorisé : les conditions sociales de
l’efficacité du discours rituel », <i>Ce
que parler veut dire – L’économie des échanges linguistiques, </i>Fayard, 1982,
p.107.</div>
</div>
<div id="ftn13">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftnref13" name="_ftn13" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[13]</span></span><!--[endif]--></span></a> Müller,
pp. 175-176.</div>
</div>
<div id="ftn14">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/questceque%20le%20populisme.docx#_ftnref14" name="_ftn14" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[14]</span></span><!--[endif]--></span></a> Müller,
pp.176-177.</div>
</div>
</div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-38364993177415499922016-06-12T12:46:00.001+02:002016-06-12T13:13:55.359+02:00« De nos frères blessés », Joseph Andras<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Roman de Joseph Andras, éditions
Acte Sud, 2016.</i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Bien plus qu’une réhabilitation
de Fernand Iveton, ce roman rend compte de ce qui nous reste encore occulté au
sujet de la guerre d’Algérie. De <i>Les damnés
de la terre </i>à <i>De nos frères blessés</i>,
il y a comme une parenté qui explique aussi ce passé tu, cette chape de plomb
qui recouvre tout récit s’y rapportant. Comme si la décolonisation n’était pas
encore, loin de là, achevée. Mais en même temps, et c’est l’espoir qui est à l’œuvre
dans le propos de Fanon, elle est déjà, d’emblée, réussie/réussite. Car c’est l’homme
qui, au travers du processus de décolonisation, surgit, fut-il, longtemps après
ladite (officielle) indépendance, renvoyé, par une sorte de remords et de
non-dit collectif (notamment sur la guerre d’Algérie), à sa situation de
colonisé.</div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 1.0cm; text-align: justify;">
« La
décolonisation, on le sait, est un processus historique : c’est-à-dire qu’elle
ne peut être comprise, qu’elle ne trouve son intelligibilité, ne devient
translucide à elle-même que dans l’exacte mesure où l’on discerne le mouvement
historicisant qui lui donne forme et contenu. La décolonisation est la
rencontre de deux forces congénitalement antagonistes qui tirent précisément
leur originalité de cette sorte de substantification que secrète et qu’alimente
la situation coloniale. Leur première confrontation s’est déroulée sous le
signe de la violence et leur cohabitation – plus précisément l’exploitation du
colonisé par le colon – s’est poursuivie à grand renfort de baïonnettes et de
canons. Le colon et le colonisé sont de vieilles connaissances. Et, de fait, le
colon a raison quand il dit « les » connaître. C’est le colon qui a <i>fait</i> et qui <i>continue à faire</i> le colonisé. Le colon tire sa vérité, c’est-à-dire
ses biens, du système colonial.<br />
La décolonisation ne passe jamais inaperçue car elle porte sur l’être, elle
modifie fondamentalement l’être, elle transforme des spectateurs écrasés d’insensibilité
en acteurs privilégiés, saisis de façon grandiose par le faisceau de l’Histoire.
Elle introduit dans l’être un rythme propre, apporté par les nouveaux hommes,
un nouveau langage, une nouvelle humanité. La décolonisation est véritablement
création d’hommes nouveaux. Mais cette création ne reçoit sa légitimité d’aucune
puissance surnaturelle : la « chose » colonisée devient homme
dans le processus même par lequel elle se libère.<br />
Dans décolonisation, il y a donc exigence d’une remise en question intégrale de
la situation coloniale. Sa définition peut, si on veut la décrire avec
précision, tenir dans la phrase bien connue : « Les derniers seront
les premiers ». La décolonisation est la vérification de cette phrase,
toute décolonisation est une réussite. » Frantz Fanon, <i>Les damnés de la terre</i>, p. 40</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
D’une écriture vive, incisive et
habitée, le roman de Joseph Andras est de ces textes qui saisissent le lecteur
et interrogent jusqu’à la littérature elle-même. Fernand Iveton vaut bien ce
portrait sensible Sa femme Hélène tout autant. Mais ce qu’il y a de fascinant
ici, tout autant que dans le refus cohérent d’Andras de tel prix littéraire, c’est
cette incessante tentative (parfois vouée à l’échec) de mettre en voix, alors
même que s’abat un système et un ordre des choses qui entendent la rendre
impossible. A plus d’un titre.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Au titre du militant, de son
appartenance au parti, de son allégeance à une cause. Iveton a des convictions,
et certaines circonstances (la mort d’Henri Maillot) l’amènent à les affirmer,
mais pas à n’importe quel prix (celui de l’attentat aveugle, de la mort d’innocents),
alors que le mouvement révolutionnaire et d’indépendance est prêt à ces
sacrifices humains.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Au titre de ces scènes
douloureuses de torture qui la subit n’est pas présumé coupable ou innocent :
il est Le coupable, dont on va soutirer les noms. Cette mise en voix, celle de
l’interrogatoire, de la mise en question, est aussi celle de ces silences, de
ces mots échappés, de ces prières (au sujet du sort de ses compagnons d’arme). Une
mise en voix rendue impossible par les tortionnaires : rien ne peut les
satisfaire. Recouverte : ils ont le pouvoir, ils occupent la position qui
les autorise à tout, y compris disqualifier la position et le rang de celle et
de ceux qui ne l’occupent pas. Fernand est un traître, donc rien, un jouet. Aussi,
la mise en voix, quel qu’en soit le résultat, n’est pas là pour révéler quoi
que ce soit. D’un côté comme de l’autre. Ceux qui, dehors, luttent l’ont bien
saisi et en jouent ainsi qui refusent de reconnaître et de « revendiquer
publiquement l’action manquée d’Iveton… La police suspecte les communistes, ils
commencent à arrêter les militants PCA et CDI, à tour de bras, ça arrange le
Front, à mon avis, ça brouille les pistes et ça détourne l’attention. »
(p. 40)</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
En définitive, face à une réponse
militaire, poser l’acte politique qui amène à l’irrémédiable condamnation d’Iveton
(la rencontre de ses avocats avec le Président Coty l’atteste) rend toute mise
en voix impossible. Et, à l’histoire de recouvrir cette impossibilité-là, de
jeter le voile et de nous détourner de toute lucidité.</div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Mais c’est là aussi le rôle,
peut-être, de la littérature : marquer l’écart entre une mise en voix
socialement disqualifiée et la mise en voix qui est alors de l’ordre de l’intime,
du privé, de ce qui ne peut s’énoncer en public et qui, même s’il n’est pas prononcé,
existe au sens d’un monologue, d’un <i>Je
Nous parle</i> tout intériorisé. L’émergence de l’humain quand la société
humaine le met hors circuit tout en l’intégrant (y compris dans la relation au
bourreau, il y a intégration de la déviance condamnée dans un ordre des choses
consacré, sans quoi il n’y aurait ni bourreau ni déviant ou traître). Et je
peux comprendre alors que le Prix, qui fait office de la mise en spectacle de l’écriture
littéraire, ne vaille pas grand chose (ce qui est loin d'une coquetterie et encore moins d'une indélicatesse) quand le vrai travail est celui de cette langue
intérieure, de cette mise à l’écart travaillée et ciselée par le mot de l’écrivain, qu'il remet en chantier, à l'ouvrage.
La bienséance condamne certainement la cohérence, mais celle-ci rejaillit
davantage sur celle-là. Et cette cohérence n’enlève rien, ni au tour de force
du colonisé qui s’affirme debout comme l’homme qui ne peut être abattu ("La vie d'un homme, la mienne, compte peu. Ce qui compte, c'est l'Algérie, son avenir. Et l'Algérie sera libre demain." Ce que répondra Iveton au greffier avant que ne commence la procédure), ni à celui de
ce roman grandiose, violent, mais nécessaire.</div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0Rennes, France48.117266 -1.677792599999975237.2478305 -22.332089599999975 58.9867015 18.976504400000024tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-43045276096181147242016-04-17T15:40:00.000+02:002016-04-17T15:40:47.084+02:00Je suis Fassbinder - texte de Falk Richter, mise en scène de Falk Richter et Stanislas Nordey<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
ET si le théâtre, la scène comme le texte, était un
manifeste…</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Au sens d’une déclaration publique qui, à la fois prend
position (ce que d’aucuns appelleraient posture) et prend à parti, pour aujourd’hui
comme pour demain. C’est bien cela que j’ai vu dans <i>Je suis Fassbinder</i>. S’engager dans une parole, l’adresser au risque
de gêner, de déplaire, de troubler dans le confort (tout relatif) du fauteuil de la
salle. Mais une parole qui a l’avantage de se référer, comme en écho, à toutes
les autres qui, par leur propos lénifiant, la motivent. Il faut, en s’en
emparant, en prendre acte. Une parole qui vient interrompre le cours des choses
comme celle qui autorise, par delà la rupture, de faire le tri entre ce qui
peut être audible et ce qui suscite légitime indignation. Un manifeste comme
pour mieux entendre. Mais aussi (se) réfléchir, s’interroger et se positionner soi-même.
Parce qu’il renvoie à cette prise de conscience, doit-il en forcer l’éveil. Le propre
du manifeste est de se demander, tension du corps comme de la pensée, quel
pourrait être son engagement. La parole est-elle à condamner ou faut-il l’entendre,
non pas tant la suivre comme un mot d’ordre, mais tenter d’articuler ses
pensées à cette pensée qui s’énonce et s’adresse ? Un manifeste comme une
déclaration d’intention : il faut pouvoir en répondre.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
C’est ambitieux pour un directeur de théâtre comme l’est Nordey.
C’est un manifeste en forme de note d’intention d’un programme à venir : elle
en définit l’esprit, en favorise la lisibilité et l’intelligence, en consacre
les valeurs. La question « comment répondre de cette parole, pour aujourd’hui
comme pour demain ? » me semble plus intéressante, plus ample et plus
exigeante que cette autre (je ne sais si elle est plus banale ? plus
classique ? en tout cas, une sorte de serpent de mer qui finit tôt ou
tard par se mordre la queue, sitôt qu’il
l’énonce) : « qu’est-ce qu’un théâtre politique aujourd’hui ? ».
C’est, en effet, une exigence pour un théâtre qui ne soit pas qu’une
illustration documentaire. Qui sait faire la part entre l’actualité et ce qui
relève de la pensée et du jugement. Qui sait outrager, parce qu’il entend
rétablir (même s’il ne sait trop ce que demain sera). Qui n’est pas simplement
une volonté d’émouvoir (du genre « Voyez comme nous sommes démunis ! »)
mais qui heurte profondément (« Voyez comme nous <i>nous</i> sommes démunis ! ») et qui remet à sa place – sa juste
place. Un théâtre lucide et vigilant (si infamie il y a, ou il y aura, nous
devons en répondre comme il nous faudra en établir notre part) et pas
simplement d’apitoiement (s’apitoyer sur les autres comme avant tout un
prétexte narcissique pour s’apitoyer sur soi). Un théâtre volontaire et qui ne
transige pas. Qui ose cette sorte de mépris qui n’est pas d’indifférence, qui n’est
pas d’éradication mais qui, en désignant ce qui fait litige, ce qui ne peut s’entendre,
et par une sorte de discipline intellectuelle (il est frappant de savoir
comment le texte s’élabore au fur et à mesure du travail sur le plateau), de
conception et d’élaboration, un mépris qui entend dénoncer autant que
réaffirmer.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ensuite, parce que c’est un théâtre qui s’inscrit dans une
lignée et la réactualise avec finesse, subtilité (mais non point obscure) mais
puissance, avec rigueur même s’il ne paraît que chaotique et désordonné. Cette parole
ne vient pas de nulle part. Elle s’affronte d’abord. Premièrement à toutes
celles qui ont cours mais dont il faut vider l’autorité et l’arrogance parfois
trop simpliste, parce que précipitée. Deuxièmement, à celles qui ont été
oubliées. C’est là toute l’intelligence de ce <i>Fassbinder</i>. Enfin, à toutes celles qu’il faudra bien tenir, par la
suite. C’est là tout l’art de l’adresse : non pas que la parole se perde
mais que, réinvestie, réappropriée, elle puisse être à nouveau déployée, remise
en circulation, et ailleurs qu’au théâtre. Il faut aller plus loin !<br />
<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="http://3.bp.blogspot.com/-G7vdVAu1ZC0/VxOSCM69r2I/AAAAAAAABfg/Ol6MnlwnThYbWNVZwq1BjCOfYV0UAAN-wCK4B/s1600/20152016-spectacles-jesuisfassbinder-fernandezjeanlouis-116.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" src="https://3.bp.blogspot.com/-G7vdVAu1ZC0/VxOSCM69r2I/AAAAAAAABfg/Ol6MnlwnThYbWNVZwq1BjCOfYV0UAAN-wCK4B/s1600/20152016-spectacles-jesuisfassbinder-fernandezjeanlouis-116.jpg" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><span style="color: #6a6d6d; font-family: Arial, Verdana, serif; font-size: 10px; line-height: 14px; text-align: left;">Scène de "Je suis Fassbinder" © Jean-Louis Fernandez</span></td></tr>
</tbody></table>
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ce que nous disent Nordey et Richter, c’est qu’il ne faut
pas consacrer Fassbinder pour Fassbinder. En somme, une œuvre du passé, aussi
proche soit-il, ne vaut pas pour le passé qui était le sien, comme s’il s’agissait
d’en édifier le mausolée. La nécessaire actualisation, articulation avec notre
présent suppose un travail qui est d’abord un travail en références. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
La première qui vient est la filmographie fassbindérienne,
notamment <i>L’Allemagne en automne</i>. Tout
cela se voit sur l’écran et se joue sur le plateau. Répétition ? Certes !
Mais il ne faut pas voir là un manque d’audace ou une volonté d’en rabattre les
oreilles avec ce qui se joue. Il s’agit bien plutôt de nous rapprocher d’un
quotidien dont nous avons oublié combien il est le nôtre. Si l’histoire, la
grande comme la petite, se répète, c’est seulement par notre amnésie elle-même.
Notre part dont il nous faut et faudra répondre. Et l’on comprendra la
nécessité comme l’urgence, pour Nordey, de ne pas finir la représentation par
la fiction théâtrale, mais par la harangue politique. On sent alors que le
dialogue inachevé de <i>L’Allemagne en
automne</i> s’inachève là encore, sous nos yeux, sur scène, dans cette adresse.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’autre série de références est celle qui rapporte ce qui se
dit ou, à défaut, ce qu’il faudrait de peu pour que cela se dise. C’est Judith
Henry, tout en force contenue, qui fait résonner une myriade de Je, bientôt
accompagnée par les comédiens qui, à tour de rôle, se désignent. S’il faut de
tout pour faire un monde, il y a ces multiples visages qui surgissent des mots.
Chacun peut s’y reconnaître ou repérer son voisin sous les traits de tel ou
tel. Il n’est pas question de le désigner à la vindicte populaire. Le manifeste
n’est pas vengeur ni justicier. Il est d’abord question de croiser ses regards,
de leur donner une existence. Et l’on se rend bien compte qu’à être seulement
déclamée, celles et ceux de cette liste coexistent en s’ignorant. Parce que
sinon, s’ils se dévisageaient et s’interpellaient, la cohabitation serait alors
tout à fait impossible. C’est bien ce que laisse suggérer le « reportage »
filmé sur la répétition où non seulement le texte de la pièce ne peut être
réécrit mais où la communauté de travail est devenue, en s’affrontant, quasi
impossible. Il n’y a que la naïveté de la jeune première qui a appris son texte
sans s’interroger, qui le débite et le reprend autant de fois que le maître l’impose,
pour penser qu’elle le soit.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Enfin, il y a cette inversion des rôles. Laurent Sauvage et
Stanislas Nordey sont à la fois eux-mêmes, la mère de rainer, Rainer, l’amant
de Rainer mais aussi les Petra von Kant. La distribution des rôles et des
partitions évoluent et il y a dans cette volonté de brouiller les pistes comme
une mise en garde, puisque, à chaque fois, cette inversion coïncide avec le
chaos, une démission en acte vis-à-vis de l’autre, de l’étranger et un
renoncement à ce qui nous engage : nous nous ignorons parce que nous ne voulons
plus faire commun.</div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
C’est ce commun que ce <i>Fassbinder</i>
nous invite à retrouver : il en manifeste l’urgence.</div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0Rennes, France48.117266 -1.677792599999975248.032458 -1.8391540999999751 48.202074 -1.5164310999999753tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-56743435351244633452016-02-24T10:49:00.000+01:002016-02-24T10:51:33.911+01:00"Des ombres et des lèvres." Texte et mise en scène de Marine Bachelot Nguyen<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le théâtre documentaire est-il un filon à exploiter ?</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
J’avoue être sorti de cette première lassé de ce que j’y
avais vu. Pourquoi diable faire du théâtre documentaire, engager le propos dans
une perspective militante, rendre compte d’une problématique bien réelle <b><i>et</i></b>
parler autant de soi, de sa propre histoire militante, mais aussi de ses
deuils, de ses déchirements ainsi que de ses racines personnelles ? D’où
est audible cette voix qui dit « Tu », à propos de laquelle l’auteure
écrit, dans le dossier de presse du spectacle : « C'est à la fois la
voix de l'auteure, de celle qui a fait ce voyage, mais c'est aussi une voix
plus large, où s'engouffre de l'altérité et de l'universalité. D'ailleurs les
interprètes l'assumeront à tour de rôle, de façon collective. Ce “Tu” me permet
d'amener de l'intimité autobiographique, des sensations et paysages, tout comme
de l'adresse politique. » ? Ce « Tu » du storytelling,
soi-disant transparent, qui devient, parfois jusqu’à la caricature (ce moment
où l’une des comédiennes chausse une paire de lunettes aux formes identiques à
celles de l’auteure), un « Moi », « Mon histoire », « Mes
combats ». Un « Moi » qui, à la rencontre des autres, les initie
à leur émancipation plutôt qu’il ne se défie à la sienne propre. On a parfois
envie de demander qui parle ? Si, s’agissant de ces minorités et de ces
subalternes qu’on veut mettre en scène, elles parlent vraiment ? Si le
projet « documentaire » n’est pas d’abord condescendant au lieu d’être
de « révolte » ? Je me méfie du côté délibérément porte-parole,
qui peut animer une bonne conscience.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ensuite, l’angle « documentaire » m’irrite. Le récit
qui s’y déroule est tout entier lissé et la symbolique finale de la submersion
marine, la valise flottant au dessus de soi, s’y annonce dès le départ. Quand
on lit le dossier de presse, on a l’impression qu’il s’agit de faire naître un
nouveau style ou genre, qui renonce à toute fiction. « Pour ce projet, il
me semble difficile de bâtir les choses ainsi, ou d'essayer de me cacher
derrière une fiction totalisante. » Soit pour l’abandon de la fiction !
Mais, ce qui revient à mon premier point, qu’en est-il de la représentation ?
Tout se passe comme si on ne pouvait plus, on ne devait pas l’interroger, faire
de cette interrogation une scène même. « Lissé », ai-je écrit, parce
que tout me semble travaillé par une logique où tout doit se révéler sur pièce
comme sur scène, il ne peut plus y avoir de sous-entendu, il ne peut pas y
avoir, pour le spectateur, de place pour qu’il s’interroge lui-même. « Lissé »,
parce que tout y est illustré, comme dans un vrai reportage. « Lissé »,
par l’absence même de symbolique qui interroge le sens, par l’omniprésence de
la littéralité de l’expérience personnelle vécue, et qui ne laisse aucune place
aux silences. Parce que l’un des torts principaux, selon moi, de ce « documentaire »
est de produire un texte pour la
connaissance, pour l’information. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Relisant, ce matin, un passage de Gayatri Chakravorty Spivak,
citant Pierre Macherey, au sujet de l’interprétation de l’idéologie : <i>« Ce qui importe dans un œuvre, c’est
ce qu’elle ne dit pas. Ce n’est pas la notation rapide : ce qu’elle refuse
de dire, ce qui serait intéressant ; et là-dessus on pourrait bâtir une
méthode, avec, pour travail, de mesurer des silences, avoués ou non. Mais
plutôt, ce qui est important, c’est ce qu’elle ne peut pas dire, parce que là
se joue l’élaboration d’une parole, dans une sorte de marche au silence. »<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=4608896959649001408#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><b><span style="font-family: "calibri" , "sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%;">[1]</span></b></span><!--[endif]--></span></a> </i>Et
s’interrogeant sur la production de la codification de l’impérialisme, sur la
reproduction et la réitération de la subalternité, c’est-à-dire aussi et
surtout, sur cette violence épistémique qui est d’abord à l’œuvre dans la
violence générale, ne pas laisser s’ «entendre » ce que le texte ne
dit pas n’est que produire un « texte
pour la connaissance », sans possibilité même de le/la déconstruire et d’en
lever l’insurrection ou la révolte. « Lisser », ainsi que le fait ce
récit, c’est recouvrir d’ombre cette subalternité et l’y maintenir aussi.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Je suis sorti de cette première avec cette question :
de qui fait-on le récit ?</div>
<br />
<div>
<!--[if !supportFootnotes]--><br clear="all" />
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<!--[endif]-->
<br />
<div id="ftn1">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="https://www.blogger.com/blogger.g?blogID=4608896959649001408#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "calibri" , "sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a> Gayatri
Chakravorty Spivak, <i>Les subalternes
peuvent-elles parler ?</i>, éd. Amsterdam, p. 51</div>
</div>
</div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-26792554076993959172016-02-12T14:18:00.000+01:002016-02-12T22:51:39.145+01:00Pour un suicide des intellectuels<div style="text-align: justify;">
<i>Au sujet du livre que vient de faire paraître Manuel Cervera-Marzal, aux éditions textuel, dans la collection "petite encyclopédie critique".</i></div>
<div style="text-align: justify;">
<i><br /></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
A l’outrance des positionnements pro ou
anti-intellectuels, comme à celle de ceux qui, sur les ondes comme dans les
journaux, s’autoproclament « penseurs du monde contemporain », il y a
quelque chose d’assez stimulant à lire le parti-pris de Manuel Cervera-Marzal.
Car ce suicide des intellectuels qu’il appelle de ses vœux n’est pas un
attentat contre la pensée, les ci-dessus désignés le commettent en toute
arrogance sur les plateaux médiatiques qui les mettent en scène, reconfigurant
une société du spectacle autant qu’une anémie de pensée. Il s’agit bien, au
sens fort, de sa réhabilitation. Il ne s’agit pas non plus d’une expression
d’un agacement et d’une provocation qui amuserait par son ridicule et sa
pseudo-impétuosité. Les circonstances du pseudo-débat démocratique exigent son
revers. Il n’en appelle pas au meurtre. Il s’agit d’une renaissance. En tout
état de cause, Manuel Cervera-Marzal entend relever le défi du brouillage des
ondes, des idées et des discours tout en proposant un <i>éthos</i> intellectuel, loin de tout intellectualisme de salon ou
d’experts. Aussi, l’ouvrage est-il un manifeste et comme une invitation à de
nouvelles tribulations intellectuelles.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Parmi les perspectives qu’esquisse l’auteur, il y a celle de
<b><i>l’intellectuel
précaire</i></b>. Non pas tant seulement en référence à la « génération
précaire », étiquette de circonstance devenue catégorie sociologique. Je
vois dans cette précarité énoncée une double condition, qui dépasse les aléas
de la vie sociale et peut mener à une subversion de la pensée même. Elle est
d’abord celle d’un intellectuel qui ne peut asseoir sa position sur
quelqu’institutuion que ce soit. En rupture avec toute notion d’héritage, de
déterminisme social et de tout mécanisme de reproduction, mais en rupture aussi
avec la position et le rôle social que, dans les cénacles consacrés, on fait
jouer à la pensée, sans, toutefois, l’y trouver. Manuel Cervera-Marzal
reconnaît bien qu’il s’agit là du point faible de sa proposition. Il pourrait y
avoir là quelque démagogie à l’affirmer<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Pour%20un%20suicide%20des%20intellectuels.docx#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "calibri" , "sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a>,
comme une sorte de romantisme à moindre frais de la vie de la pensée qui inonde
le monde réel. Si la proposition est fragile, elle appelle toutefois une
exigence épistémologique que Luc Boltanski énonce, quitte à assumer quelque
chose qui, aussi bien dans l’univers des idées mises en scène que dans celui de
la politique et de l’espace public, reste tabou, ou, du moins, un aveu
d’impuissance : <i>l’indécidable</i>.
« Renonçant à nous prévaloir d’une capacité d’analyse radicalement différente
de celle de l’acteur, à partir de laquelle nous pourrions expliquer ses
démarches à sa place et mieux qu’il ne pourrait le faire lui-même, nous faisons
le sacrifice de notre <i>intelligence</i>
[…]. Nous renonçons à présenter notre propre version avec l’intention d’avoir
le dernier mot, et nous nous refusons par là une activité dont l’acteur ne se
prive pas. »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Pour%20un%20suicide%20des%20intellectuels.docx#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "calibri" , "sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ne pas
trancher sur qui est ou n’est pas intellectuel, entretenir le flou pour que ce
ne soit plus une catégorie et que l’étiquette se désagrège d’elle-même,
voilà bien le premier sens de cette
précarité.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Elle nous assigne directement à cette confrontation avec
ceux que l’auteur appelle les « a-tellectuels ». Intellectuels de
profession, ils ne voient de société que dans le cadre des contrats, des discussions
et d’un consensus artificiel, d’un universalisme formel et oublieux du
singulier ; soucieux de l’émancipation de celles et de ceux qui se
trouvent au bas de l’échelle sociale, ils n’exercent pas leur lucidité et leur
vigilance sur les processus complexes d’exploitation et d’aliénation. Ils sont,
d’une certaine façon, des adeptes du statu quo, comme ils le sont de la pensée
binaire et du manichéisme. En somme, ils reproduisent le système de
l’exploitation et leur bienveillance à dénoncer le morcellement de la société
n’a d’autre raison que la division du monde, dans laquelle ils s’inscrivent et
qu’ils entretiennent comme effet d’un privilège de classe. Le suicide des
intellectuels est celui de ces « a-tellectuels ». Et pour l’auteur, ça
n’est rien d’autre que de travailler à l’abolition de cette séparation
dominant/dominé, travail intellectuel/travail manuel, et donc de la catégorie
même d’intellectuel comme « fraction isolée du reste de la
population ».</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
La seconde condition, conséquence de la première, est celle
d’un retrait délibéré de toute la scène médiatique et d’un engagement effectif
qui renoue avec le geste de Thoreau et de celles et de ceux qui ont pensé et
mis en œuvre la désobéissance civile. <b><i>A chacun son Walden</i></b>, en somme !
Il s’agit alors de s’installer dans le monde précaire des idées et de la
pensée. Le Walden en question est celui qui nous fait renouer à un dialogue et
à une coopération de soi avec les autres, ou encore à la critique et à
l’intellectualité démocratique. Or cela suppose engagement. Non pas tant à
produire des livres (car telle demeure la fonction visible de l’intellectuel)
mais à œuvrer à l’émancipation.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Or ce travail appelle <b><i>une méthode</i></b><a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Pour%20un%20suicide%20des%20intellectuels.docx#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "calibri" , "sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a>.
C’est certainement là ce qu’il y a de plus intéressant et de plus solide dans
ce petit livre, même si ce n’est pas tout à fait original. </div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 42.55pt; text-align: justify;">
« La tâche de
l’intellectuel est de prendre en charge <i>la
globalité</i> du domaine du pensable. Il ne s’arrête devant rien.
L’intellectuel a pour ambition de devenir spécialiste en tout, technicien de
l’universel, tout en étant impitoyable quant à ses propres faiblesses, dont
notamment ses boursouflures narcissiques. Il cultive ensemble le goût de
l’aventure intellectuelle poussée toujours plus loin et de l’humilité de celui
qui connaît l’immensité de son ignorance. Penser l’homme suppose de scruter les
méandres de son inconscient, les complexités de sa relation à autrui et les
sinuosités de sa présence au monde. Il faut pour cela être tour à tour
psychologue, sociologue, philosophe, et aussi musicien, historien,
mathématicien. Mille vies n’y suffiraient pas. De nos jours, le temps de lire
un livre, cent ont été publiés. La réduction des postes et l’austérité
budgétaire imposées aux universités n’entravent pas la production prolifique
des universitaires. La somme de connaissances à acquérir est démesurée. Et
pourtant, l’intellectuel ne renonce pas à se saisir des vastes chantiers du
savoir. Il vise toutes les régions de la connaissance, sans se laisser enfermer
dans l’une d’elles, et encore moins dans l’autosatisfaction de sa propre
grandeur. »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Pour%20un%20suicide%20des%20intellectuels.docx#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "calibri" , "sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%;">[4]</span></span><!--[endif]--></span></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Manifeste, ai-je dit. Je reviendrai sur l’idée même de
globalité qui ne signifie nullement totalité. Mais je remarque déjà que rien ne
s’oppose plus à la tâche de l’intellectuel que l’idée de faire système. Autre
façon de désigner une pensée close sur elle-même, arrogante et incapable de
s’ouvrir à ce qu’elle décrète, toujours plus ou moins arbitrairement, comme
n’étant pas son objet propre et qui n’ose trouver hors d’elle-même sa propre
nourriture. Mais on le comprend aussi :
la précarité même de l’intellectuel ne lui ferme aucune source, aucune
tentative ; elle réside dans cette exigence d’essayer la pensée, sous les
formes, les champs, les perspectives diverses, ouvrant et œuvrant à la
multiplication des angles et points de vue. Cesser, en fait, dans une logique
purement productiviste, de penser hors-sol.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b><i>Globalité de la méthode</i></b>.</div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 42.55pt; text-align: justify;">
« La critique authentique
ne porte aps sur des aspects secondaires ou techniques de l’ordre social mais
sur cet ordre dans sa globalité. Il s’agit donc d’une théorie <i>globale</i> qui va au-delà des
compréhensions partielles de la réalité. Or l’institution universitaire génère
un morcellement de notre compréhension du monde, parce qu’elle isole les
disciplines les unes des autres : « La connaissance elle-même tombe
en miettes, réduites à un amas de fragments reliés par l’idéologie, tenus en
place par l’autorité. C’est la culture en mosaïque, mais la mosaïque mal
cimentée ne présente que des figures incomplètes et grimaçantes. » La
dissolution de la pensée est le soubassement nécessaire de l’ordre dominant. La
césure introduite entre les différentes sciences humaines et sociales fait
obstacle à une vision d’ensemble et donc à une critique globale. Les uns sont
spécialistes du passé et les autres du présent, les uns des individus et les
autres des collectivités, les uns de notre pays et les autres des contrées
lointaines, les uns de l’économie et les autres de la culture, les uns de la
politique et les autres de l’éducation, etc. L’homme est étudié morceau par
morceau. Au mieux tente-t-on parfois de rassembler artificiellement les pièces
du puzzle. La société est dévitalisée, démembrée et compartimentée entre
différentes sphères qui n’existent de manière indépendante que dans la tête du
chercheur qui les étudie. […] il faudrait affirmer une fois pour toutes que la
psychologie, la sociologie et la philosophie sont absolument indissociables.
Car le rapport d’un individu à lui-même, aux autres et au monde sont trois
dimensions d’une même entité : l’humain. On ne peut étudier l’homme qu’en
faisant interagir constamment ces trois strates constitutives de son être, qui
fonctionnent telles des anneaux borroméens. Cela suppose un dialogue permanent
entre la psychologie (qui fait du rapport à soi son domaine de prédilection),
la sociologie (qui fait du rapport à l’autre – donc de la société – son objet)
et la philosophie (qui interroge le rapport au monde). Cette <i>psychosociosophie</i> articulerait les trois
niveaux de l’existence humaine, constituant ainsi une micro-, méso- et
macro-anthropologie. Sur le premier plan, il s’agit d’analyser les rapports
d’un sujet à ses désirs, ses intérêts, ses calculs, ses craintes, ses espoirs,
ses valeurs, ses pulsions, ses idées, ses regrets et ses joies. Sur le deuxième
plan, il s’agit d’étudier les relations, les normes, les pratiques, les règles,
les représentations et les dynamiques sociales. Le troisième plan a trait aux
institutions, aux projets et aux fondements politiques dont se dotent les
sociétés. Si l’on sépare un plan des deux autres, on perd en intelligibilité.
Il faut donc renouer avec l’ambition d’une théorie globale de l’humain.
Ajoutons que les trois strates micro, méso et macro de l’existence humaine
n’ont rien d’immuable. C’est pourquoi il faut les saisir dans leur temporalité
spécifique et évolutive. Cela revient à historiciser la démarche
psychosociosophique qui, en retour, introduit l’histoire à une meilleure
appréhension du sujet, du social et du politique. Cette anthropologie globale
est potentiellement applicable à tous les objets. »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Pour%20un%20suicide%20des%20intellectuels.docx#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "calibri" , "sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%;">[5]</span></span><!--[endif]--></span></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
On est bien loin d’une approche totalisante, qui subsume
sous son concept les éléments d’une approche systématique. Et peut-être même
est-on loin de toute approche conceptuelle. C’est <i>L’archipel des égaux</i> de Guillaume Sabin, <i>Zomia</i> de James C. Scott ou même les ouvrages de Jack Goody ou
d’Edward Saïd. C’’est encore quelque chose que l’on trouve chez Judith Butler,
en tout cas dans <i>Défaire le genre</i>, et
ses ouvrages de circonstances sur la précarité, la vie bonne ou bien encore,
plus fondamentalement, dans <i>Les mots du
pouvoir</i>. Faire voler en éclat les barrières, les frontières disciplinaires
et introduire dans le corpus de chacune ce qui la défait par l’apport d’angles
et de points de vue qui, à première vue, paraissent étrangers. Oser les passerelles,
les passages, les articulations pour en dégager des équivalences possibles, des
« airs de famille » ; déconstruire non pas comme un exercice de
style mais pour viser ce qui, sous l’indéconstructible, la permanence
principielle, interdit toute subversion du contenu. La renaissance et le
renouvellement des tribulations intellectuelles sont à ce prix. <b><i>Déstabiliser
la pensée par les pensées mêmes</i></b>.</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "calibri" , "sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%;">Il est vrai que nos débats et nos scènes médiatiques ne
s’en préoccupent guère, voire disqualifient toute tentative, jugée, comme pour
mieux en révoquer l’audace, anarchiste. Or, c’est bien là ce qu’il nous faut
tenter, si l’on veut un jour sortir de l’unilatéralité d’un discours
a-tellectuel, qui n’a de ressource que l’illocution performative de son auteur.
Introduire une conflictualité non pas tant entre les auteurs (si elle doit se
produire, elle ne peut que bénéficier aux uns comme aux autres), mais dans nos
pensées mêmes. Renouer avec ce que la « pensée critique artiste » a
de non assimilable avec l’ordre lui- même. Moins qu’un programme, moins qu’une
idéologie, c’est une pratique, un <i>éthos</i>
qui se cherche, au fur et à mesure de ses pas, souvent de côté. L’utopie n’a
ici rien à voir avec l’avenir, mais plutôt avec ce qui, d’Arendt à Abensour,
révèle des brèches dans la pensée comme dans l’action. Or c’est là encore son
instabilité ou sa précarité même qui caractérise l’intellectuel <b><i>: un
intellectuel qui n’est nulle part</i></b> à sa place pour la bonne raison qu’il
n’y a pas de place qui puisse lui être attribuée<b><i>. Mais il n’est pas hors-sol non
plus</i></b>, pour la bonne raison que, dans la tension même qui le sépare des
principes au réel, de l’universel au singulier (il n’a à renoncer ni à l’un ni
à l’autre), plutôt que de vouloir les concilier, il habite cette séparation et
accueille cette tension. L’intellectuel est d’abord celui qui <b><i>s’essaye
à penser</i></b> plutôt qu’il n’essaie, comme on le fait d’une enveloppe
vestimentaire dont la permanence qualifiera le style, des pensées.</span>
</div>
<div>
<!--[if !supportFootnotes]--><br clear="all" />
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<!--[endif]-->
<br />
<div id="ftn1">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Pour%20un%20suicide%20des%20intellectuels.docx#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "calibri" , "sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a>
« La vie des idées s’introduit souvent dans des lieux insoupçonnés. Elle
navigue au ras du sol, ua comptoir de café, dans le salon de coiffure, le dîner
de famille, la pause clope, l’engueulade fraternelle, les confidences de
bureau. L’inconnu de la rue n’est a priori pas plus démuni intellectuellement
que les élites académiques. Démagogie ? Non. La démagogie, c’est
l’inverse, c’est de faire croire aux intellectuels qu’ils sont aussi
intelligents qu’ils le prétendent. Je ne fais pour ma part qu’affirmer une
simple évidence, qu’il faut hélas répéter : celles et ceux qui bâtissent
un immeuble ou répondent aux appels téléphoniques de clients mécontents font
autant ou davantage appel à leur intelligence que ceux qui s’épanchent sur plus
de deux cents pages pour diagnostiquer le malheur de l’identité ou le malaise
de l’inculture françaises. » p.19</div>
</div>
<div id="ftn2">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Pour%20un%20suicide%20des%20intellectuels.docx#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "calibri" , "sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a> Pp.
19-20.</div>
</div>
<div id="ftn3">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Pour%20un%20suicide%20des%20intellectuels.docx#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "calibri" , "sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a> Méthode
que la structure et l’administration universitaires ont bien du mal à mettre en
pratique, si tant est qu’elle soit son ambition affichée.</div>
</div>
<div id="ftn4">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Pour%20un%20suicide%20des%20intellectuels.docx#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "calibri" , "sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%;">[4]</span></span><!--[endif]--></span></a> P. 99.
Je souligne.</div>
</div>
<div id="ftn5">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Pour%20un%20suicide%20des%20intellectuels.docx#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "calibri" , "sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%;">[5]</span></span><!--[endif]--></span></a> P 86,
88-89.</div>
</div>
</div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0Rennes, France48.117266 -1.677792599999975248.032458 -1.8391540999999751 48.202074 -1.5164310999999753tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-5706769327747556252016-01-30T09:08:00.000+01:002016-01-30T09:08:08.658+01:00Doit-on désirer son bonheur à tout prix? <div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;"><b>Introduction -</b> Si le désir de bonheur personnel est un devoir, alors celui-ci peut aller jusqu’à s’opposer à mes désirs, à ma volonté. Autrement dit, si je dois désirer mon bonheur à tout prix, je n’ai d’autre choix que de le poursuivre. Sous cet angle, on peut bien reconnaître qu’il serait absurde d’exiger (aussi bien pour moi que pour quiconque) de mettre un terme à cette quête du bonheur personnel. En ce sens, il n’y a rien de plus naturel, de plus normal que de vouloir et désirer son bonheur, surtout si, par ce désir particulier, il s’agit de se projeter dans une perspective, un projet de vie qui assure la sécurité, la sérénité de mon existence et me garantit un bien-être durable.</span><br />
<span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;">Toutefois, le « à tout prix » pose question. Si je peux désirer mon bonheur personnel, dois-je le désirer alors même que je devrais ou sacrifier autrui (et son bonheur), ou considérer mon bonheur comme un inconditionné sans aucun égard à mon environnement ? Ce désir de bonheur personnel est-il à ce point absolu que je doive ne pas tenir compte des conditions à la fois personnelles et extérieures (matérielles) par lesquelles il serait rendu possible ?</span><br />
<span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;">Suis-je donc à ce point seul et isolé qu’il me soit nécessaire de renoncer à toute relation avec autrui ? Comment, en effet, ne pas envisager cet environnement, dans lequel je m’inscris, et la présence d’autrui comme autant de conditions qui rendent ce désir de bonheur personnel non seulement possible mais aussi moralement nécessaire ?</span><br />
<span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;"><b>Première partie -</b> Comment, en effet, ne pas désirer son propre bonheur ? Comment ne pas vouloir pour soi, d’abord et avant tout, de quoi vivre sereinement et durablement, sans que les coups du sort ne compromettent et notre vie même et nos idéaux ?</span><br />
<span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;">Ce n’est peut-être pas d’ici et de maintenant que ce désir verra sa satisfaction. Nos vies, dans les conditions matérielles que nous connaissons, offrent certainement plus de déceptions, de rancœurs et de désespérance, que d’allégresse. Il peut être difficile pour celui qui vit les troubles politiques d’un pays, les cataclysmes climatiques et autres catastrophes d’envisager pour son présent cette sérénité et tranquillité de l’âme que vantent les philosophes classiques. « Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés », lit-on dans l’Evangile selon Saint-Matthieu. Mon présent peut être de larmes. Il peut être cette impossibilité de bien vivre l’instant, parce que rien n’y contribue. Et, d’une certaine manière, nous subissons plus les désagréments des circonstances que leurs avantages. Reste que ce présent, nous invite Saint Matthieu, appelle un futur. Mes larmes d’aujourd’hui aspirent à la consolation ultérieure. C’est le sens d’une aspiration au salut de son âme dans un au-delà, qu’il soit le paradis biblique, ou bien une manière de dépasser les circonstances actuelles . C’est surtout le sens et la dynamique même du désir de son propre bonheur. Non pas que ce désir s’accompagne nécessairement et immanquablement de ce qui le réalise. Si tel était le cas, rien n’assurerait vraiment que je puisse me contenter de ce que j’aurais alors obtenu. Mais parce que désirer son bonheur est une manière de se confronter à ce que la vie même ne peut m’offrir comme satisfaisant et de lui opposer un pouvoir ou une puissance de surmonter les aléas dramatiques qui affectent nos existences.</span><br />
<span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;">A cet égard, Jean-Jacques Rousseau nous prévient lorsqu’il déclare « malheur à celui qui n’a plus rien à désirer ! ». Ne pas désirer c’est être, face au monde, démuni : l’homme « perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède », « l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède ». Ne plus vouloir désirer c’est s’abimer dans un monde sans consolation, dans les limites et les bornes d’une existence finie (dont la mort représente le terme). Pour Rousseau, même illusoire, le désir est avant tout une force de production et de création de soi. Ce n’est pas tant l’objet du désir qui importe (une fois possédé, une fois le désir satisfait, il n’y a pas de jouissance), et la force du désir ne se réduit pas à l’accumulation de nos satisfactions et de nos jouissances (« l’illusion cesse où commence la jouissance »). Ce qui importe dans le désir, c’est une force qui pousse l’homme à soumettre à son imagination l’objet de son désir, « le modifie au gré de sa passion ». Et c’est ainsi qu’on peut définir l’idée même de projet.</span><br />
<span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;">Par projet, il s’agit d’abord d’envisager ce qui n’est pas mais qui peut advenir, par la suite, et à la condition que je m’en donne les moyens, que je travaille à l’atteindre. Or cette condition évoquée signifie aussi que rien ne m’est donné et que définir une perspective heureuse ne signifie pas la rendre nécessaire. S’il suffisait de cette causalité (je rêve, donc mon rêve deviendra réalité), la vie humaine ne serait que prestidigitation. Cette condition signifie plutôt que je suis lucide sur ce qui est de l’ordre du possible, et vigilant quant à mes capacités, à mon pouvoir de définir ce possible. Cette lucidité et cette vigilance supposent que nous ne nous laissions pas entraîner dans une quête trompeuse. Et c’est bien là le sens des morales classiques qui nous recommandent de ne pas nous laisser dompter par de faux plaisirs, de fausses voluptés. Sénèque avait coutume de dire que « l’homme heureux est celui … pour qui la vraie volupté est le mépris des voluptés ». Ce ne sont pas les circonstances indépendantes de notre volonté, indépendamment de notre investissement personnel et comme un coup heureux du sort, qui contribuent à notre bonheur. Il insiste plutôt sur notre pleine et entière responsabilité. Il nous appartient de nous conduire de telle sorte que, non seulement ce bonheur nous soit accessible mais aussi durable et pérenne. De notre responsabilité, c’est-à-dire aussi de notre liberté. Ainsi, si le bonheur est un projet de bonheur, c’est qu’il dépend de nous de le définir, de le mettre en œuvre (quand bien même ne le réaliserions pas) et d’en faire quelque chose que nous créons pour nous-mêmes. Ce qui est le sens aussi de toute existence humaine.</span><br />
<span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;">Faire du bonheur un projet de bonheur, c’est ne pas le tenir pour assuré et garanti. Si l’on peut bien comprendre par là ce qu’il peut avoir de personnel, dans quelle mesure peut-il encore nous épargner, si ce n’est des coups du sort malheureux, des obstacles qu’autrui nous oppose ? Si « à tout prix » signifie « en faisant valoir ce qui relève de ma seule responsabilité », il suggère que rien ni personne, hors moi-même, ne le rend possible. Est-ce alors vouloir ce projet pour soi et au prix du sacrifice d’autrui ?</span><br />
<span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;"><b>Seconde partie - </b>Supposons que cet « à tout prix » signifie aussi « au prix du sacrifice d’autrui ». Mon désir de bonheur personnel peut-il s’accommoder d’un tel sacrifice ? </span><br />
<span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;">Savoir ce qui, en la matière, dépend de moi et définir, en fonction de cela, ce projet de bonheur, est-ce se vouloir tout à fait indépendant du monde humain et de la présence des autres ? Robinson Crusoë n’a certes pas voulu échouer sur l’île déserte qui le recueille. Et sa solitude est, dans un premier temps, tout à fait infernale. Il ne peut que vouloir, à tout prix, lancer des signaux d’alerte, afin que des navires, de passage, remarquent les appels au secours. Au prix d’en oublier de se nourrir et de se perdre dans un fol espoir qui lui fait perdre sa propre humanité. Certes, dans ces circonstances, on peut effectivement ne pas vouloir être Robinson. Quitter un monde humain pour échouer sur une île inhabitée n’est pas le rêve qu’on pourrait souhaiter réaliser, durablement. Mais en fait, à trop vivre l’attente du miracle d’un sauvetage qui ne viendra pas, d’autant plus que cette île n’est inscrite sur aucune carte, Robinson prend conscience, peu à peu, qu’il devait s’habituer à cette solitude dans un univers inconnu. Plutôt qu’une simple logique de survie, Robinson comprend la nécessité de se donner les moyens d’un projet d’existence. C’est ce qu’il fait, au départ, avant même l’arrivée de Vendredi.<b> </b><span style="line-height: 20.7px;">Dans un premier temps, il organise son île à partir des paramètres qu'il connaissait. Il crée habitations, cultures, lois, rituels pour se donner l'impression d'exister, d'affronter cette solitude ou cette absence d'autrui. Cette façon de faire lui permet ainsi de créer une doublure imaginaire d'autrui : ce qui justifie les gestes d'administration de son île. Il veut ainsi se donner une illusion de permanence dans ces constructions. Il ne peut faire sans les autres, même si, en l’occurrence, ils n’ont de présence que symbolique ou virtuelle. </span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="line-height: 20.7px;"><span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;">La découverte de Vendredi le fera accéder à une autre prise de conscience. Si, en effet, au départ, Vendredi est le sauvage qu’il faut civiliser, instruire et qui ne peut être que l’esclave de l’homme blanc, Vendredi change, au fur et à mesure du roman de Michel Tournier, de statut. Notamment lorsqu’un navire dévié de sa course vient faire ses provisions sur l'île. Robinson voit alors dans ces matelots tout ce que représentait son passé. Profondément dégoûté par leur comportement, il ne peut que les condamner. L'argent, l'aventure, la gloire, dont ils sont tous avides, ne représente désormais plus rien pour Robinson. Cela ne fait plus sens. Aussi il n'est pas surprenant qu'il décide plutôt de rester sur son île que de regagner la civilisation anglaise avec laquelle il se sentait complètement coupé. Vendredi n’est plus ce sauvage qu’il fallait dompter, domestiquer, au contraire de ces matelots qui débarquent sur l’île. Il est devenu un alter-égo : celui en qui on peut avoir confiance, l’ami avec qui il est possible de faire société, loin de celle de son enfance. Renoncer à revenir à la société anglaise, choisir de rester sur l’île et de vivre en société avec l’île comme avec Vendredi, c’est assumer, pour Robinson, un projet d’existence qu’il décide de poursuivre. </span></span><br />
<span style="line-height: 20.7px;"><span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;">L’allégorie de Robinson nous enseigne, premièrement, que je ne peux vouloir qu’autrui ne soit pas de ce monde. Il me faut l’inventer, ou en tout cas, organiser le monde de telle sorte qu’il puisse y trouver place. En ce sens, je ne puis vouloir qu’il ne soit pas. Et d’une certaine manière, il n’y a pas de criminel heureux. Raskolnikof, le personnage de Dostoïevski, dans Crime et Châtiment, ne peut plus, une fois qu’il a assassiné sa logeuse, vivre tranquillement et ne pas éprouver les remords de son crime. Obsédé, ses moindres gestes le rendent suspects, si ce n’est aux autres, du moins à lui-même. Il pensait se libérer, il s’enchaîne dans les tourments que lui cause son geste. Celui-ci ne peut participer, de quelque manière que ce soit, à l’amélioration matérielle de son existence d’étudiant miséreux. Moralement, son crime ne peut autoriser quelque pardon que ce soit. Isolé, malade, seuls l’aveu de son crime et la sanction peuvent le racheter.</span></span><br />
<span style="line-height: 20.7px;"><span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;">Mais l’allégorie nous enseigne aussi que la présence de l’autre peut être une condition de la vie que l’on se choisit. S’éprouver à travers un projet de bonheur personnel ne signifie pas se vouloir seul au monde et, par là, se suffire à soi-même. Qu’il s’agisse de Robinson avec Vendredi, ou de Raskolnikof, la présence d’autrui sert de révélateur. Pour ce dernier, c’est l’amour qu’il éprouvera pour Sofia Semionovna, jeune prostituée qui loue son corps pour apporter, à sa famille, les moyens financiers de sa subsistance, qui l’amènera à la prise de conscience de son salut qui passe par l’aveu, aux autorités, de son crime. Autrement dit, pour autrui, face à lui, je ne peux vouloir seulement et exclusivement qu’il ne participe pas, d’une manière ou d’une autre, à ce projet de bonheur. C’est bien ce que nous révèle Aristote quand il déclare qu’il serait « étrange de faire de l’homme parfaitement heureux un solitaire : personne, en effet, ne choisirait de posséder tous les biens de ce monde pour en jouir seul ». Et ce qu’Aristote veut nous faire comprendre, qui entre particulièrement en jeu dans une relation de confiance et d’amour, c’est qu’il ne s’agit pas seulement de partage charitable, d’une distribution désintéressée, mais d’une relation strictement réciproque. « L’ami, qui est un autre soi-même, a pour rôle de fournir ce qu’on est incapable de se procurer par soi-même ». </span></span><br />
<span style="line-height: 20.7px;"><span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;">Autrement dit, « à tout prix » ne peut se comprendre au sens du sacrifice de l’autre, et de son absence absolue. Certainement, signifie-t-il l’exigence morale de me concilier l’amitié d’autrui.</span></span><br />
<span style="line-height: 20.7px;"><span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;"><b>Troisième partie -</b> La condition morale de mon bonheur personnel réside aussi dans ma relation à autrui et à mon environnement.</span></span><br />
<span style="line-height: 20.7px;"><span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;">Ne pas tenir compte de notre environnement, de la présence et de l’apport d’autrui semble tout à fait et humainement impossible. En tout cas, invivable. Ma condition de personne, avec les désirs qui lui sont propres, les projets qui lui sont singuliers, ne peut pas échapper à cette prise en compte. Il ne s’agit pas tant d’attribuer à autrui un rôle qu’il n’a pas et ne doit pas avoir. Il pourrait être dangereux, pour soi, de laisser à d’autres qu’à soi de définir ce qui me convient le mieux. Kant, en dissociant le gouvernement despotique du gouvernement du père de famille, fait valoir que ce dernier peut être tout à fait légitime quand le premier est à proscrire. En effet, le père est, vis-à-vis de l’enfant, celui qui peut et doit dicter une conduite qui serait bonne, c’est-à-dire qui correspondrait à une exigence de protection de la personne humaine de l’enfant. Ce gouvernement paternel est celui « où des sujets, tels les enfants mineurs incapables de décider de ce qui leur est vraiment utile ou nuisible, sont obligés de se comporter de manière uniquement passive ». Mineur, l’enfant l’est par une volonté qui a besoin, si ce n’est d’un modèle de conduite (la première éducation est certainement celle qui passe par l’exemple), en tout cas de connaissances et d’une expérience de la vie qu’il n’a pas encore (et qu’il acquerra au fur et à mesure de son éducation). Au contraire d’un père qui peut prétexter savoir ce qui est bon pour la sécurité de la personne de son enfant, et qui peut lui prodiguer les règles d’un savoir-vivre avec les autres. Par contre, le gouvernement politique, quand il s’adresse à des citoyens, n’a pas affaire à des enfants, irresponsables et insouciants des dangers ou de ce qui leur convient. Le citoyen n’est pas mineur : il n’a pas besoin d’un tuteur qui lui assure ce qui est bon pour lui comme pour le reste de la communauté. Il s’adresse à un individu conscient de ses devoirs, des règles qui le dirigent et qui peut se déterminer par lui-même. A l’oublier, un tel gouvernement est despotique, qui « supprime toute liberté des sujets qui, dès lors, ne possèdent plus aucun doit ». Quand l’éducation parentale passe principalement par la définition des interdits que l’enfant doit intégrer, la relation d’un gouvernement à ses citoyens ne peut plus être celle de la bienveillance paternelle. D’une certaine façon, on pourrait estimer que le seul rôle, la seule fonction d’un gouvernement qui ne serait pas despotique serait de s’assurer que les aspirations au bonheur des uns puissent se concilier à celles des autres.</span></span><br />
<span style="line-height: 20.7px;"><span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;">Ces autres font bel et bien partie de mon environnement, et je ne puis vouloir qu’il en soit autrement. La difficulté est de considérer cet environnement humain comme ayant, autant que moi, le droit et le désir d’aspirer à son bonheur propre. Aristote évoquait l’amitié, l’ami étant l’alter-ego l’autre soi-même. En installant la relation politique dans une relation d’amitié, il insistait sur la réciprocité : les amis, par les bienfaits qu’ils peuvent prodiguer, se doivent autant de bienveillance les uns que les autres. Mais l’amitié peut avoir une connotation trop affective qui s’accommode mal de la relation politique. Au contraire du principe d’égalité qui est le fondement des sociétés démocratiques. Cette égalité politique fait tout à fait abstraction des différences, ou même des fonctions occupées par les uns et par les autres, puisque, selon John Stuart Mill, « les intérêts de tous doivent être également pris en considération ». La seule limite, et qui est aussi une condition pour tous et pour garantir cette égalité, est que les actes, les faits et gestes des uns et des autres, au nom du bonheur personnel qu’ils poursuivent, ne soient pas nuisibles pour certains ou pour tous. Autrement dit, il est dans mon intérêt propre que chacun poursuive son idéal de bonheur, quand bien même ne serait-il pas le mien, comme s’il pouvait l’être. Mais une telle égalité n’est pas qu’un principe abstrait qu’il suffit d’affirmer. Pratiquement, concrètement, cette égalité signifie aussi que chacun se lie aux autres et, par là, coopère, avec bienveillance et au nom de l’intérêt commun que tous ont de vivre ensemble, à travailler à l’avènement d’un environnement politique où le bonheur des uns est aussi possible que celui des autres. L’organisation sociale implique cette coopération. Pour produire des biens, et pour que ces biens soient aussi mes biens, il me faut m’accorder avec autrui. Dans la réalisation de cette tâche, les fins des uns et des autres se confondent, et mon aspiration au bonheur est singulière (personnelle) dans son contenu, quand elle n’est possible qu’à la condition que tous puissent aspirer à leur bonheur propre.</span></span><br />
<span style="line-height: 20.7px;"><span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;"><b>Conclusion - </b>Si je dois désirer mon bonheur à tout prix, ce ne peut être qu’à la condition où tous, autant que moi peuvent vouloir y accéder. En ce sens, mon bonheur personnel n’a de sens que si, en relation avec mon environnement immédiat, je cherche à tout prix à assurer la possibilité, pour mes contemporains, d’accéder à leur propre bonheur.</span></span><br />
<span style="line-height: 20.7px;"><span style="font-family: Georgia, Times New Roman, serif;"><br /></span></span>
<br /></div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0Rennes, France48.117266 -1.677792599999975248.032458 -1.8391540999999751 48.202074 -1.5164310999999753tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-78601896954494047912015-10-30T15:06:00.000+01:002015-10-30T15:06:03.634+01:00L'anonyme rebelle<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
S’intéresser à la politique à travers le figure peu
convoquée de l’anonyme. Il y a même contradiction à faire appel à elle. En
lui-même, l’anonyme est le sans-nom, sans identité. On ne peut le caractériser
par les qualités ou les propriétés qui définissent l’autre figure politique par
excellence : le citoyen. Comme si, en tant que tel, l’anonyme n’était que
l’antonyme du citoyen. Pure négation. Par là aussi, pur anéantissement du
politique. Celui-ci n’a que faire de l’anonyme, parce que l’anonyme n’a pas la
vertu, positive cette fois, de faire exister la politique. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
A la limite, on veut bien, de façon condescendante, lui
donner un statut de héros singulier qui, dans la déferlante de la meute
protestataire, défile dans les rues et défie le pouvoir en place – les acteurs
de ce pouvoir –, les institutions. Ou bien encore : on se prend d’amitié
pour lui quand on le désigne par des expressions-slogans qui entendent remédier
au divorce entre les élites dirigeantes et le peuple. « La France d’en-bas »,
celle qui se lève tôt devient alors la préoccupation principale. Mais c’est
pour lui opposer, quasi simultanément, un devoir-être hors duquel la
délibération démocratique ne peut avoir lieu : « la rue ne gouverne
pas ! ». Cette rue, cette chienlit n’existe qu’à la condition suprême
de ne pas se faire remarquer. Sitôt le fait-elle que l’arsenal répressif joue à
plein ! Les mouvements révolutionnaires et destituants, ceux du Printemps
arabe de 2011, ceux de Hongrie, en 1958, ou de Tchécoslovaquie, en 1968,
appellent (comme de façon purement mécanique) une réponse-riposte d’autorité
qui, d’une manière ou d’une autre, court-circuite l’expression spontanée des
ces hommes, femmes et enfants osant braver l’interdit. Cette réponse
d’autorité : « Nous vous avons entendu ! Puisque nous ne sommes
ni sourds ni autistes, retournez chez vous pour que la troupe regagne sa
caserne ! Ayez confiance, nous vous assurons de notre
solidarité ! » La performativité du discours a quelque chose de
terrifiant et de mensonger. A la fois « nous sommes la solution de vos
problèmes ! » et l’avertissement sans appel : poursuivre le
mouvement ne serait qu’un caprice de mauvais garnement. Mater la rébellion,
dompter et domestiquer la masse
s’imposent ! C’est la « psychologie des masses » qui appelle la riposte.
L’anonyme rebelle s’y dérobe tout à fait.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Car, malgré tout le déni ou, au mieux, la condescendance,
l’anonyme fait peur. Précision : l’anonyme, tant qu’il n’est pas cet
anonymat défini et garanti, en guise de protection de la personne<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Lanonyme%20rebelle.docx#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a>,
par l’institution, est, d’emblée et par définition, coupable. La lettre anonyme
de délation est moralement coupable. Le message anonyme, dans une affaire
criminelle, participe à l’aggravation de la réprobation sociale. Si tant est
qu’il ait quelque chose à dire (et il s’en faut de beaucoup pour qu’il soit
entendu ou, seulement, audible), l’anonyme ne mérite aucun égard. Son silence
ou, plus vraisemblablement, sa mise en silence organisée et mise en scène, le
répudie dans un ailleurs qui n’est pas politique et n’a aucune valeur. Aussi,
la scène politique n’est pas et ne peut ni ne doit être une scène d’anonymes.</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://3.bp.blogspot.com/-9wigBSYOeP8/VjN5D82CUdI/AAAAAAAABeY/6EyTezpYgGc/s1600/contestation.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="http://3.bp.blogspot.com/-9wigBSYOeP8/VjN5D82CUdI/AAAAAAAABeY/6EyTezpYgGc/s320/contestation.jpg" width="269" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’anonyme est sans histoire propre, pense-t-on. Le donneur
anonyme accepte de ne pas être l’histoire qui construit l’identité de la
personne qui a reçu le don. C’en est même la condition sine qua non. Mais s’il
est sans histoire propre ou singulière, il participe tout de même à la
singularité des histoires. Il fait histoire. Quitte à remettre en question une
évidence ou un impensé, qui conditionne toute approche de la responsabilité
morale, civile ou juridique : je ne suis pas sans mon nom propre. L’anonyme interroge ce nom, mon nom. Disons
aussi : de quoi le nom est-il la condition ? L’anonyme ne parle pas
en son nom, mais il le dit en notre nom.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’anonyme est sans image, dit-on. Mais il n’est pas sans
visage ! Ces masses qui défilent et que captent les appareils photos et
caméras rendent compte de la réalité non pas virtuelle mais physique du visage
et du regard anonymes. C’est une même passion qui anime ces hommes et ces
femmes réunis sous une même bannière, défiant le même adversaire. Et que dire
de cet individu masqué qui intervient, via les réseaux sociaux, pour dénoncer!
L’anonyme rebelle, même sous son masque plus suspect que protecteur, est celui qui
se revendique rebelle.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’anonyme est sans paroles, sans discours. Il ne dit rien.
Ou plutôt : de son anonymat, on a tôt fait d’établir son aphasie. Reste que
sa présence, perturbante, n’est pas sans signification et qu’elle n’exprime pas
rien.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Donc l’anonyme comme personnage politique. Telle est l’intuition
initiale. Reste à savoir ce qui en fait la singularité politique, à quelles
conditions il participe de la politique sans pour autant tomber sous le
reproche de son idéalisation.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Car, et telle est la thèse qu’il s’agira d’établir, l’anonyme
rebelle est d’abord chacun d’entre nous et non pas tel ou tel, qu’il s’appelle
Assange, Snowden, Manning ou, plus loin, tel signataire de tel manifeste public
qui, par l’indignation exprimée, en appelle à la conscience de ses
contemporains. Osons le rapprochement : Assange est un Maurice Blanchot,
signataire du « manifeste des 121 » ou une des ses « 343 salopes ».
Parce que chacun d’eux, s’il intervient sous sa signature propre, ne parle pas
en son nom mais en un nom multiple, collectif et une conscience commune. Voilà
le parallèle. Tel est aussi l’art et le genre du manifeste politique. Par là,
nous sommes tous physiquement, présentement, sous le feu de l’action ou loin du
théâtre des opérations, des anonymes. Mais rebelles parce que la perspective d’une rébellion
est une potentialité qui, à tout moment, peut advenir. L’anonyme rebelle n’est
pas celui qui, par profession, fausse ou sincère, fait office de dissident. Comme
tout anonyme il n’a rien dit et ne peut s’appuyer sur une œuvre, de l’esprit ou
autre qui l’aurait amené à se singulariser et à développer, d’une manière ou d’une
autre, un discours particulier le dissociant de la masse et de l’opinion
courante. Mais rebelle parce que ce qu’il détourne, dans le cours régulier et
normalisé des choses et des événements, relève du discours et engage sa
subversion. Discours qui dit « non », qui refuse. Il n’œuvre pas à la
reconquête : il travaille à son émancipation, sa libération. Rien,
auparavant, ne le prédisposait à faire éclater au grand jour sa colère ou sa
détermination à épouser l’élan protestataire ou à oser le grand retournement de
son existence, révélé par sa protestation. Il ne se sentait aucune compétence
particulière pour agir. Il était pris, tout simplement et comme plein d’autres,
dans les tenailles d’un ordre du monde auquel il adhérait de fait et contre
lequel, les quelques griefs qu’il pouvait éprouver, ne suffisaient pas à en
faire le révolté qui, une fois son acte accompli, le mirent sur le devant de la
scène politique. Projeté ainsi et à l’avant-garde, quelle que soit d’ailleurs
sa position dans le mouvement lui-même (sur le coup, il se sait une avant-garde
et s’en contente), parmi celles et ceux qui en épousent maintenant la dynamique
ou le feront plus tard, il dit la rupture ; il en exprime l’urgence ;
il en manifeste, par ses actes mêmes, l’impérieuse nécessité. L’anonyme rebelle
est, comble du paradoxe, celui qui, en termes sartriens, rompt la série avant d’être rattrapé et comme
récupéré par ceux-là mêmes qui, dans une dynamique similaire, entendent
organiser leur protestation et leur discours contestataire. Autrement dit, l’anonyme
rebelle est celui-là même qui fait le mouvement et l’histoire politique. Politisé,
même intuitivement, il est l’acteur incontournable des luttes passées comme à
venir. Il n’est invisible que pour ceux-là mêmes qui ne veulent pas le voir et l’écouter parce
qu’ils s’effraient autant de son cri et de sa présence que de leur position
occupée ainsi déstabilisée. Ou encore : il n’est pas cette invisibilité
sociale qui, inscrite dans la fatalité de l’invisibilisation, exige
reconnaissance… à défaut de quoi, elle n’est que subie et le demeure. Il est,
pour tout cela, une figure politique à part entière.</div>
<br />
<div>
<!--[if !supportFootnotes]--><br clear="all" />
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="ftn1">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Lanonyme%20rebelle.docx#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a>
L’anonyme de la société anonyme est celui qui, actionnaire, n’a aucune
responsabilité dans la gestion et la direction de l’entreprise. Il est le
capital, et rien d’autre. </div>
</div>
</div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0Rennes, France48.117266 -1.677792599999975248.032458 -1.8391540999999751 48.202074 -1.5164310999999753tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-90417864654133531032015-05-21T08:58:00.001+02:002015-05-21T09:00:18.020+02:00Critique de la délibération démocratique - La perspective agonistique I<div class="MsoNormal">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Je ne m’y
reconnais pas !</span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Voire : j’ai beau faire, je ne
m’y reconnais pas !<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Rassurez-vous, il ne s’agit pas d’une
critique que j’adresse aux organisateurs de ce colloque et que je tiens à
remercier chaleureusement pour leur invitation. Il s’agit plutôt d’exprimer le
désaccord, dans sa dimension politique, et tenter de voir ainsi ce qui s’engage
dans ce désaccord. D’abord, une connaissance, non pas qui manquerait ou qui
ferait défaut, mais une connaissance qui me met dans une situation où je ne
suis plus en accord avec ce que je pouvais, auparavant, estimer comme acceptable. Il y a donc entre
ce qui, d’une part, relevait de cette connaissance et, d’autre part, ce Je
singulier qui s’avoue ici démuni, quelque chose comme une articulation qui
n’est plus possible, comme l’affirmation d’un divorce, sans être pour autant
une rupture ni une renonciation radicale. Et lorsque j’insiste par ce
« j’ai beau faire », le faire dont il est ici question n’est pas seulement
un faire cognitif (une tentative de reconnaissance, de remédiation cognitive et
d’appropriation conceptuelle). Il doit se comprendre au pied de la lettre comme
ce qui renvoie à tout ce qui dans ma pratique aurait pu, avant le désaccord,
participer à cette articulation et qui, dorénavant, parce que je ne m’y
reconnais pas, n’est plus tout à fait l’horizon de mes possibles, entendus ici
autant comme mes actes que mes pensées.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Ce « je ne m’y reconnais
pas » renvoie ensuite à un Je. C’est-à-dire à un locuteur singulier, qui
s’énonce et se qualifie ainsi désarmé, et singulier aussi, vis-à-vis d’autres
locuteurs qui eux, peuvent s’y reconnaître ou bien ne pas s’y reconnaître,
parce qu’ils l’éprouvent autant que moi, mais indépendamment de moi, ou bien
parce que, à la suite de mon énoncé, et dans une perspective qui leur est tout
aussi singulière que la mienne, ils s’éprouvent aussi dans une situation où ils
ne s’y reconnaissent pas, mais pour d’autres raisons (1).<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Enfin, le « je ne m’y reconnais
pas » n’est pas ici la simple anecdote d’un énoncé, mais il marque bien
quelque chose qui renvoie à des circonstances qui font le désaccord, le problème.
Peut-être que la politique, en tout cas dans la perspective agonistique que je
veux aborder, est-elle cet énoncé toujours possible, toujours réactualisé, et à
partir de là, toujours à travailler et à
ré-ouvrir, d’un « je ne m’y reconnais pas ».<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Il est en tout cas la forme que
Wittgenstein donnera, <i>Investigations
philosophiques</i> I, 123, au problème philosophique, et dont il dira qu’il
s’agit de la position sociale du problème. Il poursuit, en I, 124 :
« la philosophie ne doit en aucune manière porter atteinte à l’usage réel
du langage, elle ne peut faire autre chose que le décrire. » Et enfin, en
I, 125 : « ce n’est pas l’affaire de la philosophie de résoudre
la contradiction [le « je ne m’y reconnais pas »] au moyen d’une
découverte mathématique ou logico-mathématique. Mais de permettre un aperçu
d’ensemble de l’état des mathématiques qui nous inquiète : l’état de
choses avant que la contradiction soit résolue. (Et il ne faut pas croire que
par là on éluderait une difficulté.). »<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Chez Wittgenstein, la philosophie est
moins prescriptive que descriptive. Elle nous confronte à un état de choses,
nous met en observation du langage qui fait signe vers cet état de choses. Or
s’il ya accord ou désaccord, c’est d’abord dans ce langage, dans cet état de
choses que décrit le langage. Ce n’est pas tant par rapport à des règles qui
s’imposeraient d’elles-mêmes et indépendamment de tout contexte, de toute
pratique par laquelle nous conformons la règle à notre langage (ou bien nous
nous en détournons), c’est-à-dire encore du langage que nous nous donnons dans
la pratique que nous en faisons comme dans les pratiques, non linguistiques
cette fois, par lesquelles nous nous adressons les uns aux autres. La
perspective agonistique que j’entends développer ici prend appui sur ces jeux
de langage, sur nos usages du langage. Par là, si la référence à Wittgenstein
s’impose, ce n’est pas tant parce qu’il y aurait une lecture politique chez cet
auteur, mais bien parce que sa pensée du langage, des jeux de langage est au
cœur de cette réflexion agonistique. Cette approche peut alors se comprendre
comme la possibilité, pour une multiplicité de jeux ou de manière d’être
démocratique, de retrouver la signification politique de ces manière d’être
alors que les procédures démocratiques en cours, notamment les procédures délibératives,
ont tendance à exclure du champ politique.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">A cet égard, « je ne m’y
reconnais pas » est une manière d’être dans le jeu de la démocratie. Il y
acquiert un sens spécifique : cette manière d’être, cette façon d’agir et
de jouer la citoyenneté par ce Je qui ne s’y reconnaît plus est la formulation
spécifique du problème et de la contestation au sein même de l’espace public.
Pour le préciser, un tel problème est celui d’un faire commun, <i>a commonality</i>, qui ne peut plus être
celui auquel ce Je, comme tant d’autres, peuvent se reconnaître. Il s’agit donc
d’un énoncé qui vient contrebalancer autant les principes sur lesquels nos
institutions démocratiques sont fondées que les croyances ou les mythes et
fictions auto-réalisatrices de la démocratie, les relations et les aspirations
au commun partagées par une pluralité de Je ; ce « Je ne m’y
reconnais pas » est de l’ordre de la mise en voix spécifique et singulière
qui se heurte à une manière de décider et de faire commun.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoSubtitle">
<i><u>La mise en voix agonistique</u></i>.</div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">« Ne pas s’y
reconnaître ! » ne doit pas ici s’entendre seulement comme une
circonstance, un événement qui viendrait rompre, à un moment donné, l’équilibre
des institutions et de la concorde sociale. Il prend certes cette forme de la
rupture, mais il ne peut se limiter à ce seul moment, s’y réduire. Nos sociétés
libérales ont toutes été traversées par ces éruptions populaires qui, à une
période ou une autre, sont venues déstabilisées l’ordre établi. Plus récemment,
les mouvements des Indignés en Espagne, Occupy Wall Street, ou, plus en amont,
les émeutes en France en 2005 ou encore le mouvement des Piqueteros en
Argentine au début des années 2000, ont tous été des mouvements à travers
lesquels les protagonistes affichaient qu’ils ne se reconnaissent pas dans
l’ordre politique établi. Leurs slogans affirmaient que l’exclusion
socio-économique et par la suite politique dont ils étaient victimes ne pouvait
plus se perpétuer, et ils exprimaient ainsi une revendication de plus de
démocratie (notamment par un changement du personnel politique). En ce sens, la
vertu du mouvement social est de mettre en voix ce qui, politiquement, reste
invisible, inaudible ou à la marge. Mais de tels mouvements, éruptifs, ont aussi
leurs propres limites. La principale d’entre elles c’est que, par leur rejet
des institutions politiques et démocratiques établies, ils ne peuvent
s’inscrire dans la durée et, ainsi, ne peuvent se donner les moyens d’investir
lesdites institutions pour les démocratiser davantage. La perspective
agonistique dont il est ici question n’entend pas œuvrer à une Tabula Rasa.
Elle entend, au contraire, travailler à revisiter et à redéfinir comme à
radicaliser la politique, entendue ici au sens d’un ensemble de pratiques, de
relations, de manières d’être qui appellent, dans le cadre des institutions ou
des contre-pouvoirs organisés en parti politique, en syndicats ou associations,
une traduction politique et pluraliste de ces discours et pratiques discordants
(2).<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Cette exigence de traduction
politique et pluraliste est le fait même de la conception de la démocratie et,
notamment, de cette conception de la délibération démocratique. Cette dernière
entend, en effet, s’appuyer sur le pluralisme des intérêts, des revendications.
On en trouve une confirmation chez Jürgen Habermas, dans <i>Droit et Démocratie</i>, au chapitre qui envisage « Le rôle de la
société civile et de l’espace public politique ». Il y définit l’espace
public politique (la société civile) comme une caisse de résonnance, une mise
en voix, et même une mise en voix de la plurivocité du public (3), une mise en
voix du lancement d’alerte, une dramatisation (4) des problèmes et de questions
qui, par ailleurs, ne trouvent pas de réponses ou qui ne sont même pas abordées
dans les débats et discussions des institutions démocratiques. Mais il ajoute
aussi :<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-left: 35.4pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">« Du point de vue de
la théorie de la démocratie, l’espace public doit, en outre, renforcer la
pression qu’exercent les problèmes eux-mêmes, autrement dit non seulement
percevoir et identifier, mais encore formuler les problèmes de façon
convaincante et <i>influente</i>, les
appuyer par des contributions et les dramatiser de façon à ce qu’ils puissent
être repris et traités par l’ensemble des organismes parlementaires. Un travail
de problématisation efficace doit donc s’ajouter à la fonction signalétique de
l’espace public. Sa capacité retreinte à traiter <i>lui-même</i> les problèmes qu’il rencontre doit par ailleurs être mise
à profit pour contrôler le traitement ultérieur du problème, dans le cadre du
système politique. » (5)<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Quelques éléments de cette
définition. Tout d’abord, parce qu’il n’est pas une institution, parce qu’il
n’est pas organisé [le système politique est ailleurs, en dehors de l’espace
public], l’espace public politique, envisagé comme caisse de résonnance, exerce
une <i>influence.</i> Si l’on se fie aux
éléments de la discussion que Habermas engage à son sujet, cette influence, en
elle-même et au moment où elle est mise en voix, n’est pas un contenu ou un
pouvoir politique. Non seulement, elle pourrait très bien ne pas avoir lieu,
mais elle est surtout en dehors de tout pouvoir. Certes, elle peut être prise
en compte. Encore faut-il comprendre que si tel est le cas, si l’influence
fonctionne, c’est qu’ « elle s’appuie sur une confiance accordée par
avance à des possibilités de persuasion qui ne peuvent pas être effectivement
contrôlées » (6). Autrement dit, l’influence n’opère que si les acteurs de
cette mise en voix des problèmes qui ne trouvent pas leur solution par ailleurs
présupposent, par cette confiance accordée, que les institutions et
organisations délibérantes traduisent fidèlement la demande ainsi formulée. Ce
qui signifie, par cette confiance accordée, qu’ils présupposent l’identité
réelle entre le corps social et le corps délibérant, comme si le premier
fusionnait dans le second, chargé de le représenter. Car, de toute façon, <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; margin-left: 35.4pt; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">« <i>l’influence</i> politique, fondée sur des
convictions publiquement défendues et exercée au moyen des médias, ne se
transforme en pouvoir politique – autrement dit en un potentiel permettant de
prendre des décisions qui engagent – que dans la mesure où elle agit sur les
convictions des membres <i>autorisés</i> du
système politique, déterminant ainsi le comportement à la fois d’électeurs, de
parlementaires, de fonctionnaires, etc. Tout comme le pouvoir social,
l’influence politique ne peut être transformée en pouvoir politique qu’au moyen
de procédures institutionnalisées. » (7)<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">C’est donc renvoyer à plus tard et à
des procédures de médiation, non seulement la possibilité mais aussi la
responsabilité de mettre en voix (cette fois-ci autorisée, officielle) et de
mettre en œuvre la traduction et la décision politique que l’influence engage.
Et comme l’espace public politique signale – on se rappellera la première
citation de Habermas : il en a tout à fait la capacité, mais celle-ci est
restreinte –, il n’est pas chargé de concevoir, de conceptualiser et donc de
décider de la réponse qui s’impose. On comprend bien qu’il n’est pas
auto-législateur et ne se donne pas sa propre règle. Mais on comprend aussi
que, loin d’évacuer la possibilité et l’importance de la contestation politique
(et l’on trouvera dans ce chapitre de <i>Droit
et démocratie</i> des lignes sur la désobéissance civile), loin donc d’évacuer
le poids de la voix privée, de la plurivocité dans le processus politique qui
mène à la délibération et à la décision, ce renvoi et ce recours à des
instances organisées, pour prendre en charge les problèmes que suggèrent ces
voix, semble tout de même bien qualifier le moment éruptif de la contestation
comme un moment pré-politique. C’est, autrement dit, renvoyer au politique,
cette fois conçu comme l’ensemble des institutions chargées de la régulation de
ces voix, la responsabilité de la réponse. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Reste que, le propre de la politique,
est, malgré tout, la possibilité toujours renouvelée et actualisée que je ne
m’y reconnaisse pas. Ou encore, la possibilité d’une dissidence au sens où la
règle à laquelle je dois obéir n’est pas suffisante pour que, dans mes actes,
je la suive, je l’accepte. Le Je dont il est ici question est certes
l’individu, dans sa singularité même, mais aussi tout acteur de cet espace
public. Or, nous dit Habermas, la multiplicité des acteurs, indépendamment des
relais qu’ils peuvent trouver notamment dans les mass-médias, ne les rend pas
identifiables (8). Ne pas être identifié, voire, selon le traitement
médiatique, être rendu invisible parce que la mise en voix du problème, de ce
singulier « Je ne m’y reconnais pas » n’a pas d’audience au sein de
cet espace public et auprès des relais de l’opinion, c’est très exactement ce
qui, dans nos sociétés démocratiques, se produit et alimente le désaveu des
institutions et de la représentation politique (9).<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">La perspective agonistique entend
prendre en compte ce divorce. En définitive, et c’est ce que soutient Chantal
Mouffe à plusieurs reprises dans sa critique du modèle délibératif, la
pluralité semble balayée au profit d’une performance (au sens technicien du
terme) que les procédures de la délibération démocratique mettent en place.
Dans le cadre de ces procédures, si tous ont d’égale chance et l’égale
opportunité de participer, de prendre voix, il n’en demeure pas moins qu’il
existe des possibilités de médiation entre la voix privée et ce qui doit
ressortir de la délibération. Cette médiation, assurée par la représentation
politique, ne nous met pas à l’abri de nouveaux et de singuliers « je ne
m’y reconnais pas ». La contestation dans les espaces publics politiques
de nos sociétés libérales, la façon dont les citoyens-électeurs se détournent
des urnes, le désaveu de la représentation politique, mais aussi l’audience
qu’acquièrent de plus en plus les partis d’extrême droite (tous justifiant leurs
mots d’ordre par la crainte de l’autre, l’étranger, de la mondialisation et par
le procès des élites le recours à un repli identitaire), les Tea-Parties,
confirment bien que, malgré le présupposé égalitaire de nos sociétés
politiques, ce sont d’abord les inégalités, les injustices qui, vécues, ne sont
pas suffisamment prises en considération.<o:p></o:p></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Le propre de la perspective
agonistique, dans cette critique de la procédure délibérative instituée comme
garantie de la rationalité politique, est de restaurer ce que cette dernière
entend évacuer. Il s’agit donc de prendre la démocratie à rebours de son
institution. Ce sera le second moment de mon intervention.<o:p></o:p></span></div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0Angers, France47.478419 -0.5631660000000238147.3925695 -0.72452750000002375 47.564268500000004 -0.40180450000002382tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-50059861559546629202015-05-21T08:56:00.000+02:002015-05-21T08:56:37.410+02:00Critique de la délibération démocratique - la perspective agonistique II<div class="MsoSubtitle">
<i><u>A rebours de l’institution démocratique.</u></i></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Je souhaite ici mettre en avant trois
éléments essentiels.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Tout d’abord, la <u>notion de sujet</u>.
L’une des tendances de la démocratie libérale est de définir la société comme
une totalité, certes égalitaire, mais unifiée par les postulats qui la
caractérisent et qui en définissent les frontières, comme s’ils lui étaient
consubstantiels et quasiment naturels. Ainsi pensée, on peut alors comprendre
que la tâche politique par excellence est de maintenir l’unité et l’homogénéité
de l’ensemble. Une telle société est plurielle car elle entend bien reconnaître
les individus qui la constituent et concevoir que leur identité est une construction
qui dépend plus de ces individus eux-mêmes et de leur autonomie que de la
totalité.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Pour y parvenir, la société libérale
développe une conception de la citoyenneté qui présuppose un sujet, antérieur à
la société comme à toute société et, en tant que tel, porteur de droits qui lui
seraient naturels. Or, une telle conception ne s’envisage qu’en faisant tout à
fait abstraction des relations sociales, des relations de pouvoir qui les
caractérisent, des expressions de la culture et de tout un ensemble de
pratiques qui rendent l’individualité des sujets possible.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">La perspective agonistique, telle
qu’elle est développée par Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, avance justement
que le concept ou la prémisse d’une société comme totalité suturée, achevée et
auto-définie n’est pas une référence qui importe dans la construction du corps
social et des identités des agents de ce corps social. « La ‘société’,
écrivent-ils dans hégémonie, n’est pas un objet de discours valable. » (10)
Une telle construction, si elle était possible, ne pourrait l’être que dans la
mesure où la totalité même, l’achèvement absolu et du corps social et du
sujet/agent social seraient auto-référentiels. Ce qui est, pour le coup, tout à
fait impossible. « la tension insoluble intériorité/extériorité est la
condition de toute pratique sociale : la nécessité existe seulement comme
limitation partielle du champ de la contingence. C’est dans ce champ, où ni une
intériorité totale, ni une extériorité absolue n’est possible, que se constitue
le social. » (11)<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Par là, deux conséquences. La
première est que toute identité, toute construction identitaire ne peut être
tout à fait achevée, une totalité absolument fixée, mais doit toujours être
pensée comme le résultat de cette tension entre son intérieur et l’extérieur,
entre soi et les autres, entre – catégories politiques essentielles que
j’aborderai après – Eux et Nous, Moi/Eux les Autres. Autrement dit, toute
identité est avant tout relationnelle et jamais pleine et entière. La seconde,
qui peut être particulièrement troublante pour le projet libéral de nos
démocraties, c’est qu’à travers cette tension entre Intérieur/Extérieur, la
construction des identités comme des relations sociales est le produit
d’articulations possibles, toujours mises en scène, discursivement et
pratiquement. Mais par là, par cette mise en scène toujours jouée et
actualisée, « toute pratique sociale […] puisqu’elle n’est pas le moment
interne d’une totalité auto-définie, […] ne peut simplement être l’expression
de quelque chose de déjà acquis […Elle] ne peut être entièrement subsumée à un
principe de répétition [… Elle] consiste toujours en la construction de
nouvelles différences. Le social est articulation parce que la société est
impossible. » (12)<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Ce « Je ne m’y reconnais pas »
n’est donc pas le signe d’un échec, mais bien plutôt celui d’une vitalité et
d’une créativité du corps social et de l’individualité des agents. La politique
est principalement, pour ne pas dire principiellement, l’affaire de ces
différences et donc de ces conflits potentiels entre individualités, qui sont
autant de positions de sujets. Mais en même temps, par la contradiction de
leurs pratiques articulatoires propres, l’ambition demeure bien, pour chacun,
de faire, de produire du commun (commonality). Plutôt que de vouloir balayer
toute forme de conflictualité, et en particulier toute conflictualité
discursive, notamment en faisant taire et en court-circuitant les passions et
les émotions au prétexte de leur irrationalité ou de leur côté déraisonnable, la
démocratie libérale n’affronte plus la politique mais se cherche, à travers les
postulats qui la gouvernent, à travers l’universalisme qui la sous-tend, des
réponses qui ne peuvent être ni tout à fait durables, ni totalement
acceptables.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Ce qui amène au second point. Si la
démocratie est le lieu du débat, de la contradiction et de la différence, elle
ne peut vouloir l’homogénéité des pratiques de ses agents. Par voie de
conséquence, s’il convient de maintenir ouvert le champ des possibles de nos
sociétés démocratiques, de laisser ce champ ou ces possibles être investis par
la pluralité, et si, par ailleurs, il faut prendre au sérieux ce que la
conflictualité expose, alors la catégorie politique essentielle et qui ne peut
être balayée au prétexte de la délibération est celle <b>d’adversaire </b>(qui n’est pas ici un Autre, un Ennemi avec qui toute
conciliation est impossible, même s’il campe sur ses positions alternatives).<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">L’un des principaux reproches
concernant les procédures de la délibération démocratique est de vouloir mettre
en place les conditions d’une performance délibérative. Pour y parvenir, cette
approche promeut le consensus comme l’indice et la garantie de cette
performance et de la rationalité des débats. Reste que par cette promotion
d’une certaine forme de rationalité, il est toujours possible (voire,
stratégiquement intéressant) de faire l’impasse sur les points de désaccord qui
subsisteraient, soit parce que les questions ne sont pas prévues à l’ordre du
jour de la délibération, soit parce qu’elles sont balayées arbitrairement et
autoritairement (réduire au silence la parole autre, radicalement toute autre,
parce que étrangère, non experte(13)), soit enfin par des procédures
discursives (rhétoriques, références à des fictions devenues de véritables mythes
tellement évidents et naturels qu’il serait un pur non sens de les contester).
Mais ces tentatives de court-circuit ne garantissent aucunement que le
consensus obtenu par la procédure délibérative soit l’objet de l’adhésion de
tous. D’abord, et pour reprendre le motif qui justifia l’écriture, par John
Stuart Mill, du « Discours sur la liberté de discussion », « Si
tous les hommes moins un partageaient la même opinion, ils n’en auraient pas
pour autant le droit d’imposer silence à cette dernière, pas plus que celle-ci
d’imposer le silence aux hommes si elle en avait le pouvoir. » (14). Cet
homme qui ne partage pas l’opinion commune, qui ne s’y reconnaît pas, manifeste
qu’il y a dans sa position quelque chose d’irréductible, une mésentente qui ne
peut se taire. Son désaccord ne peut être marginalisé, pas plus que cet homme
ne peut pas prétendre détenir à lui seul l’opinion qui conviendrait à tous. Par
ailleurs, ce qu’il manifeste ainsi, c’est une double violence qui s’exerce sur
lui : celle de la décision qui est prise, qui vaut pour tous également,
d’autant qu’elle est le produit de la délibération, et vis-à-vis de laquelle il
ne se reconnaît pas ; celle de lui imposer silence, comme si la norme,
conçue pour faire le bien commun, ne pouvait pas, par nature, faire le mal et
commettre un tort qu’il estime, pour ce qui le concerne, préjudiciable.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">La perspective agonistique entend
prendre à rebours l’ordre que les procédures délibératives entendent établir.
Au lieu de considérer le désaccord comme un échec, un désaveu du consensus, il
s’agit de l’envisager comme une interprétation possible des principes d’égalité
et de liberté qui nous lient les uns aux autres. Tout comme il convient
d’envisager l’ordre actuel de nos démocraties comme une réponse, une hégémonie
provisoire qui ne vaut pas pour elle seule et en elle-même, mais seulement de
façon contingente, contextualisée (circonstanciée) parce qu’il est, à tel ou
tel moment, possible de s’entendre à son sujet, de se convertir à ses
intentions, sans pour autant la décider unilatéralement comme nécessaire.
Aussi, l’approche agonistique n’est-elle pas le refus de tout consensus, mais,
par cette catégorie de l’adversaire qui entre dans le jeu de la démocratie,
l’acceptation de la plurivocité et, ainsi, d’une démocratisation de la
délibération.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">Enfin, et ce sera mon dernier point,
en assumant la part de dissensus et de l’irréductibilité du conflit, on peut
alors être capable de procéder à <b><i>une déconstruction de la démocratie et de la
décision démocratique</i></b>. Une démocratie réellement pluraliste, qui ne
considère pas le consensus comme le signe de la performance du discours et de
la décision politique, assume la part d’exclusion et de violence que cette
exclusion implique(15). Mais, au lieu de se voiler la face sur ces violences et
les laisser en l’état, un jeu politique et réellement démocratique serait alors
un jeu qui reconnaît la nécessité des frontières, des différences, des
confrontations des voix multiples sans recourir à quelque essence que ce soit
pour les justifier (mais simplement parce que c’est par ce jeu-là que le social
s’engage). Ce serait un jeu politique qui, plutôt que de fuir, assumerait une
part d’indéterminé et d’indécidable. C'est-à-dire que la tâche démocratique est
encore à venir, une promesse et une construction à jamais inachevée et
toujours, véritablement et radicalement (en ses principes mêmes) à l’ouvrage.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="line-height: 150%; text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; line-height: 150%;">« Je ne m’y reconnais pas »
est alors bien plus vital et essentiel au projet démocratique que les principes
universels qui le définissent. Il marque encore et certainement plus fortement
qu’on ne le suppose d’ordinaire, ma relation à l’Autre. Relation à propos de
laquelle Derrida disait qu’elle « ne se referme pas, et c’est pour cela
qu’il y a histoire et que l’on essaie d’agir politiquement. » Il est donc
plus le signe authentique d’un vouloir faire commun.<o:p></o:p></span></div>
<span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;"><br clear="all" style="mso-special-character: line-break; page-break-before: always;" />
</span>
<br />
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoListParagraphCxSpFirst" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(1)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;"> </span></span><!--[endif]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">C’est ce que décrit Sartre, dans la <i>Critique de la Raison dialectique</i>, quand
il évoque le groupe en fusion : il s’agit d’une fusion des corps qui n’est
pas rendue possible par une conscience collective, une conscience
d’appartenance à une catégorie ou à une classe, et encore moins par la présence
d’un leader. Pouvoir sans cause, c’est un mouvement sans une voix spécifique identifiable,
même si elles entonnent toutes le même slogan et le répercutent en s’articulant
les unes aux autres, dans une même dynamique, dans une même praxis.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoListParagraphCxSpMiddle" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(2)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;"> </span></span><!--[endif]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">C’est ce que signale Chantal Mouffe
quand elle entend dissocier, dans un entretien avec Markus Miessen, <i>The space of agonism</i> , les
différentes mobilisations populaires qu’elle ne veut pas mélanger: « Civil
society is important for voicing concerns about certain issues, but once it
does that it is necessary for parties to respond to those demands. Creating a
synergy between social movements and parties is vital, because parties are the
ones that are going to translate those demands politically. But if a social
movement refuses all communication with parties then there is a problem. This
does not mean that these types of movements are useless, since they do put
issues on the agenda, but somehow they are less effective than if they would
agree to work with parties » (89-90) Je traduis : « la société
civile est essentielle pour mettre en voix les problèmes que soulèvent
certaines questions, mais une fois qu’elle l’a fait, il est nécessaire que les
partis politiques réagissent à ces revendications. Créer une synergie entre les
mouvements sociaux et les partis politiques est vital, parce que les partis
politiques sont les seuls à pouvoir traduire ces revendications d’un point de vue
politique. Mais si le mouvement social refuse toute communication avec les
partis politiques, alors il y a impasse. Cela ne signifie pas que de tels
mouvements sont inutiles, puisqu’ils définissent un agenda d’actions
politiques, mais d’une certaine manière ils sont moins efficaces que s’ils acceptaient
à travailler avec ces partis politiques. »<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoListParagraphCxSpMiddle" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(3)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;"> </span></span><!--[endif]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Habermas, p. 392<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoListParagraphCxSpMiddle" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(4)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;"> </span></span><!--[endif]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Habermas, p.409<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoListParagraphCxSpMiddle" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(5)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;"> </span></span><!--[endif]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Habermas, p.386<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoListParagraphCxSpMiddle" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(6)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;"> </span></span><!--[endif]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Habermas, p. 390<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoListParagraphCxSpMiddle" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(7)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;"> </span></span><!--[endif]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Habermas, p. 390<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoListParagraphCxSpMiddle" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(8)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;"> </span></span><!--[endif]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Habermas écrit, p. 401 : «
Les mouvements sociaux, les initiatives et les plates-formes civiques, les
associations, politiques ou autres, bref les groupements de la société civile,
sont, certes, les détecteurs de problèmes, mais les signaux qu’ils émettent et
les impulsions qu’ils donnent sont, en règle générale, <i>trop faibles pour déclencher dans de brefs délais des processus
d’apprentissage au niveau du système politique ou pour réorienter des processus
de décisions déjà engagés.</i> » Mes italiques.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoListParagraphCxSpMiddle" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(9)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;"> </span></span><!--[endif]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Non pas tant que l’on présupposerait,
a priori, dans ce public de masse de l’espace public politique une quelconque
déficience cognitive à envisager raisonnablement une solution, mais parce qu’on
ne voit davantage une déficience structurelle liée à un problème d’échelle et
d’identification.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoListParagraphCxSpMiddle" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(10)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;">
</span></span><!--[endif]--><i><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Hégémonie et stratégie socialiste</span></i><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">, p. 206<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoListParagraphCxSpMiddle" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(11)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;">
</span></span><!--[endif]--><i><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Hégémonie et stratégie socialiste</span></i><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">, p. 207<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoListParagraphCxSpMiddle" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(12)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;">
</span></span><!--[endif]--><i><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Hégémonie</span></i><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">, p. 211<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoListParagraphCxSpMiddle" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(13)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;">
</span></span><!--[endif]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">C’est
ainsi que Stanley Cavell interprète la position de Torvald qui, parlant de sa
femme Nora (<i>La maison de poupée</i>
d’Ibsen : « Pour chanter, un oiseau chanteur doit avoir une voix
claire » - le genre de mots qui lui ont permis, pendant les huit années
qu’a durés leur mariage, de contrôler la voix de sa femme, de dicter ce qu’elle
peut énoncer et la manière dont elle peut l’énoncer » (<i>Qu’est-ce que la philosophie américaine</i>,
p.201), surtout en ce qui concerne des questions de la plus haute importance,
des questions de justice.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoListParagraphCxSpMiddle" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(14)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;">
</span></span><!--[endif]--><i><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">On Liberty</span></i><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">, p. 85<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoListParagraphCxSpMiddle" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(15)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;">
</span></span><!--[endif]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Une
telle perspective, en assumant l’adversité et la conflictualité, assume une
part d’exclusion. Mais à l’approche consensuelle qui, malgré les désaccords,
peut être vue comme une injonction à l’homogénéité (injonction à s’inclure),
l’approche agonistique oppose une exclusion toute relative. Non pas tant
exclusion du corps social, mais exclusion, provisoire, et affirmation de sa
différence tout autant que affirmation d’une articulation entre Soi et les
autres qui est alors altérée.<o:p></o:p></span></div>
<br />
<div class="MsoListParagraphCxSpLast" style="mso-list: l0 level1 lfo1; text-indent: -18.0pt;">
<!--[if !supportLists]--><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-theme-font: minor-latin;">(16)<span style="font-size: 7pt; font-stretch: normal; line-height: normal;">
</span></span><!--[endif]--><i><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">Déconstruction et pragmatisme</span></i><span style="font-size: 12.0pt; line-height: 115%;">, p. 169<o:p></o:p></span></div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0Angers, France47.478419 -0.5631660000000238147.3925695 -0.72452750000002375 47.564268500000004 -0.40180450000002382tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-31633819749149580732015-01-27T10:04:00.000+01:002015-01-27T10:04:36.521+01:00La Mégère apprivoisée (ou comment dompter l'insoumise) - Shakespeare, mise en scène Mélanie Leray<table cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="float: left; margin-right: 1em; text-align: left;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="http://1.bp.blogspot.com/-qYRa_R-YhwY/VMdUL2UajZI/AAAAAAAABcg/nDKeibB_BQ4/s1600/905photo.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; margin-bottom: 1em; margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" src="http://1.bp.blogspot.com/-qYRa_R-YhwY/VMdUL2UajZI/AAAAAAAABcg/nDKeibB_BQ4/s1600/905photo.jpg" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><div class="il_n" style="background-color: white; clear: both; font-family: arial, sans-serif; font-size: 13.1199998855591px; line-height: 15.7440004348755px; max-height: 2.4em; overflow: hidden; text-align: start;">
crédit photo: Christian Berthelot</div>
<div class="il_r" style="background-color: white; color: #228822; font-family: arial, sans-serif; font-size: 13.1199998855591px; line-height: 15.7440004348755px; max-height: 1.2em; overflow: hidden; padding-bottom: 1px; text-align: start; word-wrap: break-word;">
t-n-b.fr</div>
</td></tr>
</tbody></table>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Dès le départ, tout indique que « ça va
déménager ! » D’abord, le prologue, qui n’est pas celui du texte mais
renvoie à La Tempête et au discours de la Reine à ses armées. La comédienne,
Clara Ponsot, dans toute la détermination de son corps et de son regard, nous
tient en joug. Elle maintient une tension guerrière. Et cela fait écho aux
événements récents. On ne peut que la suivre et signifier son allégeance à ce
corps du roi qui s’impose.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Puis, le rideau s’ouvre. Une voix féminine s’impose sur un
arrangement musical aux accents à la fois contemporain (jazzy) et baroque. La
scène, elle aussi contemporaine, avec un bar qui se transformera en baignoire,
un salon qui sera le futur dancefloor. En fond de scène, l’écran. Déjà s’impose
le dispositif vidéo : j’ai toujours eu un
peu peur que celui-ci soit redondant ; il ne le sera pas. La
projection est, au contraire, tout au long de la pièce, subtile : s’il s’agit
de tout montrer, en une sorte de logique « Big Brother », il s’agit d’abord
de compléter, par la précision qu’offre l’image projetée, le jeu. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Entre Grumio, accoutré comme un rocker pathétique avec ses
chaînes, ses lunettes noires, sa crinière. Il nous fait, à la manière d’un
épisode de télénovela, le générique de la pièce et l’on voit défiler une
galerie de portraits des personnages. On sent la légèreté, l’envie de s’amuser
et d’amuser. De tourner en dérision. L’insoumise domptée s’engage alors à
devenir indomptable.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ces premiers éléments manifestent un parti pris que je suis
prêt à suivre. On y voit le souci/l’exigence de ne pas illustrer. Pas de
redondance, tout est dans le décalé et en même temps dans cette détermination
initiale du prologue.</div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Mais peu à peu, le parti pris s’essouffle. L’intuition de
placer Catherine en reine déterminée, combative, et qui, en même temps qu’elle
décrit le processus de soumission, la dénonce, tombe à plat. Le décalage n’est
plus alors celui, révélé et surprenant aux premiers instants, entre le point de
vue du spectateur et ce qu’il voit. Il est désormais dans ce qu’il voit, dans
le jeu, dans les attitudes, dans la scénographie. Le pari perd de son intensité
au fur et à mesure des répliques, des postures trop attendues, et, aussi, dans
ce corps des comédiens qui donnent l’impression de ne plus savoir ce qu’ils
font. Et je ressens trop alors le dilemme que soulève le parti pris :
faire contemporain avec Shakespeare !</div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-85044910677811068022014-11-02T09:38:00.000+01:002014-11-02T13:24:47.527+01:00La démocratie n’est ni domestication des masses ni guerre.<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span style="font-family: Calibri;">Les derniers événements que relaient en boucle les
médias suscitent autant la réflexion sur la santé de nos institutions et
l’intérêt de nos élites politiques que sur le sens même de la démocratie.
Commencer ainsi le propos pose d’emblée problème : parler de démocratie
(et poser la question de son sens) peut paraître prétentieux, arrogant voire,
aussi, inutile. Nous savons tous ce qu’elle est, disons que nous souscrivons
tous, assez facilement, à une représentation commune. En ce sens, le mot agit
sur nous, sur notre esprit avec une puissance telle que l’idiome, à lui seul,
vaut la chose. Comme « fiction théorique », le mot écarte le débat,
la discussion sur l’essence qu’il dit désigner, et fonctionne comme force de
l’évidence si bien que, le contester devient faute, délit voire crime.<o:p></o:p></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span style="font-family: Calibri;">Aujourd’hui, on se donne avec une facilité déconcertante et
indécente des martyrs que l’on fait parler. Une semaine après le décès de Rémi
Fraisse, alors que les rapports d’enquête établissent la responsabilité des
forces de l’ordre, que des manifestations dégénèrent, dans certains centres
villes, en guérilla urbaine, que des militants en appellent au souvenir d’un
individu, devenu ami-camarade-frère qu’ils n’ont jamais connu (mais qu’à cela ne tienne !) justifiant
ainsi que l’on « coupe » certaines têtes, et que le gouvernement
lui-même condamne les propos et actes qu’il juge délictueux comme une injure à
la mémoire de ce jeune militant, il y a, je le crains, une indécence à rappeler
la mémoire de ce jeune homme qui, attaché à la cause qu’il défendait, n’est
plus là pour nous dire ce qu’il en est. On tente d’épouser, dans une même
émotion collective, l’authentique et l’incommensurable drame que vit la famille
et les proches du disparu et on évacue tout à fait ce qui est en cause. <o:p></o:p></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span style="font-family: Calibri;">Sortir de l’émotion supposerait laisser aux proches de Rémi
Fraisse la paix et le silence assourdissant du recueillement, mais aussi le
recul nécessaire à la réflexion. Malheureusement, ce n’est pas encore le
cas ! Sur un plateau de télévision, dans une émission devenue l’agora intellectuelle
la plus convenue, un certain <a href="http://www.dailymotion.com/video/x291xlr_mathieu-burnel-l-insurrection-est-arrivee-csoj-31-10-2014_tv#from=embediframe" target="_blank">Mathieu Burnel tance les représentants de l’ordre établi</a>. Il a raison. Le diagnostic qu’il dresse de la dégénérescence de
la démocratie représentative, de la violence criminelle d’Etat, du phénomène
même de cette violence en soulignant que l’intensité de la violence des
manifestants-émeutiers est la conséquence de celle mise en scène par les forces
de l’ordre, de l’inanité des positions convenues de nos élites intellectuelles
et de nos représentants, etc., tout ce qu’il dit, dans cette logorrhée qui
reflète d’autant plus le catéchisme du rejet du système qu’il interdit
l’échange et la discussion, est énoncé avec force, certainement avec
conviction,<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>mais tombe dès lors qu’il ne
s’agit que d’une posture. Comme est une posture, la réaction officielle. Or les
deux s’équivalent et, faute de pouvoir les dépasser, préfigurent la même
impasse.<table align="center" cellpadding="0" cellspacing="0" class="tr-caption-container" style="margin-left: auto; margin-right: auto; text-align: center;"><tbody>
<tr><td style="text-align: center;"><a href="http://3.bp.blogspot.com/-f0rekHowMfA/VFXxaUIzZ7I/AAAAAAAABcI/Vlbew79JwIo/s1600/casseurs%2Bnantes.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: auto; margin-right: auto;"><img border="0" src="http://3.bp.blogspot.com/-f0rekHowMfA/VFXxaUIzZ7I/AAAAAAAABcI/Vlbew79JwIo/s1600/casseurs%2Bnantes.jpg" height="213" width="320" /></a></td></tr>
<tr><td class="tr-caption" style="text-align: center;"><a aria-haspopup="true" aria-owns="js_2z" data-ft="{"tn":"k"}" data-hovercard="/ajax/hovercard/page.php?id=156225664396110" href="https://www.facebook.com/evanforget?fref=photo" id="js_30" style="background-color: white; color: #3b5998; cursor: pointer; font-family: Helvetica, Arial, 'lucida grande', tahoma, verdana, arial, sans-serif; font-weight: bold; line-height: 18px; text-align: left;">Evan Forget - Photographe Reporter</a> <span style="background-color: white; color: #141823; font-family: Helvetica, Arial, 'lucida grande', tahoma, verdana, arial, sans-serif; line-height: 18px; text-align: left;">Après avoir installé des poubelles sur la route, des casseurs y ont mis le feu. La gendarmerie est intervenue en gazant les incendiaires. </span></td></tr>
</tbody></table>
<o:p></o:p></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span style="font-family: Calibri;">Car la démocratie n’est ni la domestication ni la guerre.
Elle n’est pas domestication parce qu’elle n’est pas un régime qui se prévaudrait
du droit et de l’Etat de droit. Une telle prévalence n’est plus alors qu’une
caricature. Il n’est pas anodin de remarquer que, depuis quelques années, face
à l’opposition à des décisions politiques d’aménagement du territoire, à des
mesures économiques ou autres, les gouvernements pensent tout à la fois à
s’assurer et de la communication et de la prévention des débordements qui
pourraient s’ensuivre. Mesure de prudence et de précaution, à défaut d’une
véritable volonté de justifier et d’expliquer. Il suffit, pour nos
responsables, de dire que les perspectives envisagées sont justes – autre
« fiction théorique » - pour que toute discussion critique soit, dès
lors, empêchée. Il suffit de renvoyer aux délibérations d’une assemblée et à la
majorité des suffrages exprimée, une fois les débats épuisés, pour que la
décision s’impose et ne souffre alors d’aucune contestation. La majorité légale
vaut, à elle seule, la légitimité et toute minorité insurgeante,
insurrectionnelle est discréditée. C’est œuvrer à une domestication discursive,
par quoi, en renvoyant à la procédure délibérative, on ne fait que rendre la
discussion vaine. Le sens de l’histoire (il est tout à la fois risible et
exaspérant d’entendre nos élites parler, à cet égard, du progrès qui s’amorce
ainsi) est ainsi déterminé et le remettre en cause ce n’est autre que
régresser, conserver un passé, ne pas sortir et ne pas avancer vers un
meilleur… Tout ceci n’est qu’une façon de court-circuiter des revendications et
de les rendre inaudibles. C’est-à-dire imposer un jeu de langage tel que tout
autre n’est plus possible ni permis. Mais cela ne saurait suffire. Domestiquer
les procédures discursives n’est rien si on ne peut domestiquer les prises de
parole et autres pratiques critiques. Depuis quelques années, on assiste à une
inflation des textes réglementaires et autres qui limitent à la fois
l’occupation critique de l’espace public (redéfinition des modalités de
réunion, de manifestation et/ou de déclaration de grève, etc.), qui prend parfois
la forme d’une criminalisation du mouvement social, et l’expression discursive
(lois mémorielles, inflation des plaintes pour diffamation, notamment).
Autrement dit, tout est tenté pour que l’opposition soit<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>réservée au seul moment illusoire mais consacré
de nos institutions et de nos pratiques démocratiques : le vote,
l’élection. C’est somme toute surjouer le contrat démocratique que de vouloir le
réduire et le réserver à ce seul moment électoral. Parce qu’on oublie alors que
le vote n’est plus tant l’expression d’une adhésion idéologique et
programmatique que la réitération du vote lui-même : en ces périodes de
crises autant économiques que politiques (où tout semble se valoir, en tout cas
du point de vue des programmes et des idées), je vote non pour tel candidat,
mais pour le vote lui-même. Or disposer de son vote, n’est pas faire usage de
sa voix et n’est pas la faire entendre. Et réduire la démocratie au seul rituel
du bulletin dans l’urne c’est réduire la voix au silence. <o:p></o:p></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span style="font-family: Calibri;">Reste que, face au prêche de nos politiques sur la
démocratie représentative, sur le citoyenneté, ne peut que répondre
l’insurrection de celles et ceux qui ne veulent pas se laisser gouverner comme
nous sommes gouvernés. Aux premiers qui rêvent de pacification, de l’absence de
division, d’homogénéité, les seconds répondent, avec la même arrogance que les
autres, vouloir en découdre avec un système qui ne laisse plus de place aux
vies singulières, aux modalités d’existence alternatives, aux hétérotopies. La
confrontation, dans une société domestiquée, ne peut qu’être violente. Violente
par l’incompréhension, la situation irrémédiable de malentendu. Mais violente
aussi et surtout parce que pèse une double menace. D’abord, menace d’un Etat
qui se dit, de fait, menacé en son sein, par un « ennemi de
l’intérieur » et qui ne peut que s’armer en faisant, ensuite, peser la
menace sur l’autre, la vie du contestataire, ou encore la vie même du
dissensus, du débat et de la contradiction. Ne pouvant, ni les uns ni les autres, s’entendre ; ne cherchant
aucunement à concilier des vues divergentes, puisque les dés sont lancés et que
les décisions sont prises, c’est la surenchère guerrière, militaire. La voix
discordante ne veut être bâillonnée mais elle doit l’être<i style="mso-bidi-font-style: normal;">, manu militari</i>. Je veux bien croire que la violence que met en
scène l’Etat, au nom de l’Etat de droit,<span style="mso-spacerun: yes;">
</span>enclenche celle qui lui fait face. Dans une société démocratique
domestiquée, la sécurité des personnes n’est rendue possible que par l’effet
d’un autoritarisme qui sévit sur chacun d’entre nous et dans la moindre de nos
options de vie. Mais dans une société démocratique, véritable, la discorde ne
peut pas être un échec. Or, ni la violence qui se fait au nom de l’Etat de
droit, ni celle qui se déploie au nom de la liberté de ne pas être d’accord
n’œuvrent à la démocratie. Elles sont faits de guerre, et se répondent, les
unes et les autres, en tant que telles.<o:p></o:p></span></div>
<div style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin: 0cm 0cm 8pt; text-align: justify;">
<span style="font-family: Calibri;">A cet égard, elles préfigurent toutes deux l’impasse
démocratique. Elles sont toutes deux postures. Au catéchisme du militant
contestataire répond celui, convenu, du représentant. Elles s’appellent l’une
l’autre, comme elles se rejettent et s’excluent mutuellement. Ni l’une ni
l’autre, alors même qu’elles le prétendent, ne revendiquent un quelconque bien
commun. Elles se revendiquent elles-mêmes, s’auto-justifient en ne justifiant
rien, s’auto-proclament légitimes en se détournant de leur programme. <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Elles oublient juste qu’entre elles deux, il y
a l’espace, infime, ténu, d’une vie beaucoup plus apaisée, créatrice qui, en
déconstruisant les institutions consacrées, n’en instituent pas moins une
vitalité démocratique qui ne se laisse réduire à aucun schéma d’interprétation
ni à aucun horizon prédéterminé de vie en commun. Il y a certainement plus de
démocratie dans la vie des ZAD, dans les communautés de partage, que dans ces
affrontements de l'Etat et de ses insurgés (car c'est bien l'Etat , ses fonctionnaires et porte-paroles qui les créent de toute pièce) contre la démocratie elle-même.<o:p></o:p></span></div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-6141431815391184672014-08-06T21:09:00.000+02:002014-08-09T10:16:59.733+02:00Les « Cours sur l’Etat » d’Emile Durkheim.<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Les <i>Leçons de sociologie</i> rassemblent des
cours professés, par Emile Durkheim, à Bordeaux puis en Sorbonne, au début du
XXe siècle. Il s’agit, ici, de six leçons qui portent toutes sur la
« morale civique » et qui permettent à l’auteur d’évoquer la
définition de l’Etat, ses formes ainsi que les rapports de l’individu à l’Etat
et à la démocratie. Le souci de Durkheim est de tenter de comprendre ce qu’est
une société politique et quelles sont les relations entre l’individu et cette
société constituée. Par ailleurs, si Durkheim concentre toute sa réflexion sur
l’Etat, il n’est pas impossible d’en dégager des éléments d’une conception de
l’espace public, dont nous verrons qu’elle peut être en décalage avec la
conception habermassienne. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Si l’on veut se
faire une idée de la vision durkheimienne de la politique, il faut alors
convenir que celle-ci renvoie à une conception organiciste et non philosophique
de la société. Conception organiciste : c’est tout de même, d’abord et
avant tout, la relation de la partie avec le tout qui préoccupe l’auteur.
Ainsi, constatant l’inaction intrinsèque de l’Etat, au contraire des activités
des administrations chargées de l’exécution des décisions gouvernementales,
Durkheim s’autorise d’une comparaison avec les systèmes musculaire et nerveux.
« On voit la différence qu’il y a entre [les administrations] et
l’Etat ; cette différence est celle qui sépare le système musculaire et le
système nerveux. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a> On
notera ainsi que, selon Durkheim, les formes actuelles de la société politique
correspondent à une évolution organique de l’individu (c’est parce que
l’humanité s’est développée ainsi qu’elle l’a fait, que la configuration de nos
sociétés est ce qu’elle est), à quoi correspond celle de la société elle-même,
de telle sorte qu’un retour en arrière, qu’une renaissance de la société à
elle-même et à ses propres aspirations, est non seulement impossible, mais
proprement un pur non-sens. C’est souligner, par là, combien il y a une
solidarité intrinsèque entre les parties et le tout. Nous verrons ainsi que
l’Etat n’a plus rien alors d’une superstructure, quasi-transcendante,
inaccessible aux individus qui le révéreraient comme quelque chose qui, en
dehors de la société même et loin des individus, leur serait tout à fait
étranger. Mais c’est aussi une vision non philosophique. Premièrement, parce
que le propos s’alimente de références à l’anthropologie (il sera souvent fait
mention des sociétés primitives, traditionnelles, élémentaires), de références
à l’histoire et à l’évolution. Deuxièmement, parce que Durkheim s’emploie, tout
au long de ses leçons, à dénoncer les préjugés théoriques, les visions
artificielles et qu’il dira simplistes que les traditions philosophiques,
d’Aristote, à Hegel, en passant par Rousseau et Kant, développent.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoSubtitle">
<div style="text-align: center;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><b><i>Qu’est-ce
qu’une société politique ?</i></b><o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Parmi les
préjugés que Durkheim s’emploie à révoquer, il y a ceux de la famille et du territoire. Si l’on a pu étendre
l’organisation politique de la société sur le modèle du clan familial ou
attacher cette organisation à un sol, espace géographique dont il faudrait
défendre les frontières, on n’a pu que
se tromper. D’abord, parce que s’il est vrai que, dans le cadre de la famille
et de l’ordre patriarcal, une certaine relation de pouvoir, entre les membres
et le patriarche, se manifeste, cet ordre suppose une identité entre les
membres eux-mêmes et le chef de clan, une consanguinité qui ne peut se trouver
dans l’ordre sociétal. « Jamais on n’a vu un groupe formé de consanguins,
et vivant à l’état d’autonomie sous la direction d’un chef plus ou moins
puissant. Tous les groupes familiaux que nous connaissons, qui présentent un
minimum d’organisation, qui reconnaissent quelque autorité définie, font partie
de sociétés plus vastes. Ce qui définit le clan, c’est qu’il est une division
politique en même temps que familiale, d’un agrégat social plus étendu.
[…]L’organisation des groupes partiels, clans, familles, etc., n’a donc précédé
l’organisation de l’agrégat total qui est résulté de leur réunion. D’où il ne
faut pas conclure davantage que, inversement, la première est née de la
seconde. La vérité est qu’elles sont solidaires, […] et se conditionnent
mutuellement. <i>Les parties ne sont pas
organisées d’abord pour former un tout qui s’est organisé ensuite à leur image,
mais le tout et les parties se sont organisées en même temps</i>. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Par ailleurs, s’il est vrai que l’attachement au territoire est un attachement,
d’abord récent, ensuite, patrimonial, il manifeste surtout une exigence qui
risque de détourner la société politique de ses buts pratiques. C’est tourner
les affaires politiques vers le dehors, vers l’appropriation de ce qui n’est
pas elle, et renoncer ainsi à la politisation propre de la société civile.
Mais, nous préviendra Durkheim, il s’agit aussi et surtout d’un <i>anachronisme</i> : le cours même du
développement des sociétés occidentales fait qu’il nous faut renoncer à ces
seules préoccupations de conquêtes que l’on connaissait auparavant, qui
n’étaient pas tout à fait des conquêtes territoriales, bien plutôt des
conquêtes sur des populations. Ainsi, « comparez le petit nombre de choses
sur lesquelles les délibérations gouvernementales portaient au XVIIIe siècle,
et la multitude d’objets auxquels elles s’appliquent actuellement. L’écart est
énorme. Jadis, les affaires extérieures occupaient presque seules l’activité
publique. Le droit entier fonctionnait automatiquement, d’une manière
inconsciente ; c’était la coutume. Il en était de même de la religion, de
l’éducation, de l’hygiène, de la vie économique, au moins en grande partie ;
les intérêts locaux et régionaux étaient abandonnés à eux-mêmes et ignorés.
Aujourd’hui, dans un Etat comme le nôtre, et même avec des différences de
degrés, comme le sont de plus en plus les grands Etats européens, tout ce qui
concerne l’administration de la justice, ma vie pédagogique, économique du
peuple, est devenu conscient. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a>
C’est souligner donc que la tendance, et le cours naturel de l’histoire des
sociétés humaines, est d’incorporer et d’intérioriser tout ce qui, diffus dans
la société humaine, doit, par le biais de l’Etat, devenir conscient. En même
temps, par ces deux extraits, on remarque que l’institution de l’Etat n’est pas
le fait de ce que la philosophie politique appelle la
« modernité » ; qu’il n’y a pas, entre la société, les membres
qui la constituent, et l’Etat, structure et organe qui lui donne son principe
et sa vitalité, en tout cas, son expression, une extériorité. C’est un
développement simultané et quasi congénital qui les définit. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Qu’est-ce donc
que la société politique ? Si l’on a raison de la définir comme
l’opposition entre gouvernants et gouvernés, Durkheim insiste lourdement sur le
fait que toute société politique implique la pluralité et la distinction<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[4]</span></span><!--[endif]--></span></a>.
Dans sa définition, il fera intervenir la perspective d’une domination
(l’opposition ne sera pas pour autant celle entre dominants et dominés, car
nous verrons combien les dominés consentent, s’offrent et incorporent la
domination à l’autorité comme une condition même de leur existence et identité
plurielle). La société politique est donc <i>« une
société formée par la réunion d’un nombre plus ou moins considérable de groupes
sociaux secondaires, soumis à une même autorité, qui ne ressortit elle-même à
aucune autre autorité supérieure régulièrement constituée.</i> »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[5]</span></span><!--[endif]--></span></a> <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Par cette
définition, qu’il réserve aux seules sociétés politiques (sous-entendu :
il y a bien d’autres types de sociétés, mais celles-ci ne sont pas
nécessairement politiques), Durkheim signifie deux choses essentielles.
D’abord, ce n’est pas la question du Droit qui prédomine. On le verra par la
suite, mais la question du Droit, pour Durkheim, est un artifice non
déterminant pour la constitution politique de la société. Ensuite, cette
opposition entre gouvernants et gouvernés, qui peut être une opposition
frontale (il y a contradiction) mais qui est plus fondamentalement une
opposition entre des <i>positions</i> occupées
dans l’organisation de la société, nous amène à renoncer à la définition
classique de la société politique et démocratique qui postule l’identité entre
gouvernants et gouvernés (identité qui se manifeste, en définitive, dans les
sociétés primitives, moins complexes et traditionnelles). <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 1cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">« Cette
conception de l’Etat se rapproche trop évidemment de celle qui est à la base
des soi-disant démocraties primitives. Elle s’en distingue en ce que
l’organisation extérieure de l’Etat est autrement savante et compliquée. On ne
saurait comparer un conseil de sachems à notre organisation gouvernementale,
même la fonction serait-elle fondamentalement la même. Dans un cas comme dans
l’autre, elle serait privée de toute autonomie. Qu’en résulte-t-il ? C’est
qu’un tel Etat manque à sa mission ; au lieu de clarifier les sentiments
obscurs de la foule, de les subordonner à des idées plus claires, plus
raisonnées, il ne fait que donner la prédominance à ceux de ces sentiments qui
paraissent être plus généraux.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 1cm; text-align: justify;">
<i><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Mais ce n’est pas le seul inconvénient
d’une telle conception</span></i><span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">. Nous avons vu que dans les sociétés inférieures,
le caractère rudimentaire du gouvernement si faible, ont pour conséquence un
traditionalisme rigoureux. S’il en est ainsi, c’est que la société a des
traditions fortes et vigoureuses qui sont profondément gravées dans les
consciences individuelles ; et ces traditions sont puissantes précisément
parce que les sociétés sont simples. Mais il n’en est pas de même dans les
grandes sociétés d’aujourd’hui ; les traditions ont perdu de leur empire
et, comme elles sont incompatibles avec l’esprit d’examen et de libre critique
dont le besoin se fait toujours plus vivement sentir, elles ne peuvent pas et
elles ne doivent pas garder leur autorité d’autrefois. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[6]</span></span><!--[endif]--></span></a><o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;"><br />
Exclure la question du Droit, renoncer à toute identité voire toute
identification des Parties avec le Tout, c’est, dans cette tentative de
compte-rendu de la définition durkheimienne, envisager la société politique
comme fondamentalement un agrégat, qui conserve la singularité et la
particularité des parties ; qui pose les unes et l’autre, l’Etat (organe
éminent, système nerveux de la société), comme se co-constituant les unes et
l’autre ; qui, enfin, dans cette intrication des unes et de l’autre, suppose
une soumission nécessaire des unes avec l’autre. Ainsi, <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 1cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">« Les
sociétés politiques se caractérisent en partie par l’existence de groupes
secondaires. C’est déjà ce que sentait Montesquieu quand il disait que la forme
sociale qui lui paraissait la plus hautement organisée, à savoir la monarchie,
qu’elle impliquait : « des pouvoirs intermédiaires, subordonnés et
dépendants ». on voit toute l’importance de ces groupes secondaires […].
Ils ne sont pas seulement nécessaires à l’administration des intérêts
particuliers, domestiques, professionnels, qu’ils enveloppent et qui sont leur
raison d’être, ils sont aussi la condition fondamentale de toute organisation
plus élevée. Bien loin qu’ils soient en antagonisme avec ce groupe social qui
est chargé de l’autorité souveraine et qu’on appelle plus spécialement l’Etat,
celui-ci suppose leur existence <i>: il
n’existe que là où ils existent</i>. Point de groupes secondaires, point
d’autorité politique, du moins, point d’autorité qui puisse, sans impropriété,
être appelée de ce nom. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[7]</span></span><!--[endif]--></span></a><o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Mais encore,<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 1cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">« Ce
qui définit le clan c’est qu’il est une
division politique en même temps que familiale, d’un agrégat social plus
étendu. Mais dira-ton, dans le principe ? Dans le principe, il est légitime
de supposer qu’il existait des sociétés simples ne contenant en elles aucune
société plus simple ; la logique et les analogies nous obligent à faire
l’hypothèse, que certains faits confirment. Mais en revanche, rien n’autorise à
croire que de telles sociétés furent soumises à une autorité quelconque. Et ce
qui doit faire rejeter cette supposition comme tout à fait invraisemblable,
c’est que plus les clans d’une tribu sont indépendants les uns des autres, plus
chacun d’eux tend vers l’autonomie, plus aussi tout ce qui ressemble à une
autorité, à un pouvoir gouvernemental quelconque, y fait défaut. Ce sont des
masses presque complètement amorphes, dont tous les membres sont sur le même
plan. L’organisation des groupes partiels, clans, familles, etc., n’a donc
précédé l’organisation de l’agrégat total qui est résulté de leur réunion. D’où
il ne faut pas conclure davantage que, inversement, la première est née de la
seconde. La vérité est qu’elles sont solidaires, […], et se conditionnent
mutuellement. Les parties ne sont pas organisées d’abord pour former un tout
qui s’est organisé ensuite à leur image, mais le tout et les parties se sont
organisées en même temps. Une autre conséquence de ce qui précède est que les
sociétés politiques impliquant l’existence d’une autorité, et cette autorité
n’apparaissant que là où les sociétés comprennent en elles une pluralité de
sociétés élémentaires, les sociétés politiques sont nécessairement
polycellulaires ou polysegmentaires. Ce n’est pas à dire qu’il n’y a jamais eu de
sociétés faites d’un seul et unique segment, mais elles constituent une autre
espère, elles ne sont pas politiques. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[8]</span></span><!--[endif]--></span></a><o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">On comprend bien
que, dans cette conception, il n’y a pas d’indépendance, d’extériorité entre
les éléments. Tous sont intriqués, impliqués et imbriqués, au point que si l’on
peut parler d’identité entre les parties et le tout, elle n’est pas tant du
fait de la totalité, qui, on ne sait comment, lui préexisterait, que de chacune
de ses parties. Non que celles-ci produisent ce tout à l’image des
particularités et de la diversité de la société, mais parce qu’elles ne peuvent
s’affirmer dans leur singularité, ne consentir à l’agrégation des singularités
que par référence à cette autorité qui les constitue, comme un contrepoids
nécessaire à leur existence. Et c’est bien là ce qui justifie le patriotisme
qui, loin de disparaître et de se laisser confondre avec un cosmopolitisme qui
ne serait qu’une confédération supérieure d’Etats, maintient cet élan de
solidarité de tous avec le tout.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 1cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">« <i>Que chaque Etat se donne pour tâche
essentielle, non de s’accroître, d’étendre ses frontières, mais d‘aménager au
mieux son autonomie</i>, d’appeler à une vie morale de plus en plus haute le
plus grand nombre de ses membres, et toute contradiction disparaît entre la morale
nationale et la morale humaine. Que l’Etat n’ait d’autre but que de faire de
ses citoyens des hommes, dans le sens complet du mot, et les devoirs civiques
ne seront qu’une forme plus particulière des devoirs généraux de l’humanité.
Or, nous avons vu que c’est dans ce sens que se fait l’évolution. Plus les
sociétés concentrent leurs forces sur le dedans, sur leur vie intérieure, plus
aussi elles se détourneront de ces conflits qui mettent aux prises
cosmopolitisme et patriotisme ; et elles se concentrent de plus en plus en
elles-mêmes à mesure qu’elles deviennent plus vastes et plus complexes. Voilà
dans quel sens l’avènement des sociétés plus considérables encore que celles
que nous avons sous les yeux sera un progrès de l’avenir.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 1cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Ainsi,
ce qui résout l’antinomie, c’est que le patriotisme tende à devenir comme une
petite partie du cosmopolitisme. Ce qui entraîne le conflit, c’est que trop
souvent il est conçu autrement. Il semble que le vrai patriotisme ne se
manifeste que dans les formes de l’action collective qui sont orientées vers le
dehors ; qu’on ne peut marquer son attachement au groupe patriotique
auquel on appartient dans les circonstances qui le mettent aux prises avec
quelque groupe différent. Certes, ces crises extérieures sont fécondes en occasions
de dévouement éclatant. Mais à côté de ce patriotisme, <i>il en est un autre, plus silencieux, mais dont l’action utile est aussi
plus continue, et qui a pour objet l’autonomie intérieure de la société et non
son expansion extérieure.</i> Ce patriotisme n’exclut pas, il s’en faut, tout
orgueil national ; la personnalité collective, ni les personnalités
individuelles, ne peuvent exister sans avoir d’elles-mêmes, de ce qu’elles
sont, un certain sentiment, et ce sentiment a toujours quelque chose de
personnel. Tant qu’il y aura des Etats, il y aura un amour-propre social, et
rien n’est plus légitime. Mais les sociétés peuvent mettre leur amour-propre,
non à être les plus grandes ou les plus aisées, mais à être les plus justes,
les mieux organisées, à avoir la meilleure constitution morale. Sans doute nous
n’en sommes pas encore au temps où ce patriotisme pourra régner sans partage,
si tant est qu’un pareil moment puisse jamais arriver. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[9]</span></span><!--[endif]--></span></a><o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><span style="font-size: small;">Pluralité,
distinction, interdépendance : ces trois mots définissent la société
politique. On pourrait presque y lire, avant l’heure, une conception de
l’espace public telle que la développe Jürgen Habermas. En effet, cet espace
public n’est pas plus une institution qu’une organisation, une structure ou un
système. En ce sens, « il échappe […] aux concepts traditionnels de
l’ordre social. »</span><a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn10" name="_ftnref10" style="font-size: 12pt;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[10]</span></span><!--[endif]--></span></a><span style="font-size: small;">Admettant
des frontières intérieures, « il se caractérise [pour qui le considérerait
de l’extérieur] par des horizons ouverts, poreux et mobiles. »</span><a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn11" name="_ftnref11" style="font-size: 12pt;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[11]</span></span><!--[endif]--></span></a><span style="font-size: small;"> En
tant que véritable caisse de résonance des problèmes sociaux, il est un
lanceur d’alertes qu’il appartient aux institutions (Durkheim pourrait dire aux
administrations de l’Etat) de nommer et de régler. Ainsi, « le cœur
institutionnel [de la société civile] est désormais formé par ces groupements
et ces associations non étatiques et non économiques à base bénévole qui
rattachent les structures communicationnelles de l’espace public à la
composante « société » du monde vécu. La société civile se compose de
ces associations, organisations et mouvements qui à la fois accueillent,
condensent et répercutent en les amplifiant dans l’espace public politique, la résonance que les problèmes sociaux trouvent dans la sphère de la vie privée.
Le cœur de la société civile est donc constitué par un tissu associatif qui
institutionnalise dans le cadre d’espaces publics organisés les discussions qui
se proposent de résoudre les problèmes surgis concernant les sujets d’intérêt
général. »</span><a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn12" name="_ftnref12" style="font-size: 12pt;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[12]</span></span><!--[endif]--></span></a><span style="font-size: small;">
C’est donc bien mettre en regard l’une de l’autre, la société civile dans son
ensemble et les institutions et administrations. Par ailleurs, chez Habermas
qui, alors, parlera, à l’instar de Parsons, d’</span><i style="font-size: 12pt;">influence</i><span style="font-size: small;"> et dont il dira qu’elle ne peut se transformer en pouvoir
politique « que dans la mesure où elle agit sur les convictions des
membres autorisés du système politique, déterminant ainsi le comportement à la
fois d’électeurs, de parlementaires, de fonctionnaires »</span><a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn13" name="_ftnref13" style="font-size: 12pt;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[13]</span></span><!--[endif]--></span></a><span style="font-size: small;">,
il y a aussi, chez Durkheim, cette idée d’une société comme caisse de résonance et, d’une certaine façon, la même réserve quant à la traduction
directe de cette </span>résonance<span style="font-size: small;"> dans les délibérations au sien de l’Etat et
décisions de l’exécution par les administrations. L’Etat, nous prévient-il,
n’est pas un décalque de la société civile. « Le rôle de l’Etat, en effet,
n’est pas d’exprimer, de résumer la pensée irréfléchie de la foule, mais de
surajouter à cette pensée irréfléchie, une pensée plus méditée, et qui, par la
suite, ne peut pas n’être pas différente. »</span><a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn14" name="_ftnref14" style="font-size: 12pt;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[14]</span></span><!--[endif]--></span></a><span style="font-size: small;">
Toutefois, s’il y a bien des prérogatives propres à l’Etat dans la définition
de l’intérêt général (expression qu’il n’emploie pas), de la résolution des
conflits, et si, par ailleurs, il est nécessaire que l’Etat ne soit pas asservi
aux citoyens, et les uns et l’autre, dans une même dynamique, restent en regard
et en contrepoint. « Sans doute, il est nécessaire qu’il [l’Etat] soit
informé de ce que pensent les citoyens ; mais ce n’est là qu’un de ses
éléments de méditation et de réflexion, et, puisqu’il est constitué pour penser
d’une manière spéciale, il doit penser à sa façon. C’est sa raison d’être. De
même, il est indispensable que le reste de la société sache ce qu’il fait, ce
qu’il pense, le suive et le juge ; il
est nécessaire qu’il y ait entre ces deux parties de l’organisation sociale
harmonie aussi complète que possible. Mais cette harmonie n’implique pas que
l’Etat soit asservi par les citoyens et réduit à n’être qu’un écho de leurs
volontés. »</span><a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn15" name="_ftnref15" style="font-size: 12pt;" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[15]</span></span><!--[endif]--></span></a><span style="font-size: small;">
Bien au contraire ! « L’Etat pense pour nous », dira Durkheim. <o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Il y a donc bien
quelque chose de commun et, même si l’expression ne fait pas partie de la
pensée durkheimienne, on peut, cependant, envisager une notion de <i>l’espace public</i> comme cet entre-deux
(société dans son ensemble et institutions) où circulent et se communiquent des
discours. Et, le rôle de la délibération, dans les assemblées constituées tout
autant en dehors d’elles (on peut le penser, que cette délibération, ces
discussions sont d’autant plus vives et fréquentes dans la société que
l’évolution de l’humanité, dans les sociétés qui intéressent Durkheim, dans ses
<i>Leçons</i>, se prête à ces échanges de
connaissances, de sentiments et d’aspirations, même à l’état diffus et confus).
Mais à une différence majeure : la constitution politique et démocratique de
la société renvoie au registre de l’immanence quand, chez Habermas, elle
renvoie à celui de la régulation par le droit. Nous avons signalé plusieurs
fois cette exclusion du Droit. Il est temps d’en approfondir les termes.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoSubtitle">
<div style="text-align: center;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><b><i>Renoncer
à la philosophie politique – un individualisme nécessaire.</i></b><o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Si donc l’Etat
pense pour nous, la fin essentielle qu’il poursuit n’est pas « de veiller
au respect des droits individuels »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn16" name="_ftnref16" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[16]</span></span><!--[endif]--></span></a>.
Ce qui nous éloigne considérablement de la sphère publique évoquée et
développée par Jürgen Habermas, dont la base et, par là, l’essence, renvoient
directement aux droits fondamentaux de la modernité<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn17" name="_ftnref17" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[17]</span></span><!--[endif]--></span></a>.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Au cours de ces
six leçons, Durkheim s’emploie à révoquer les conceptions courantes de la
politique moderne. Pour lui, il s’agit avant tout d’un artifice conceptuel et
théorique que la cours même de l’histoire, de l’évolution de l’homme et des
sociétés humaines contredit. Occupant la seconde partie de la quatrième leçon,
se demandant à quelle fin doit tendre cette pensée de l’Etat, il s’en prend à
la théorie individualiste qui se répand, à la suite de Spencer, Rousseau et
Kant.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Une telle
conception envisage la société comme un agrégat d’individus dont la seule fin
serait alors le développement matériel et intellectuel des individus, en
développant leur productivité aussi bien matérielle que scientifique et
culturelle. Sous cet angle, l’Etat ne produit rien, il est seulement le garant
de ce développement personnel, du civisme (de la morale civique) et se contente
d’exercer un rôle de prévention des dérives et autres déviances qui sont alors
autant des atteintes au contrat et à l’ordre social. C’est accorder à l’Etat
une fonction purement négative, d’exercice de justice répressive. Par ailleurs,
une telle conception prend appui sur le présupposé de droits attachés
essentiellement à la nature de l’homme. Dès lors qu’il y a atteinte à la
personnalité morale de l’individu, ces auteurs, ironisera Durkheim, auront tout
loisir de dénoncer l’atteinte au droit naturel de l’homme. Enfin, la société
n’étant plus que la réplique de ce qui a pu être donné à l’individu, une fois
pour toutes, à partir de l’essence postulée de l’homme, ces auteurs se
représentent le droit « comme quelque chose d’universel, comme un code qui
peut être établi une fois pour toutes et qui vaut pour tous les temps comme
pour tous les pays. Et ce caractère négatif qu’ils essaient de donner à ce
droit le rend, en apparence, plus facilement déterminable »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn18" name="_ftnref18" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[18]</span></span><!--[endif]--></span></a>,
au point de pouvoir en dresser une liste exhaustive<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn19" name="_ftnref19" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[19]</span></span><!--[endif]--></span></a>. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Pour Durkheim,
une telle conception qui artificialise l’universel se trompe sur deux points.
Le premier point, qui peut se déduire de l’angle adopté pour la réfutation,
considère qu’une telle perspective oublie trop vite l’historicité même des
sociétés, leur dynamique propre. Inscrites dans l’histoire, celle-ci n’est pas
qu’une linéarité où ce qui est se déduit simplement de ce qui fut, qu’il soit institué,
programmé ou tout simplement (et théoriquement) postulé. Une société politique
n’est en rien conservatrice : il en est de même pour l’Etat. Il convient
donc de faire confiance à l’histoire pour comprendre, telle une « loi de
la mécanique morale »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn20" name="_ftnref20" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[20]</span></span><!--[endif]--></span></a>, que
l’évolution même des sociétés et leur développement, des individus et des
exigences de savoir et de confort (matériel ou non) qu’ils définissent pour
leur existence, et, ainsi, de l’Etat est inéluctablement un dépassement de ce
qui fut. « Plus on avance dans l’histoire, plus on voit les fonctions de
l’Etat se multiplier en même temps qu’elles deviennent plus importantes, et ce
développement des fonctions est rendu sensible matériellement par le
développement parallèle de l’organe. […] Il faudrait donc [selon la conception
individualiste des droits] considérer ce développement progressif de l’Etat,
cette extension ininterrompue de ses attributions, de la partie administration
de la justice comme radicalement anormale ; et étant donné la continuité,
la régularité de cette extension tout le long de l’histoire, une telle
hypothèse est insoutenable. Il faut avoir singulièrement confiance dans la
force de sa propre dialectique, pour condamner comme morbides, au nom d’un
système particulier, des mouvements d’une telle constance et d’une telle
généralité. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn21" name="_ftnref21" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[21]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Autrement dit, la dialectique théorique et conceptuelle ne vaut pas nécessité
et ne rend pas compte de la dynamique des sociétés, de leur historicisation. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Le second point,
lui, concerne l’individu lui-même. En définitive, pour Durkheim, la
politisation de l’individu<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn22" name="_ftnref22" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[22]</span></span><!--[endif]--></span></a>
ne dérive pas de sa moralité naturelle, mais la moralité individuelle dépend de
l’être politique de l’individu. C’est en inversant la position des termes que
Durkheim insiste sur l’artifice de la théorie individualiste du droit, mais
aussi en réintroduisant l’individu dans la politique. En définitive, les droits
attachés à l’individu ne sont pas une conséquence de sa nature. Une telle
perspective est, en elle-même, contradictoire et, même antagonique. Car comment
lever alors le conflit qui ne peut qu’exister entre un Etat qui développe de
plus en plus ses attributions et ses compétences, se propageant jusque dans les
sphères de la vie privée et intime, et un individu qui, par ses demandes,
développe de plus en plus d’exigences, d’esprit critique et de libertés
vis-à-vis de ce qui s’offre à lui comme autant de contraintes qu’il ne peut
plus souffrir ? Un tel conflit ne peut subsister que parce que l’un et
l’autre sont comme deux entités extérieures et comme étrangère l’une à l’autre.
« Si, comme on le suppose, les droits de l’individu sont donnés avec
l’individu, l’Etat n’a pas à intervenir pour les constituer ; ils ne
dépendent pas de lui. Mais alors s’ils en dépendent aps de lui, s’ils sont en
dehors de sa compétence, comment le cadre de cette compétence peut-il s’étendre
sans cesse, alors que d’un autre côté il doit comprendre de moins en moins de
choses étrangères à l’individu ? »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn23" name="_ftnref23" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[23]</span></span><!--[endif]--></span></a><o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Une seule
solution, affirmera Durkheim. Il faut abandonner « le postulat d’après
lequel les droits de l’individu sont donnés avec l’individu. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn24" name="_ftnref24" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[24]</span></span><!--[endif]--></span></a>
En fait, les droits individuels et le développement de l’Etat sont
co-originiaires, et même consubstantiels. S’appuyant sur l’exemple de Rome, en
quoi il voit une organisation politique plus complexe qu’à Athènes, il souligne
combien alors la force et la puissance de l’Etat romain rejaillissait sur celle
des individus. Pour notre auteur, c’est un indice suffisant pour affirmer que
les droits individuels ne sont pas des abstractions vides, venues d’une nature
supérieure ou transcendante (divine ou tout simplement idéelle et
principielle), mais bien des productions de l’Etat. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 1cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">« Ainsi,
l’histoire semble bien prouver que l’Etat n’a pas été créé, et n’a pas
simplement pour rôle d’empêcher que l’individu ne soit troublé dans l’exercice
de ses droits naturels, mais que ces droits, c’est l’Etat qui les crée, les
organise, en fait des réalités. Et, en effet, <i>l’homme n’est un homme que parce qu’il vit en société</i>. Retirez de
l’homme tout ce qui est d’origine sociale, et il ne reste plus qu’un animal
analogue aux autres animaux. C’est la société qui l’a élevé à ce point
au-dessus de sa nature physique, et elle a atteint ce résultat parce que
l’association, en groupant les forces psychiques individuelles, les intensifie,
les porte à un degré d’énergie et de productivité infiniment supérieur à celui
qu’elles pourraient atteindre si elles restaient isolées les unes des autres.
Ainsi se dégage une vie psychique d’un nouveau genre, infiniment plus riche,
plus variée que celle dont l’individu solitaire pourrait être le théâtre, et la
vie ainsi dégagée, en pénétrant l’individu qui y participe, le transforme. <i>Mais, d’un autre côté, en même temps que la
société alimente et enrichit ainsi la nature individuelle, elle tend
inévitablement à se l’assujettir, et cela pour la même raison.</i> »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn25" name="_ftnref25" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[25]</span></span><!--[endif]--></span></a><o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Que l’Etat crée
des droits, nul ne s’en étonne. Mais il ne crée pas des droits, parce qu’il a
le droit comme fin et comme ambition. Nous l’avons déjà dit auparavant,
l’affaire essentielle de l’Etat n’est pas la préservation des droits attachés à
l’individu. La raison est anthropologique, pratique : ce n’est qu’en
regard de l’Etat, de cet organe éminent de toute société développée, comme cela
pourrait l’être, dans une société moins complexe, en regard du Tout auxquels
les clans et familles s’agrègent, que la singularité individuelle peut
s’affirmer et, même, se développer. La liberté des individus s’inscrit dans un
contexte où, paradoxalement, la structuration de la société est d’autant plus
complexe, sophistiquée, supposant des strates, des niveaux et des ordres qui,
chacun, pourtant différenciés, restent pénétrés des affaires de l’Etat et de la
pensée même de l’Etat. En somme, c’est l’autorité qui me fait être, tout autant
qu’elle m’assujettit. On croirait ici lire la scène d’interpellation
althusserienne ! Et pour Durkheim, il n’y a pas d’antagonisme entre l’un
et l’autre : tout juste une continuité, par laquelle, l’individu veut le
groupe, le collectif, l’autorité politique de l’Etat (et pas simplement une
autorité répressive, comme dans l’administration de la justice des théories
précédentes), et, en retour, cette autorité politique ne peut s’affirmer que
parce qu’elle a comme contrepoids l’existence individuelle. En somme, face au
despotisme de l’Etat, aux injonctions des administrations chargées d’exécuter
les décisions, répondent nécessairement, inévitablement et corrélativement
celles de l’individu<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn26" name="_ftnref26" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[26]</span></span><!--[endif]--></span></a>. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Plutôt donc
qu’une théorie individualiste des droits, Durkheim entend développer une
perspective individualiste de la politique. Et c’est justement parce qu’il n’y
a pas d’antinomie entre l’Etat et l’individu que cet axe peut être suggérer.
Encore faut-il s’entendre, non pas tant sur la définition qu’il donne à cet
individualisme<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn27" name="_ftnref27" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[27]</span></span><!--[endif]--></span></a>,
que sur la manière dont il conçoit la société politique.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Nous l’avons dit
plus haut, elle est nécessairement plurielle, constituée de groupes distincts, soumis
à une même autorité<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn28" name="_ftnref28" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[28]</span></span><!--[endif]--></span></a>.
Nous l’avons dit : la société politique est un agrégat. Mais nous devons
tout de suite préciser qu’il ne s’agit nullement d’un agrégat d’individus. L’individu
n’est pas tant une monade, qui, indépendante ou du Tout ou de groupes
quelconques, serait suffisamment puissant pour défier l’autorité de l’Etat sans
que celui-ci, en retour, ne le remette sur le droit chemin. Durkheim entend
bien que l’une des dérives de l’individualisme serait le développement de
particularisme, rendant l’entente impossible, en tout cas difficile à négocier.
Cette dérive est même inévitable quand, dans une société complexe, se
développent des intérêts si particuliers, qu’ils ne concernent plus qu’un
groupe, une corporation<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn29" name="_ftnref29" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[29]</span></span><!--[endif]--></span></a>.
Seulement, ce qu’il nous faut voir, c’est que dans une telle logique, ce n’est
plus la liberté individuelle, le libre cours des aspirations individuelles qui
se manifestent, mais bien avant tout l’intérêt du groupe, de la communauté
d’intérêt ainsi formée. Or cet intérêt, plutôt que d’être développé à l’échelle
individuelle, est d’abord et avant tout tourné et orienté vers la lutte
défensive de l’affirmation du groupe. On ne fait que reproduire la logique de
la société domestique, clanique, qui, par absorption de ses membres et par
dissolution de ce qui les distingue et les singularise, ne leur laisse aucune
autre marge de manœuvre que de s’opposer à ce qui n’est pas elle, à ce qui est
hors d’elle et tout à fait étranger. Si l’on peut penser une liberté
individuelle, ce n’est pas là, dans cette logique qu’elle se trouve.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Nous l’avons dit
auparavant : l’Etat, selon Durkheim, n’a rien d’une nature transcendante,
surhumaine et étrangère à l’individu. C’est d’ailleurs ce qui l’amène à
révoquer une seconde position philosophique qui, si elle peut avoir le mérite
d’inscrire la société dans un devenir, n’en néglige pas moins la question et la
place de l’individu dans l’organisation politique de la société. Cette position,
Durkheim la définit de mystique, renvoyant directement à Hegel mais aussi à des
périodes de l’histoire humaine où religion et Etat se confondaient. Selon cette
nouvelle optique, chaque société manifesterait une fin supérieure à toutes les
fins particulières que poursuivraient les individus. Or, l’individu ne serait
plus ici qu’un jouet, instrument de l’Etat, tout entier préoccupé par
l’affirmation de sa puissance. Docile, il devrait pouvoir faire abstraction de
son intérêt personnel, faire comme si rien ne comptait plus pour lui que l’Etat
auquel il se soumettrait. Si, dans le passé de l’Europe, comme dans des
contextes plus traditionnels, une telle docilité est concevable, « plus on
avance dans l’histoire, et plus on voit les choses changer. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn30" name="_ftnref30" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[30]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Et le sens de l’histoire, nous dira-t-il, n’est pas dans le plus grand
asservissement des hommes à une puissance et des intérêts qui ne sont pas
leurs. Ce sens de l’histoire est tout à la fois dans l’individu <i>et</i> dans l’Etat, au point que l’un et
l’autre n’existent que l’un par l’autre. <i>Dans
l’individu</i>, parce que celui-ci est devenu « un foyer autonome
d’activité, un système imposant de forces personnelles dont l’énergie ne peut
pas plus être détruite que celle des forces cosmiques. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn31" name="_ftnref31" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[31]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Or ce « foyer autonome » ne peut compter que sur ses propres
intérêts : il ne réalise pas un ordre des choses qui ne l’intéresserait
pas directement et concrètement. Même le plus despotique des régimes
politiques, même le plus religieux des systèmes ne pourra tout à fait négliger
cette tendance individuelle à une plus grande liberté, à plus de critiques et,
les moyens techniques aidant, à plus de discussions, de contestation. Par ailleurs,
une fois que l’individu a goûté à cette autonomie, y renoncer de quelque
manière que ce soit et revenir en arrière est tout à fait impossible (du moins
est tout à fait impensable, quand bien même les instruments de pouvoir et de
censure rendraient cette régression possible). Il y a donc là, quelque chose
d’irréversible, dans l’ordre de la politisation des sociétés humaines. Et <i>dans
l’Etat </i>: car si accroître sa puissance, vis-à-vis de l’extérieur, ne
put passer que par la soumission des individus à un intérêt (patriotique) qui
leur était étranger ; si la guerre avec d’autres Etats est, dans l’ordre
du possible, une véritable régression de l’histoire de l’humanité ; si,
enfin, vis-à-vis de la société dite civile, tout est fait pour réprouver ou
neutraliser les sursauts particularistes de groupes d’intérêts divergents, il
n’en demeure pas moins que l’Etat, dans son évolution a intérêt à « libérer
les personnalités individuelles »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn32" name="_ftnref32" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[32]</span></span><!--[endif]--></span></a>.
En effet, aussi bien contre ces tentatives particularistes que par rapport à
ces perspectives géostratégiques, qui le détourneraient de sa fonction
essentielle,<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 1cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">« il
faut que l’individu puisse se mouvoir avec une certaine liberté sur une vaste
étendue ; il faut qu’il ne soit pas retenu et accaparé par des groupes
secondaires, il faut que ceux-ci ne puissent pas se rendre maîtres de leurs
membres et les façonner à leur gré. Il faut donc qu’il y ait au-dessus de tous
ces pouvoir locaux, familiers, en un mot secondaires, un pouvoir général qui
fasse la loi à tous, qui rappelle à chacun d’eux qu’il est, non pas le tout,
mais la partie du tout, et qu’il ne doit pas retenir pour soi ce qui, en
principe, appartient au tout. Le seul moyen de prévenir ce particularisme
collectif et les conséquences qu’il implique pour l’individu, c’est qu’un
organe spécial ait pour charge de représenter auprès de ces collectivités
particulières la collectivité totale, ses droits et ses intérêts. Et ces droits
et ces intérêts se confondent avec ceux de l’individu. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn33" name="_ftnref33" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[33]</span></span><!--[endif]--></span></a> <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Autrement dit,
l’Etat a intérêt au développement social, culturel des individus, comme
l’individu a intérêt à ce qu’une entité « organique » comme l’Etat
lui garantisse ce développement. A s’entendre ainsi, il n’y a pas une
réciprocité, comme un échange de bons procédés. Dans cette vision que nous
avons qualifiée « organiciste », il est clair que ce n’est pas tant
les Droits attachés à l’individu qui importent, que le co-développement des
« organes » qui constituent la société humaine. Hors de cela, il n’y
a point d’<i>espace public</i> possible.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Mais il n’y a
pas non plus de réciprocité totale, parfaite et absolue. Et si l’idée d’un <i>espace public et politique</i> se nourrit
d’abord et avant tout de celle d’un dissensus, d’un écart entre les intérêts
individuels et ceux de l’Etat, dans l’exercice de ses fonctions, Durkheim n’en
élimine pas la possibilité. Bien au contraire ! Cet écart est même inscrit
dans les « génomes » de l’Etat comme des individus, malgré toutes les
infiltrations, dans la sphère privée, des représentations de l’Etat. Nous
parlons d’écart ; Durkheim évoque, lui, ces individualités qui lui
échappent. Mais c’est un mal nécessaire, dirons-nous, pour un bien évident.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 1cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">« La
force collective qu’est l’Etat, pour être libératrice de l’individu, a besoin
elle-même de contrepoids ; elle doit être contenue par d’autres forces
collectives, à savoir par ces groupes secondaires […]. S’il n’est pas bien
qu’ils soient seuls, il faut qu’ils soient. Et c’est de ce conflit de forces
sociales que naissent les libertés individuelles. On voit ainsi encore de cette
manière quelle est l’importance de ces groupes. Ils ne servent pas seulement à
régler et à administrer les intérêts qui sont de leur compétence. Ils ont un
rôle plus général ; ils sont une des conditions indispensables de
l’émancipation individuelle. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn34" name="_ftnref34" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[34]</span></span><!--[endif]--></span></a><o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">La
conflictualité et la divergence sont donc inhérentes à la constitution d’une
société politique, définie par la pluralité tout autant que par l’exercice
d’une autorité suprême qui ne manifeste d’autres ambitions que de maintenir la
cohésion de l’ensemble. Pour autant, il ne s’agit pas de faire de cette
autorité (et donc de l’Etat) un pur et simple arbitre des dissensions. D’une
certaine manière, si elles existent, ce n’est pas pour être épuisées par
l’énoncé de telle ou telle sentence. Elles existent… et elles ne peuvent
qu’exister : l’Etat (mais il serait plutôt pertinent, maintenant, de
parler de démocratie) n’a pas pour fonction de faire la synthèse, de trouver ce
qui est le plus juste en la matière. Elles existent… et il faut entendre leur
manifestation contestataire comme une puissance affirmative de quelque chose à
venir, même si, on peut douter que ce soit dans les rangs mêmes et les slogans
des contestataires que se trouve la formulation précise et explicite de ce
« quelque chose ». <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Si la conflictualité
est donc bien une nécessité, si elle est inévitable d’un point de vue
historique et nécessaire du point de vue de l’institution continue des droits
individuels<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn35" name="_ftnref35" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[35]</span></span><!--[endif]--></span></a>,
elle ne se résout pas par la traduction littérale qu’en ferait l’Etat ou ses
intermédiaires (les administrations de l’Etat). La conflictualité, ainsi que
l’envisage Durkheim, n’est pas un antagonisme rendant individus et Etat
étrangers les uns à l’autre. Mais ce refus de l’antagonisme ne signifie pas non
plus qu’il y ait une volonté d’uniformiser les intérêts en un intérêt commun. S’il
affirme et maintient cette nécessité du conflit, cela s’explique surtout par une
conception de la démocratie qui ne peut pas être représentative.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">La conception
moderne de la démocratie repose sur l’identité entre gouvernants et gouvernés.
C’est-à-dire encore : la démocratie serait ce régime par lequel la société
se gouvernerait elle-même. Un telle perspective reviendrait, pour Durkheim, a)
à définir une démocratie qui exclurait la
minorité de la société civile (et donc, par là, à ne produire qu’une
aristocratie démocratique qui, au gré des plébiscites et des alternances
politiques, se renouvelle, sans vraiment être radicalement démocratique) ;
b) à vouloir que l’Etat il se limiterait à exprimer la volonté de « la
masse des individus et toute l’organisation gouvernementale n’aurait d’autre
objet que de traduire le plus fidèlement possible, sans y rien ajouter, sans y
rien modifier, les sentiments épars dans la collectivité »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn36" name="_ftnref36" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[36]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Le mandat de l’élu du peuple ne serait alors qu’un mandat impératif, qui,
collant à la réalité du terrain et des aspirations de la masse, les ferait
siennes au point de n’être plus que le porte-parole non de la collectivité dans
son ensemble, mais d’un groupe d’intérêts particuliers. Il lui serait ainsi
asservi, puisqu’il en serait le client, et ce qui vaudrait alors pour le mandat
de l’élu vaudrait aussi pour l’Etat dont on exigerait la plus grande proximité
avec les intérêts privés… <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 1cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">« Or
rien n’est plus contraire, à certains égard, à la notion même de démocratie.
Car la démocratie suppose un Etat, un organe gouvernemental, distinct du reste
de la société, quoique étroitement en rapport avec elle, et cette manière de
voir est <i>la négation même de tout Etat</i>,
au sens propre du mot, <i>parce qu’elle
résorbe l’Etat dans la nation</i>. Si l’Etat ne fait que recevoir les idées et
les volitions particulières, afin de savoir quelles sont celles qui sont les
plus répandues, qui ont, comme on dit, la majorité, il n’apporte aucune
contribution vraiment personne [ sic ?] à la vie sociale. Ce n’est qu’un
décalquage de ce qui se passe vraiment dans les régions sous-jacentes. Or,
c’est ce qui est contradictoire avec la définition même de l’Etat. Le rôle de
l’Etat, en effet, n’est pas d’exprimer, de résumer la pensée irréfléchie de la
foule, mais de surajouter à cette pensée irréfléchie une pensée plus méditée,
et qui, par suite, <i>ne peut pas n’être pas
différente</i>. C’est, et ce doit être, un foyer de représentations neuves,
originales, qui doivent mettre la société en état de se conduire avec plus
d’intelligence que quand elle est mue simplement par les sentiments obscurs qui
la travaillent. […] Le devoir du gouvernement est de se servir de tous ces
moyens [ à la fois ces sentiments obscurs de la foule, mais toutes les enquêtes
de ses administrations et autres procédures d’élaboration de la décision
politique], non pas simplement pour dégager ce que pense la société, mais pour
découvrir ce qu’il ya de plus utile pour la société. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn37" name="_ftnref37" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[37]</span></span><!--[endif]--></span></a><o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Il est
intéressant de signaler, d’une part, que l’Etat n’est pas la nation (ou
encore : que l’élément national, tout autant que l’élément territorial, ne
définit pas l’Etat), et, d’autre part, qu’il s’agit bel et bien de maintenir
cet écart, dette distinction entre la parole venue de la masse de la société et
celle manifestée et énoncée par l’Etat. Cette différence n’est pas suffisante
pour renoncer à toute démocratisation de la société politique. Elle y est
plutôt nécessaire. L’Etat n’est pas le miroir de la société, il ne lui
correspond pas comme une image, et si, tout à la fois, il n’y a pas
d’individualité sans Etat, et pas d’Etat sans différences et pluralités, c’est
que la démocratie n’est pas le gouvernement de la masse par elle-même. La
« révolte des masses » n’est pas pressentie comme un indice de
démocratie. « Si tout le monde gouverne, c’est qu’en réalité, il n’y a pas
alors de gouvernement. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn38" name="_ftnref38" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[38]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Par ailleurs, puisqu’il n’est pas plus question d’identité entre les
gouvernants et les gouvernés que de représentation majoritaire de la société de
la masse des individus, il faut approcher la démocratie autrement que par le
suffrage et, paradoxalement, à partir de la question de la domination.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Cela peut, en
effet, paraître contradictoire puisque, l’impression qui demeure, dans cette
perspective d’un Etat qui pense pour moi/nous, c’est qu’il sache mieux que
n’importe qui ce qui est bon pour tous. Or, l’autonomie individuelle, comme
celle de la société dans son ensemble, n’est pas un hors-cadre. C’est à l’Etat,
d’une certaine manière, de nous rappeler, indépendamment de toute injonction,
quel est notre rôle, notre position et par rapport à nos contemporains et par
rapport à la collectivité. Parce que c’est dans ce cadre même et à partir de
lui que les uns et les autres évoluent, progressent, conquièrent de nouveaux
horizons de droits, de nouvelles libertés<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn39" name="_ftnref39" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[39]</span></span><!--[endif]--></span></a>.
Nous ne pouvons pas nous en désolidariser. Mais, en retour, même si la question
de l’exclusion n’est pas abordée (ou est escamotée), il ne semble pas qu’il y
ait, dans l’espace social et public, d’étranger qui n’ait intérêt à cet espace.
La démocratie n’est pas alors la loi du nombre : elle est plutôt et avant
tout un <i>éthos</i>.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">« Louis XIV
pouvait bien lancer des lettres de cachet contre qui il voulait, mais il était
sans force pour modifier le droit régnant, les coutumes établies, les croyances
reçues. Que pouvait-il contre l’organisation religieuse et les privilèges de
toute sorte qu’entraînait avec elle cette organisation qui se trouvait par là
même soustraite à l’action gouvernementale ? »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn40" name="_ftnref40" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[40]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Hors des instances gouvernementales, administratives, la société vit sa vie
propre et si tant est que le prince ou le tyran ait la velléité de contrôler
tout son monde, il n‘aura prise que sur les individus, comme déliés de la
collectivité, mais pas sur la société elle-même. C’est dire combien le pouvoir,
tout absolu soit-il, est faible et limité. C’est dire aussi combien le sort
même de la société qu’il gouverne ne le préoccupe guère. A se dérober au
contrôle et contre-pouvoir de la masse de la société, le pouvoir gouvernemental
est alors plus préoccupé de relations extérieures que du développement propre
de la société. Mais, le fait de l’histoire est très certainement qu’il ne peut
s’y dérober longtemps et que la société, malgré l’exercice autoritaire du
pouvoir, peut encore, trouver en elle-même, dans la conscience qu’elle peut,
tout épisodiquement, avoir d’elle-même se retourner et demander des comptes<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn41" name="_ftnref41" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[41]</span></span><!--[endif]--></span></a>. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Si, au
contraire, il y a démocratie, alors la définition de celle-ci doit subir la
même opération de retournement des préjugés qui ont alimenté la modernité
politique. Et l’on trouve chez Durkheim deux éléments de définition de la
démocratie, de la démocratisation de la société. Le premier renvoie à la
qualité de la relation entretenue entre les organes mêmes du gouvernement et le
reste de la société. Cette qualité est d’abord et avant tout
communicationnelle : dans cette solidarité entre les parties et le tout,
rien ne peut échapper aux uns et aux autres, même si chacun reste lui-même,
distinct de tous les autres (et les individus entre eux, et l’Etat par rapport
aux individus). La communication est, ici, tout à la fois celle qu’une force ou
un agent « communique » à un autre ou un ensemble : il le lui
transmet par le simple fait de leur proximité ou de leur commune appartenance
au groupe. Et c’est aussi la communication discursive : il suffit de noter
les occurrences des termes de « délibérations »,
« discussions », pour s’en convaincre. Mais, ainsi que nous l’avons
souligné plus haut, ce n’est pas une simple traduction par le haut, de ce qui
se communique en bas. Ce sera notre seconde remarque : cette communication
qui se nourrit du commerce que les individus ont entre eux, de ce regard qu’ils
portent sur les actions gouvernementales et de l’attention dont l’Etat les
entoure, est d’abord et avant tout productrice d’une conscience de soi de la
société, qui ne peut que servir la conscience de soi de chacun des ses membres.
« De ce point de vue, la démocratie nous apparaît donc comme la forme
politique par laquelle la société arrive à la plus pure conscience d’elle-même.
Un peuple est d’autant plus démocratique que la délibération, que la réflexion,
que l’esprit critique jouent un rôle plus considérable dans la marche des
affaires publiques. Il l’est d’autant moins que l’inconscience, les habitudes
inavouées, les sentiments obscurs, les préjugés en un mot soustraits à
l’examen, y sont au contraire prépondérants. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn42" name="_ftnref42" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[42]</span></span><!--[endif]--></span></a>Cette
conscience de soi et collective définit une sorte de « vie
psychique » de la démocratie. Il n’y est nullement question d’institution,
de pouvoir constituant, d’une volonté politique constitutive. C’est à la
société elle-même, dans la société même, dans ce qui s’y diffuse, que se
trouve, hors tout décret, la condition de possibilité de la démocratie. Pour
autant, il nous faut tout aussitôt rappeler que ce n’est pas de la société même
que se définissent les lois. Ce n’est pas d’elle qu’elles émergent. Dans cette
psychologie politique et sociale, Durkheim, en corrigeant l’idée de l’identité
entre gouvernants et gouvernés, prévient que la démocratie directe ne convient
vraiment qu’à la société tribale. Pour ce qui concerne les sociétés plus
évoluées et complexes, faire de la représentation politique la condition même
de la démocratisation de la société, on érige en principe la fait qu’une
minorité gouverne qui ne se distingue de celle, aristocratique, que par le fait
que cette dernière est posée une fois pour toutes quand celle, démocratique, subit
les alternances du suffrage. Autrement dit, entre ces deux formes politiques,
il n’y a pas de différence de nature. A peine une différence de degré ! Mais,
si l’on se place au niveau de l’exercice du pouvoir, la différence est la
suivante : quand le gouvernement aristocratique reste replié sur lui-même
et s’écarte de la masse collective pour préserver les intérêts propres de la
classe dirigeante, la gouvernement démocratique s’il inscrit une séparation
avec la masse collective, cette séparation n’est pas tant une distance qu’une
interface nécessaire à la définition et l’élaboration de ce qui est l’intérêt
commun. Et, d’une certaine manière, c’est cette interface même qui réalise
véritablement la démocratie.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 1cm; text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">« Il
ne faut donc pas dire que la démocratie est la forme politique d’une société
qui se gouverne elle-même, où le gouvernement est répandu dans le milieu de la
nation. Une pareille définition est contradictoire dans les termes. C’est
presque dire que la démocratie est une société politique sans Etat. En effet,
l’Etat ou n’est rien ou est un organe distinct du reste de la société. Si
l’Etat est partout, il n’est nulle part. il résulte d’une concentration qui
détache de la masse collective un groupe d’individus déterminé, où la pensée
sociale est soumise à une élaboration d’un genre particulier et arrive à un
degré exceptionnel de clarté. Si cette concentration n’existe pas, si la pensée
sociale reste entièrement diffuse, elle reste obscure, et le trait distinctif
des sociétés politiques disparaît. […] Si tout le monde gouverne, c’est qu’en
réalité, il n’y a pas alors de gouvernement. Ce sont des sentiments collectifs
diffus, vagues et obscurs qui mènent les populations. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn43" name="_ftnref43" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[43]</span></span><!--[endif]--></span></a><o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Un tel propos
n’est pas sans évoquer une « crainte des masses », idée sur laquelle
nous reviendrons. Mais notons d’emblée combien, dans ce refus de la démocratie
directe, l’Etat n’est pas là comme une institution extérieure à la masse :
il en est de l’Etat démocratique vis-à-vis de la masse collective comme de
l’inconscience individuelle par rapport à sa conscience claire. D’abord, en
effet, il y a quelque chose de désacralisé dans la conception durkheimienne de
l’Etat, tout à fait séparé du commun<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn44" name="_ftnref44" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[44]</span></span><!--[endif]--></span></a>.
Cette désacralisation, si elle est l’effet de la communication, c’est-à-dire
d’une parole plus éclairée, diffuse dans l’espace public, interdit de penser
l’Etat comme l’Autre de la démocratie. Il y a, nous prévient Durkheim, un
entre-deux nécessaire : le rôle de l’administration et de toutes les
institutions<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn45" name="_ftnref45" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[45]</span></span><!--[endif]--></span></a>
qui, par leur exercice même, ne reflètent pas les données immédiates de la
conscience (« inconsciente ») de la masse mais travaille ce qui,
diffusé dans les strates de la société, à offrir une formulation des
revendications sociétales. Or, le propre de la représentation politique n’est
pas tant dans l’identité gouvernants/gouvernés que dans la définition de ce
qui, à l’état « subconscient » dans la société, peut trouver une
expression et une élaboration plus légitimes, recourant à la représentation nationale
non pas à une classe dirigeante (celle-ci subit les alternances produites par
les élections, d’autant plus vitales que la communication et que le regard de
l’homme de la rue sont devenus des contrepoids incontournables), mais à une
instance de remédiation de la conscience
inconsciente. L’essentiel reste que la vie politique déborde la vie même et
l’expression des seules institutions. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "Times New Roman","serif"; font-size: 12.0pt;">Bien moins
qu’une démocratie plébiscitaire et de suffrage, fort peu une idéalisation de ce
que doit être l’état du monde et l’Etat, et encore moins un programme
prédéfini, une fois pour toute et pour tous, la démocratie est essentiellement
un éthos qui convient à cette vision organiciste de la société humaine. On
remarquera, enfin, que ce n’est pas tant le pouvoir pour lui-même qui détermine
la politisation de la société qu’une modalité de mise en œuvre de la communauté
des individus. Toutefois, on ne peut pas ne pas signaler une sorte
d’idéalisation de ce spontanéisme de la société politique. Il y a chez Durkheim
une sorte de devenir-démocrate évident et immanquable qui ne laisse de
surprendre. D’autant que, sans l’être vraiment dit, mais fortement suggéré,
l’idée de révolution est, selon lui, un pur non-sens. « Nous posons en
principe, écrira-t-il, que tout peut être perpétuellement en question, que tout
peut être examiné, et que pour les résolutions à prendre, <i>nous ne sommes pas liés au passé</i>. En réalité, l’Etat a une bien
plus grande sphère d’influence actuellement qu’autrefois, parce que la sphère
de la conscience claire s’est élargie. […] Voilà un autre trait des sociétés
démocratiques. C’est qu’elles sont plus malléables, plus flexibles et elles
doivent ce privilège à ce que la conscience gouvernementale s’est étendue de
manière à comprendre de plus en plus d’objets. »<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftn46" name="_ftnref46" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 12pt; line-height: 115%;">[46]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Nous n’y lisons pas ici une vertu de la transparence, bien plutôt une tendance
co-constitutive de la démocratie. Être lié au passé, selon l’auteur, c’est
vouloir reproduire et préserver ce qui a toujours été. Telle n’est pas
l’ambition de la démocratie et celle-ci doit sortir de la mythologie, du récit
inaugurateur que fut 1789. En somme, si la Révolution fait date dans les
annales de l’histoire, elle n’est pas le moment de la démocratisation du
social. Habermas ne renierait pas ce développement communicationnel. Mais il ne
souscrirait pas à ce déni de rupture. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 1cm; text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<br />
<div>
<!--[if !supportFootnotes]--><br clear="all" />
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<!--[endif]-->
<br />
<div id="ftn1">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Leçons de sociologie</i>, éd. PUF/ Quadrige,
2003, p.87</div>
</div>
<div id="ftn2">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
pp. 82-83. Je souligne.</div>
</div>
<div id="ftn3">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
pp.120-121.</div>
</div>
<div id="ftn4">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[4]</span></span><!--[endif]--></span></a> Il n’est
pas inutile de rappeler ce que Hannah Arendt, dans <i>Qu’est-ce que la politique ?</i>, qui renvoie, sans le mentionner,
aux considérations durkheimiennes : « La politique repose sur un
fait : la pluralité humaine. […] La politique traite de la communauté et
de la réciprocité d’êtres <i>différents</i>.
Les hommes, dans un chaos absolu ou bien à partir d’un chaos absolu de
différences, s’organisent selon des communautés essentielles et déterminées.
Tant que l’on édifie des corps politiques sur la structure familiale et qu’on
les comprend à l’image de la famille, les degrés de parenté valent comme ce qui
d’un côté peut relier les êtres les plus différents <i>et</i>, d’un autre côté, comme ce par quoi des formations semblables
par les individus peuvent se séparer les unes des autres et les unes par
rapport aux autres.<br />
Dans cette forme d’organisation, la diversité originelle est d’autant plus
efficacement anéantie que l’égalité essentielle de tous les hommes est détruite
dès lors qu’il s’agit de <i>l’</i>homme.
Dans les deux cas, la ruine de la politique résulte du fait que les corps
politiques se développent à partir de la famille. Ici se trouve déjà
sous-entendu ce qui va devenir un symbole dans l’image de la Sainte Famille, à
savoir l’opinion selon laquelle Dieu n’a pas tant créé l’homme qu’il a créé la
famille.<br />
Dans la mesure où l’on reconnaît dans la famille plus que la participation,
j’entends la participation active à la pluralité, on commence par jouer le rôle
de Dieu, c’est-à-dire à faire comme si l’on pouvait <i>naturaliter</i> sortir du principe de la diversité. Au lieu de créer un
homme, on tente de créer <i>l’</i>homme à sa
propre image.<br />
Mais en termes pratico-politiques, cela signifie que la famille acquiert la
signification bien ancrée qui est la sienne uniquement du fait que le monde est
ainsi organisé qu’elle ne fait pas sa place à l’individu, c’est-à-dire à celui
qui est absolument différent. Les familles sont fondées à l’image de refuges,
de solides châteaux forts, dans un monde inhospitalier et étranger dans lequel
dominent les affinités fondées sur la parenté. Ce désir d’affinité conduit à la
perversion principielle du politique parce qu’il supprime la qualité
fondamentale de la pluralité ou plutôt parce qu’il la perd en introduisant le
concept d’alliance.<br />
<i>L’</i>homme, tel que l’entendent la
philosophie et la théologie, n’existe – ou ne se réalisera – dans la politique
que s’il bénéficie des mêmes droits qui sont garantis aux individus les plus
différents. Dans cette garantie librement consentie et dans la satisfaction
d’une même exigence juridique, on reconnaît que la pluralité des hommes –
pluralité qu’ils ne doivent qu’à eux-mêmes – doit son existence à la création
de <i>l’</i>homme. » (pp.40-41)</div>
</div>
<div id="ftn5">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[5]</span></span><!--[endif]--></span></a> Emile
Durkheim, <i>op.citée</i>, pp. 81-82.</div>
</div>
<div id="ftn6">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[6]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
pp.126-127. Je souligne.</div>
</div>
<div id="ftn7">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[7]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
p. 82. Je souligne.</div>
</div>
<div id="ftn8">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 10pt; line-height: 115%;">[8]</span></span><!--[endif]--></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Ibidem, p.83.<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div id="ftn9">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 10pt; line-height: 115%;">[9]</span></span><!--[endif]--></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Ibidem, pp. 108-109. Je
souligne.<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div id="ftn10">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 10pt; line-height: 115%;">[10]</span></span><!--[endif]--></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Jürgen Habermas, « Le rôle
de la société civile et de l’espace public politique », in <i>Droit et démocratie</i>, p.387.<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div id="ftn11">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 10pt; line-height: 115%;">[11]</span></span><!--[endif]--></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Idem.</span></div>
</div>
<div id="ftn12">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref12" name="_ftn12" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 10pt; line-height: 115%;">[12]</span></span><!--[endif]--></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Ibidem, p.394.<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div id="ftn13">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref13" name="_ftn13" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 10pt; line-height: 115%;">[13]</span></span><!--[endif]--></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Ibidem, p. 390. Il rajoutera, juste
après, que « tout comme le pouvoir social, l’influence ne peut être
transformés en pouvoir politique qu’au moyen de procédures
institutionnalisées » (p.390)<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div id="ftn14">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref14" name="_ftn14" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 10pt; line-height: 115%;">[14]</span></span><!--[endif]--></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Emile Durkheim, <i>op.citée</i>, p. 125<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div id="ftn15">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref15" name="_ftn15" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-size: 10pt; line-height: 115%;">[15]</span></span><!--[endif]--></span></span></a><span style="font-family: "Times New Roman","serif";"> Ibidem, p.126</span></div>
</div>
<div id="ftn16">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref16" name="_ftn16" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[16]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
p. 90</div>
</div>
<div id="ftn17">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref17" name="_ftn17" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[17]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ainsi,
« le fait que cette sphère soit basée sur des droits fondamentaux nous
donne une première idée de sa structure sociale. » Habermas, « Le
rôle de la société civile et de l’espace politique public », p. 395</div>
</div>
<div id="ftn18">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref18" name="_ftn18" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[18]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Durkheim, op. citée, p. 101.</div>
</div>
<div id="ftn19">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref19" name="_ftn19" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[19]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Ibidem : « On peut en dresser la liste exhaustive, définitive ;
sans doute des omissions peuvent être commises, mais par elle-même, leur liste
en saurait rien avoir d’indéfini ; elle doit pouvoir être établie d’une
manière complète si l’on procède avec une méthode suffisante. » C’est bien
ce que Habermas s’emploie à établir, quand évoquant la base des droits
fondamentaux de cette sphère publique, il en établit la liste (op. citée, p.
395)</div>
</div>
<div id="ftn20">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref20" name="_ftn20" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[20]</span></span><!--[endif]--></span></a>
L’expression est de Durkheim lui-même.</div>
</div>
<div id="ftn21">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref21" name="_ftn21" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[21]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Durkheim, op.0 citée, pp. 89-90.</div>
</div>
<div id="ftn22">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref22" name="_ftn22" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[22]</span></span><!--[endif]--></span></a> Je
rappelle, dans ce cadre, la définition de la politique que donne Durkheim
étudiée plus haut.</div>
</div>
<div id="ftn23">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref23" name="_ftn23" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[23]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
p. 93.</div>
</div>
<div id="ftn24">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref24" name="_ftn24" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[24]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem.</div>
</div>
<div id="ftn25">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref25" name="_ftn25" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[25]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
pp. 95-96. Je souligne.</div>
</div>
<div id="ftn26">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref26" name="_ftn26" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[26]</span></span><!--[endif]--></span></a>
« Du moment que l’individu a été élevé par la collectivité de cette
manière, il veut naturellement ce qu’elle veut, et accepte sans peine l’état de
sujétion auquel il se trouve réduit. Pour qu’il en ait conscience et y résiste,
il faut que des aspirations individualistes se soient fait jour, et elles ne
peuvent se faire jour dans ces conditions. » p.96</div>
</div>
<div id="ftn27">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref27" name="_ftn27" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[27]</span></span><!--[endif]--></span></a>
« L’individualisme n’est pas une théorie ; il est de l’ordre de la
pratique, non de l’ordre spéculatif » p.95</div>
</div>
<div id="ftn28">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref28" name="_ftn28" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[28]</span></span><!--[endif]--></span></a> Cf
supra, note 5.</div>
</div>
<div id="ftn29">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref29" name="_ftn29" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[29]</span></span><!--[endif]--></span></a>
« Or la formation de groupes secondaires de ce genre est inévitable ;
car dans une vaste société, il y a toujours des intérêts particuliers locaux,
professionnels, qui tendent naturellement à rapprocher les gens qui les
concernent. Il y a là matière à des associations particulières, corporations,
coteries de toutes sortes, et si aucun contrepoids ne neutralise leur action, chacune
d’elles tendra à absorber en elle ses membres. » (p.97)</div>
</div>
<div id="ftn30">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref30" name="_ftn30" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[30]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
p.92.</div>
</div>
<div id="ftn31">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref31" name="_ftn31" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[31]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
p. 93. Il continuera en insistant sur le fait qu’ « il n’est pas plus
possible de transformer à ce point notre atmosphère physique au sein de
laquelle nous respirons. »</div>
</div>
<div id="ftn32">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref32" name="_ftn32" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[32]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
p. 98</div>
</div>
<div id="ftn33">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref33" name="_ftn33" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[33]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
pp. 97-98.</div>
</div>
<div id="ftn34">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref34" name="_ftn34" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[34]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
pp. 98-99.</div>
</div>
<div id="ftn35">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref35" name="_ftn35" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[35]</span></span><!--[endif]--></span></a> Si,
comme nous l’avons souligné, Durkheim renonce à définir la modernité politique
comme essentiellement déterminée par l’institution d’un Droit positif qui
serait le décalque d’un Droit naturel propre à l’homme (à son essence), il ne
renonce pas pour autant à définir la politisation des sociétés humaines par la
conquête, toujours actuelle voire inachevée parce que ouverte, de droits.
« Les droits individuels sont donc en évolution ; ils progressent
sans cesse, et il n’est pas possible de leur assigner un terme qu’ils ne
doivent pas franchir. Ce qui hier ne paraissait n’être qu’une sorte de luxe,
deviendra demain de droit strict. La tâche qui incombe ainsi à l’Etat est donc
illimitée. Il ne s’agit pas simplement pour lui de réaliser un idéal défini,
qui devra être, un jour ou l’autre, atteint et définitivement. » (p. 103)</div>
</div>
<div id="ftn36">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref36" name="_ftn36" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[36]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
p. 125.</div>
</div>
<div id="ftn37">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref37" name="_ftn37" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[37]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
p. 126.</div>
</div>
<div id="ftn38">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref38" name="_ftn38" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[38]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
p. 116.</div>
</div>
<div id="ftn39">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref39" name="_ftn39" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[39]</span></span><!--[endif]--></span></a> Comme
ici, par exemple : il n’y a « rien d’exagéré à dire que notre
individualité morale, loin d’être antagoniste de l’Etat, en était au contraire
un produit. C’est lui qui la libère. Et cette libération progressive ne
consiste pas simplement à tenir à distance des individus les forces contraires
qui tendent à l’absorber, mais à aménager le milieu dans lequel se meut
l’individu pour qu’il puisse s’y développer librement. Le rôle de l’Etat n’ a
rien de négatif. Il tend à assurer l’individualité la plus complète que
permette l’état social. Bien loin qu’il soit le tyran de l’individu, c’est lui
qui rachète l’individu de la société. Mais en même temps que cette fin est
essentiellement positive, elle n’a rien de transcendant pour les consciences
individuelles. Car c’est une fin humaine. » (p. 103)</div>
</div>
<div id="ftn40">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref40" name="_ftn40" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[40]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
p. 121.</div>
</div>
<div id="ftn41">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref41" name="_ftn41" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[41]</span></span><!--[endif]--></span></a>
« Ce n’est donc pas depuis quarante ou cinquante ans que la démocratie
coule à pleins bords ; la montée en est continue depuis le commencement de
l’histoire. » (p. 123</div>
</div>
<div id="ftn42">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref42" name="_ftn42" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[42]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
p. 123.</div>
</div>
<div id="ftn43">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref43" name="_ftn43" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[43]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
pp. 115-116.</div>
</div>
<div id="ftn44">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref44" name="_ftn44" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[44]</span></span><!--[endif]--></span></a>
« C’est que l’Etat a cessé de plus en plus d’être ce qu’il était pour
longtemps, une sorte d’être mystérieux sur lequel le vulgaire n’osait pas lever
les yeux et qu’il ne se représentait même le plus souvent que sous la forme de
symbole religieux.» Ibidem, p.115.</div>
</div>
<div id="ftn45">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref45" name="_ftn45" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[45]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Durkheim parlera, à cet égard, de « sphères spéciales » (p. 114)</div>
</div>
<div id="ftn46">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///G:/Universitaire/recherches%20philo%20master/doctorat/%C3%A9criture%20th%C3%A8se/mouvements%20des%20masses/Les%20cours%20sur%20lEtat%20de%20Durkheim.docx#_ftnref46" name="_ftn46" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[46]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem,
p. 117. Je souligne.</div>
</div>
</div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-1443485292970443132014-03-02T21:28:00.002+01:002014-03-02T21:29:19.100+01:00Sur les mouvements de contestation en démocratie…<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em; text-align: justify;">
<a href="https://3.bp.blogspot.com/-n5KqLn9_Mao/UxOTBVHijSI/AAAAAAAABbQ/iX8nTbjw2Sk/s1600/revolution+hongroise2.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="https://3.bp.blogspot.com/-n5KqLn9_Mao/UxOTBVHijSI/AAAAAAAABbQ/iX8nTbjw2Sk/s1600/revolution+hongroise2.jpg" style="text-align: center;" /></a>« Si variés que sont leurs
modes de formation et leurs mobiles qu’à première vue on croirait qu’elles
n’ont rien qui les unissent. A un bout de la chaîne, on a vu des objecteurs de
conscience qui prétendaient se soustraire à une obligation nationale définie et
revendiquer un statut particulier, ou bien des homosexuels qui ne voulaient que
faire respecter une manière d’être : c’est alors d’être différents sous
quelque rapport qui rassemble; à l’autre bout de la chaîne, on a vu protester
ceux que le sort privait de quelques moyens de subsistance : leur affaire
est en quelque sorte de se retrouver semblables aux autre. A peine ose-t-on
donc parler d’une chaîne, à considérer l’hétérogénéité des registres de la revendication.
Mais en dépit de cette variété, les initiatives des minorités s’apparentent en
ceci qu’elles combinent, d’une manière qui semble paradoxale, l’idée d’une
légitimité et la revendication d’une particularité. Cette conjonction, quel que
soit leur mobile, quelles que soient les circonstances de leur déclenchement,
atteste l’efficacité symbolique de la notion des droits. D’un ordre différent
sont les revendications fondées sur des intérêts : elles se heurtent les
unes aux autres et se règlent en fonction d’un rapport de force. Le pouvoir
s’appuie sur des intérêts, il s’affirme même en exploitant leurs divisions, en
tirant parti des avantages procurés et des préjudices infligés, les uns et les
autres toujours relatifs, pour agrandir le cercle de son autonomie. En
revanche, face à l’exigence ou à la défense d’un droit, il lui faut donner une
raison qui rende raison d’un de ses principes, qui produise les critères du
juste et de l’injuste et non plus seulement du permis et de l’interdit. A
défaut de cette réponse, la loi risque de déchoir au plan de la
contrainte ; et, tandis qu’elle perd sa transcendance, le pouvoir qui
paraît en disposer risque de s’abîmer dans la trivialité. Soulignons-le à
nouveau, le droit qu’on affirme contre les prétentions du pouvoir à décider,
selon ses impératifs, de son accroissement de puissance ne l’attaque pas de
front, il l’atteint obliquement, pour ainsi dire en le contournant, il le
touche au foyer auquel il puise la justification de son propre droit à requérir
adhésion et obéissance de tous.</div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em; text-align: justify;">
<i>Ce qu’il nous faudrait donc penser c’est le sens des conflits qui
supposent le fait du pouvoir et la recherche d’une prise en compte des
différences dans le droit</i>. Ces conflits font toujours davantage la
spécificité des sociétés démocratiques modernes. Ineffaçable est en celle-ci
l’instance du pouvoir et, sans cesse plus étendue, son intervention. Il y
aurait naïveté ou mauvaise foi à imaginer qu’une abolition du pouvoir soit
rendue possible ou seulement la tendance au renforcement de l’appareil d’Etat
renversée à la faveur d’une substitution des détenteurs de l’autorité. On est
tenté de penser au contraire que sous le couvert du socialisme s’accentuerait
la concentration des moyens de production, d’information, de réglementation et
de contrôle des activités sociales, l’emploi de tous les instruments de nature
à faire prévaloir l’unité du peuple. Si le développement de cette tendance peut
être mis en défaut, ce n’est pas depuis le lieu de l’Etat où elle s’engendre.
Dès que ce lieu est pleinement fixé, se dégageant du lieu autre métasocial dont
la religion fournissait autrefois la référence, la virtualité s’est dessinée
d’une objectivation de l’espace social,
d’une détermination entière des relations entre ses éléments. Cette
aventure, au demeurant, n’est pas le résultat d’un coup de force opéré par des
aspirants au despotisme : la délimitation d’un espace proprement social,
sensible comme tel, lisible comme leur espace, constitutif d’une identité
commune, pour les groupes qui l’habitent, en se rapportant les uns aux autres,
sans travestissement surnaturel, va de
pair avec la référence à un pouvoir qui, tout à la fois, en surgit et s’en fait
comme à distance le garant. Aussi bien, devons-nous tout autant reconnaître que
le projet qui hante à présent le pouvoir et qui bénéficie pour s’actualiser de
ressources de la science et de la technique autrefois inconnues et
insoupçonnées, ce projet n’est pas non plus imputable à une catégorie d’hommes
ou quelque instinct de domination. Bien plutôt faut-il constater qu’il mobilise
à son service les énergies et façonne les mentalités de ceux qui sont en
position de l’accomplir. Cependant, cette conclusion ne fait que nous confirmer
dans la conviction que c’est du sein de la société civile, sous le signe de
l’exigence indéfinie d’une reconnaissance mutuelle des libertés, d’une
protection mutuelle de leur exercice, que peut s’affirmer un mouvement
antagoniste de celui qui précipite le pouvoir étatique vers son but.</div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Faisons donc apparaître un second
trait des luttes inspirées par la notion des droits : naissant ou se
développant à partir de foyers divers, parfois à l’occasion de conflits
conjoncturels, <b><i>elles ne tendent pas à fusionner. Quelles que soient leurs affinités et
leurs convergences, elles ne s’ordonnent pas sous l’image d’un agent de
l’histoire, sous celle du Peuple-Un et récusent l’hypothèse de
l’accomplissement d’un droit dans le réel</i></b>. Il faut donc se décider à
abandonner l’idée d’une politique qui comprimerait les aspirations collectives
dans le modèle d’une société autre ou, ce qui revient au même, l’idée d’une
politique qui surplomberait le monde dans lequel nous vivons, pour laisser
tomber sur lui les foudres du jugement dernier. Sans doute se résoudre à cet
abandon paraît-il difficile, tant est profondément enracinée, dans l’esprit de
ceux qui sont convaincus de la duperie du réformisme, la foi en un avenir
libéré des attaches au présent<i>. Mais on
devrait sonder cette foi et se demander si le révolutionnarisme ne nourrit pas
des illusions jumelles de celles du réformisme</i>. Tous deux en effet éludent
par un argument différent la question de la division sociale, telle qu’elle se
pose dans la société moderne, la question de l’origine de l’Etat et de sa
fonction symbolique, de même que celle de la nature de l’opposition
dominant-dominé à l’œuvre dans toute l’étendue et dans toute l’épaisseur du
social. Le réformisme laisse supposer que l’Etat, de son propre mouvement, ou
en conséquence de l’essor des revendications populaires – dans les deux cas
grâce à l’accroissement de la production, des richesses et des lumières –, peut
se faire l’agent du changement social et le promoteur d’un système de plus en
plus égalitaire. Le révolutionnarisme laisse supposer que la conquête de
l’appareil d’Etat par les dominés ou tel parti qui les guide, et l’utilisation
de ses ressources à leur profit, crée les conditions d’une abolition de la
domination. L’un et l’autre paraissent impuissants à concevoir à la fois deux
mouvements pourtant indissociables : celui par lequel la société se
circonscrit, se rassemble, acquiert une identité définie à la faveur d’un
écartement interne qui instaure le pôle du pouvoir comme pôle d’en haut, pôle
quasi séparé de l’ensemble, et celui par lequel depuis ce pôle, sous l’effet de
cette quasi séparation, s’accumulent des moyens en tous genres de domination
(ressources matérielles, connaissance, droits de décision) au service de ceux
qui détiennent l’autorité et cherchent à consolider leur propre position.
Réformiste et révolutionnaristes sont aveugles à la fonction symbolique du
pouvoir et obsédés par l’appropriation de sa fonction de fait, celle d’une
maîtrise du fonctionnement de l’organisation sociale. Et cet aveuglement, et
cette obsession ont non seulement les mêmes causes, mais les mêmes effets :
les luttes qui se développent à partir des divers foyers de la société civile
ne sont appréciées qu’en fonction des chances qu’elles offrent, à court ou à
long terme, de modifier ou de bouleverser les rapports de force entre les
groupes politiques et l’organisation de l’Etat. <b><i>Or ce sont ces luttes,
pensons-nous, qu’il s’agit de libérer de l’hypothèque que font peser sur elles
les partis qui ont vocation au pouvoir, en mettant en évidence l’idée d’une transformation
de la société par des mouvements attachés à leur autonomie.<o:p></o:p></i></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Autonomie, voilà certes un grand
mot lâché et qu’il convient de justement pesé pour ne pas céder à des fictions
qui à présent désarment, plus qu’elles ne mobilisent les énergies. D’autonomie,
il ne saurait être que relative, disons-le aussitôt. Mais reconnaissons qu’il
est également vain de vouloir fixer ou de vouloir effacer sa limite dans la
réalité empirique. Ces deux tentations s’observent dans le débat sur
l’autogestion, concept qui n’a pas la même valeur que celui d’autonomie, mais
bénéficie d’une faveur significative dans une société dominée par le fait de la
production, et davantage encore par celui de l’organisation. Ou bien l’on
dénonce comme inconsistante l’idée d’une société tout entière régie par le
principe d’autogestion, ou bien l’on ne craint pas d’imputer à un désir de
conservation des vieilles structures de domination toutes les résistances ou
les critiques qu’elle suscite. <i>Or les
arguments qui s’échangent sont faits pour dissimuler la question du politique</i>.
Ceux qu’on invoque au nom du réalisme sont bien connus ; inutile de les
développer… Les impératifs de la production et plus largement de l’organisation
moderne rendraient inviables la participation de tous aux responsabilités
publiques ; ils imposeraient un schéma de division du travail qui
renforcerait les hiérarchies fondées sur la compétence et placerait celle-ci
davantage au fondement de l’autorité ; en outre, la dimension de nos
sociétés, la complexité des tâches que requiert la mobilisation des ressources
pour des objectifs d’intérêt général, la coordination des secteurs d’activité,
la satisfaction des besoins sociaux en tous genres, la protection de l’ordre
public et la défense nationale ne pourraient s ‘accommoder que d’un processus
de centralisation des décisions, au mieux, combiné avec la multiplication
d’organes représentatifs, rigoureusement distincts de la masse instable de
leurs mandants ; en regard de ces nécessités, l’idéal d’autogestion
s’effectuant dans les frontières de multiples cellules sociales serait
chimérique. De tels arguments ne sont ni faibles ni toujours hypocrites, comme
on le dit parfois légèrement. Ils procèdent simplement d’une lecture de la
structure sociale telle qu’elle est advenue et l’appréhendent comme naturelle.
Ce faisant, ils confondent des notions qui devraient être distinguées, si l’on
s’évadait des horizons de notre vie sociale. Ils confondent notamment
l’exercice du pouvoir avec celui de la compétence. Que celle-ci confère une
autorité, nous ne voyons pas quelle expérience on puisse invoquer qui y
contredise ; mais que celle-ci secrète du pouvoir, on ne peut l’affirmer
que pour une société où s’est dégagée une instance générale de pouvoir et où
celle-ci se voyant assignée et s’arrogeant une position de connaissance et de
maîtrise de l’ensemble social, la possibilité d’offre d’identifications en
chaîne des individus détenant compétence et autorité avec le pouvoir
(entendons : son point de vue). Cette objection n’est pas purement
formelle ; elle permet de découvrir ce qui reste le plus souvent dissimulé
par l’argument réaliste, à savoir qu’il y a une différence entre l’exercice de
la compétence et celui du pouvoir. C’est l’image du pouvoir qui mobilise celle
de la compétence et cela certes, au fur et à mesure que les développements
techniques et scientifiques accroissent l’importance de cette dernière. Comment
dirait-on, par exemple, que dans la réalité, les hommes qui disposent d’une
formation technique ou scientifique ou dans quelque domaine que ce soit d’un
capital de connaissances les distinguant du grand nombre, bénéficient à leur
échelle d’une liberté et de moyens de décisions qui les insèrent dans le
système du pouvoir politique ? L’enfouissement de la plupart d’entre eux
dans les ténèbres des Organisation est bien plutôt remarquable. Ce qui est
seulement vrai, mais tout différent, c’est que la compétence (réelle ou
simulée) fournit le critère d’une hiérarchie des rémunérations que celle-ci
constitue un solide appui à la conservation de la structure socio-politique. Mais, précisément, il convient d’observer que
l’aménagement de cette hiérarchie ne se déduit pas du principe de distinction
des compétences, qu’il procède d’une interprétation au sens le plus large
politique. La même sujétion aux conditions de l’ordre établi interdit enfin
d’imaginer une société dont la marche ne soit pas commandée par un appareil
d’Etat ultra-centralisé ; elle fait oublier, dans une large mesure, que
les causes sont ici des effets, que les choix des technologies, des ressources
énergétiques, des productions privilégiées, des systèmes d’information, des
modes de transport, des modes d’implantation des industries, des programmes
d’urbanisme, etc., précipitent le processus social de massification et celui de
la concentration du pouvoir. Du même coup, la critique de l‘idéal d’autogestion
induit à méconnaître toutes les possibilités d’initiatives collectives que
recèlent des espaces gouvernables par ceux qui les peuplent, les possibilités
de nouveaux modèles de représentativité, comme les possibilités de nouveaux
circuits d’information qui changeraient les termes de la participation aux
décisions publiques.</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://2.bp.blogspot.com/-JY5aCWO2dyA/UxOTBfdSyQI/AAAAAAAABbg/efVLSSDOQF0/s1600/Claude+Lefort.JPG" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="http://2.bp.blogspot.com/-JY5aCWO2dyA/UxOTBfdSyQI/AAAAAAAABbg/efVLSSDOQF0/s1600/Claude+Lefort.JPG" height="222" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<a href="http://3.bp.blogspot.com/-Tcf5vlQaqTQ/UxOTBKBgwBI/AAAAAAAABbM/VNJRUJRGkB8/s1600/revolution+hongroise1.jpg" imageanchor="1" style="clear: right; float: right; margin-bottom: 1em; margin-left: 1em;"><img border="0" src="http://3.bp.blogspot.com/-Tcf5vlQaqTQ/UxOTBKBgwBI/AAAAAAAABbM/VNJRUJRGkB8/s1600/revolution+hongroise1.jpg" /></a>Reste qu’on est surpris, à
l’inverse, de voir l’indigence de la pensée autogestionnaire, dès lors qu’elle
prétend inscrire ses objectifs dans le réel. L’argument de l’adversaire se
trouvant retourné, la limite de l’autonomie s’évanouit. Tout se passe come si
l’idée d’être ensemble, produire ensemble, décider et obéir ensemble,
communiquer pleinement, satisfaire aux mêmes besoins, à la fois ici et là et partout
simultanément, devenait possible, sitôt levée l’aliénation qui rive le dominé
au dominant ; tout se passe comme si seules une volonté maléfique et une
servitude complice avaient depuis des siècles ou des millénaires dérobé aux
peuples cette vérité toute simple qu’ils étaient les auteurs de leurs
institutions et, plus encore, de leur choix de société. Dès lors, plus de souci d’affronter les
problèmes posés dans les frontières de l’histoire que nous vivons.
Paradoxalement, l’idée que nul système établi ne soit susceptible d’être remis
en question s’abîme dans ces affirmations : qu’il n’y a point d’autre
pesanteur du passé que des pesanteurs de fait, que l’humanité s’est toujours
trouvée, comme elle se trouve à présent, devant un possible radical – manière
de dire qu’il n’y a pas d’histoire. Plus de souci non plus, de s’interroger sur
l’égalité et l’inégalité : l’idée juste que cette dernière ne s’exprime
dans le réel qu’au prix d’une élaboration sociale et politique s’abîme dans
cette affirmation : qu’elle n’est qu’un leurre au service du projet de
domination.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il n’y aurait pas de mystère de
l’obéissance au pouvoir, tel qu’il se condense dans des institutions
matérielles, tel qu’il se trouve figuré par des hommes, simplement aimables ou
haïssables, si la <i><u>hauteur</u></i><u> </u>n’était
qu’un leurre ; s’il ne témoignait pas d’un mouvement général d’élévation
en même temps que d’un mouvement général d’abaissement ; s’il ne captait
pas quelque chose de l’institution du social en même temps qu’il se repliait
sur lui-même, en répondant, par un accroissement de sa force, par un
appesantissement redoublé de sa masse, à la nécessité d’une destitution du
social. Il n’y aurait pas, notamment, cet étonnant retournement de la liberté
en servitude, pas d’énigme de la servitude volontaire – selon l’expression si
forte de La Boétie –, d’une servitude qui soit contraire au désir de liberté
sans y être étrangère, si le signe de ce qui tombe d’en haut n’entretenait pas
quelque rapport avec une aspiration.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Penser ainsi la limite de
l’autonomie, ce n’est pas résumer la question du politique dans les termes du
rapport général de la société avec le pouvoir. Nous ne substituons pas à l’idée
d’un pouvoir maléfique ou à celle d’un pouvoir bénéfique l’idée d’un pouvoir
ambigu. Nous cherchons à faire entrevoir une dimension de l’espace social le
plus souvent masquée. Or pourquoi l’est-elle, sinon, paradoxalement, par
l’effet d’un fantastique attrait pour l’Un et d’une tentation irrésistible à le
précipiter dans le réel. Qui rêve d’une abolition du pouvoir garde en sous-main
la référence de l’Un et la référence du Même : il imagine une société qui
s’accorderait spontanément avec elle-même, une multiplicité d’entreprises qui
seraient transparentes les unes aux autres, se développeraient dans un temps et
un espace homogène ; une manière de produire, d’habiter, de communiquer,
de s’associer, de penser, de sentir, d’enseigner, qui traduirait comme une
seule manière d’être. Or qu’est-ce que ce point de vue sur tout et sur tous,
cette amoureuse étreinte de la bonne société, sinon un équivalent du fantasme
de toute puissance qui tend à produire l’exercice de fait du pouvoir ? Qu’est-ce
que le royaume imaginaire de l’autonomie, sinon un royaume gouverné par une
pensée despotique ? Voilà ce qu’il conviendrait de méditer. Ce qui n’empêche
pas de juger que les sages réformateurs, prédisant l’avènement d’un pouvoir
rationnel qui sache enfermer les expériences d’autonomie dans de justes bornes,
combiner, comme on l’entend dire, l’autorité du plan avec les vertus de l’autogestion,
ceux-là ont décidé de mesurer la valeur des initiatives collectives au critère
de leur conformité avec les décisions de l’Etat ; ils ne veulent laisser
aux locataires de l’édifice socialiste que la liberté de s’entendre pour obéir
aux prescriptions de pouvoir propriétaire.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i>Se défaire du révolutionnarisme n’est pas rejoindre le réformisme ;
nous disons seulement que rien ne sert d’ignorer l’attrait pour l’Un, rien ne
sert de dénier la distinction du Bas et du Haut ; qu’il vaut mieux s’acharner
à résister à l’illusion d’un pouvoir qui coïnciderait réellement avec la
position qui lui est figurée et qu’il tente d’occuper, comme à l’illusion d’une
unité qui se ferait sensible, réelle et dissoudrait en elle les différences</i>.
Double illusion, sitôt que l’on confond le symbolique et le réel, et dont la
conséquence est d’occulter d’une manière ou d’une autre la pluralité, la
fragmentation, l’hétérogénéité des processus de socialisation, et tout autant
le cheminement transversal des pratiques et des représentations, la
reconnaissance mutuelle des droits. Ce qui défie l’imagination réaliste c’est
que la société s’ordonne en quête de son unité, qu’elle témoigne d’une identité
commune latente, qu’elle se rapporte à elle-même par la médiation d’un pouvoir
qui l’excède et que, simultanément, il y ait des formes de sociabilité
multiples, non déterminables, non totalisables. Ne nous en étonnons pas :
l’imagination à laquelle on rend à notre époque de brillants hommages est
impuissante à nous faire affronter la contradiction, entendons, la vraie
contradiction, celle qui résiste obstinément à sa solution, parce qu’elle est l’indice
de l’interrogation qui habite l’institution du social. Et remarquons au passage
qu’il lui faut toujours trahir la marque de ce qu’elle refoule :
imagination de l’Un, elle véhicule secrètement la représentation du pouvoir (l’Autre
par qui l’Un se nomme), signe de la division sociale ; imagination du
libre jaillissement et du libre épanouissement des énergies collectives, elle
véhicule secrètement la représentation du Même, signe de la non-division. En fin
de compte, ce qui se dérobe à l’imagination, quoiqu’elle trouve là des
ressources inconnues, c’est la démocratie. Avec son avènement s’érigent, pour
la première fois, ou dans une lumière toute nouvelle, l’Etat, la Société, le
Peuple, la Nation. Et l’on voudrait en chacune de ses formes concevoir
pleinement le singulier, le défendre contre la menace de la division, rejeter
tout ce qui le met en défaut comme symptôme de décomposition et de destruction,
et, puisque l’ouvrage de la division paraît se déchaîner dans la démocratie, on
voudrait soit la juguler, soit se débarrasser d’elle. Mais, Etat, Société,
Peuple, Nation sont dans la démocratie des entités indéfinissables. Elles portent
l’empreinte d’une idée de l’Homme qui mine leur affirmation, idée apparemment
dérisoire en regard des antagonismes qui déchirent le monde, mais en l’absence
de laquelle la démocratie disparaîtrait ; et elles demeurent dans une
perpétuelle dépendance de l’expression des droits rebelles à la raison d’Etat
et à l’intérêt sacralisé de la Société, du Peuple et de la Nation. Qu’on ne
croie donc pas que le désir de la révolution, comme avènement du communisme, le
désir d’une bonne société nous fasse rompre l’attache avec les figures
imaginaires qui hantent la démocratie ; il les modifie, mais il renforce
fantastiquement la croyance dont elles se nourrissent ; il sert le culte
de l’unité, le culte d’une identité enfin trouvée dans le singulier, et ce n’est
aps par accident, mais suivant sa logique, qu’il abolit la pensée du droit<b><i>. Il faut
bien plutôt consentir à penser et agir dans les horizons d’un monde où s’offre
la possibilité d’une déprise de l’attrait du Pouvoir et de l’UN, où la critique
continuée de l’illusion et l’invention politique se font à l’épreuve d’une
indétermination du social et de l’historique.</i></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<a href="http://3.bp.blogspot.com/-n5KqLn9_Mao/UxOTBVHijSI/AAAAAAAABbQ/iX8nTbjw2Sk/s1600/revolution+hongroise2.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="http://3.bp.blogspot.com/-n5KqLn9_Mao/UxOTBVHijSI/AAAAAAAABbQ/iX8nTbjw2Sk/s1600/revolution+hongroise2.jpg" /></a>Politique des droits de l’homme,
politique démocratique, deux manières de répondre à la même exigence :
exploiter les ressources de liberté et de créativité auxquelles puise une
expérience qui accueille les effets de la division ; résister à la
tentation d’échanger le présent contre l’avenir ; faire l’effort au
contraire de lire dans le présent les lignes de chance qui s’indiquent avec les
défense des droits acquis et la revendication des droits nouveaux, en apprenant
à les distinguer de ce qui n’est que satisfaction de l’intérêt. Et qui dirait
qu’une telle politique manque d’audace, qu’il tourne les yeux vers les Soviétiques,
les Polonais, les Hongrois ou les Tchèques ou vers les Chinois en révolte
contre le totalitarisme : c’est eux qui nous enseignent à déchiffrer le
sens de la pratique politique. »</div>
<br />
<div align="right" class="MsoNormal" style="text-align: right;">
Claude Lefort,<br />
« Droits de l’Homme et politique », mai 1979,<br />
<i>L’invention démocratique,<br />
</i>édition Fayard, 1984, pp. 74-83</div>
<br />
<br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
</div>
<!-- Blogger automated replacement: "https://images-blogger-opensocial.googleusercontent.com/gadgets/proxy?url=http%3A%2F%2F3.bp.blogspot.com%2F-n5KqLn9_Mao%2FUxOTBVHijSI%2FAAAAAAAABbQ%2FiX8nTbjw2Sk%2Fs1600%2Frevolution%2Bhongroise2.jpg&container=blogger&gadget=a&rewriteMime=image%2F*" with "https://3.bp.blogspot.com/-n5KqLn9_Mao/UxOTBVHijSI/AAAAAAAABbQ/iX8nTbjw2Sk/s1600/revolution+hongroise2.jpg" --><!-- Blogger automated replacement: "https://3.bp.blogspot.com/-n5KqLn9_Mao/UxOTBVHijSI/AAAAAAAABbQ/iX8nTbjw2Sk/s1600/revolution+hongroise2.jpg" with "https://3.bp.blogspot.com/-n5KqLn9_Mao/UxOTBVHijSI/AAAAAAAABbQ/iX8nTbjw2Sk/s1600/revolution+hongroise2.jpg" -->pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-21261893914971262122014-02-02T19:20:00.000+01:002014-02-02T19:20:31.431+01:00Disputes et hautes voix : le « bacanal » et les conflits ouvriers.<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Pas de ville, de village ;
de chemin, de cabaret ou de bord de rivière sans disputes ni rixes. Pas de vie,
dira-t-on, sans batailles ni bagarres, injures, hautes sonorités de voix hors
d’elles : dans cette société orale, poreuse, constamment obligée à la promiscuité,
sans recours à l’intimité, la voix fuse et la dispute monte, cela fait partie
de l’ordinaire. Ce n’est pas un mode de vie, comme pourraient le dire les
anthropologues, c’est une <i>nécessaire</i>
manière d’ »être au monde », non choisie, mais présente, signifiant
des modes de relations vécus en général face à l’espace public, au
quartier et à la foule, pour au moins cette raison que le public, le quartier
et la foule sont <i>« les
demeures »</i> obligées de chacun et chacune.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
D’une extrême fréquence, la dispute
jaillit dans l’ensemble des espaces domestique et privé, elle convoque chacun,
surgit à tout propos. Elle organise autant qu’elle désorganise l’ensemble des
relations sociales. Vive, souvent violente, voire outrancière, elle met en jeu
les corps de façon grave puisque, le plus souvent, aux mots prononcés
s’ajoutent les coups et les violences physiques. Langages et corps agressifs
fabriquent la dispute : mots bas et tons hauts se disputent le pavé,
l’immeuble, le marché, le cabaret et les carrefours. Très bruyants, fabriquant
un fond sonore étonnant de hautes tonalités et de respirations fuyantes ou
démesurées, la dispute a pour elle de posséder en propre le <i>verbe</i> (le verbe haut, dit-on). La parole
y est énoncée de façon colérique, persiflante. A ce moment, elle est reine et
occupe l’espace. Les gestes viennent ensuite : la véhémence des tonales
est une des dimensions de la dispute, celle qui, autant que la parole, fait
sortir de ses gonds la personne qui en est la cible et qui, très rapidement,
peut en devenir la victime.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Annonce de soi, volonté de se
représenter et de se défendre face à l’autre, celle ou celui qui initie la
dispute tient à faire reconnaître ses droits, prend autrui, sous le coup de la
colère, en otage de ses humeurs, persuadé du bien-fondé de ses clameurs et de
ses tonitruantes prises de parole. Tumultueuse, la dispute l’est, convoquant
les infinies dysharmonies de la rage, de la haine ou du mépris, à moins qu’il
ne s’agisse en fait des trous sentiments mêlés. Il arrive aussi que les paroles
soient vociférées contre le joug des autorités, et cela quelles qu’elles
fussent. Chacun sait que crier, vitupérer contre le roi sont par exemple des
éléments bien plus graves que maltraiter une inconnue « fille de
soldats ». Chacun ou presque sait très bien mesurer ses haussements de
voix car derrière les échelles de son se décodent les formes usitées des
relations à autrui. La dispute contre femme ne ressemble pas à celle du mari
contre son épouse, de la revendeuse contre la boutiquière, du voisin contre le
locataire, etc. Les notes musicales sont autant disgracieuses et singulières
symphonies que les gorges savent émettre en glapissements.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<a href="http://1.bp.blogspot.com/-apnPEgHtrLY/Uu6KlxcvrsI/AAAAAAAABaw/2RugUNvPAS8/s1600/800px-ChartistRiot.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="http://1.bp.blogspot.com/-apnPEgHtrLY/Uu6KlxcvrsI/AAAAAAAABaw/2RugUNvPAS8/s1600/800px-ChartistRiot.jpg" height="198" width="320" /></a>Bien souvent, la cause de la
dispute n’est pas d’une considérable importance, mais ce n’est pas l’essentiel.
Qu’on se querelle pour des motifs amoureux ou pour des bruits nocturnes mal
venus et des tapages exagérés, les voix s’enflent. Lorsqu’il s’agit de rixes ou
de batailles en pleine rue, de disputes sur les marchés, la voix haute se fait
persiflante afin que ceux qui y assistent soient prompts à prendre parti le
plus vite possible. S’il s’agit de disputes conjugales ou familiales, le ton
haineux et terriblement connoté sexuellement semble de mise. Les amants en
dispute éructent et se frappent de leurs voix (comme avec leurs corps) avec une
violence verbale et gestuelle qui fait d’autant plus peur qu’il s’agit de
l’intime. La voix est stratégie : chacun ou presque sait la moduler
personnellement en raison de la cause défendue. A chaque fois, elle fait
impression.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Telles de rapides, fréquentes et
saccadées avalanches, les disputes sont quotidiennes à Paris. Il s’agit d’un
fleuve intarissable où les cris et les mots sont jetés à la face d’autrui, d’un
fleuve qui déborde sans crier gare et rassemble la population avec une immense
rapidité. Même fréquente et coutumière, la dispute est évidemment plus qu’une
dispute, mais la marque d’un enjeu social et politique. Personne n’y est
indifférent car c’est peut-être aussi un mode d’être : chacun s’en mêle et
y prend part, car chacun, quelques heures après l’incident, peut se trouver en
être la cible ou la partie prenante. Il n’est donc pas étonnant, dès lors,
que les archives des commissaires de police parisiens<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Disputes%20et%20hautes%20voix.docx#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a>
soient emplies de plaintes et d’assignations à comparaître qui mobilisent la
plupart de leur énergie et de leurs préoccupations.</div>
<div class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;">
Soyons claire : il ne fait pas déduire
du nombre important des plaintes pour disputes, des interrogatoires et des
témoignages une véritable écoute des harmoniques de la voix en ces moments de
colère. Face à un greffier qui, forcément, résume un peu ou écrit selon le
langage qui lui a été plus moins transmis, les témoins, plaignants, accusés
prennent appui sur des paroles ensuite transcrites, mais dont la sonorité n’est
pas toujours indiquée. L’historien se trouve alors face à des mots écrits et,
grâce à une lecture minutieuse de ces milliers de procès-verbaux, il lui est
nécessaire, à force de rigueur d’interprétation, de retrouver par-delà les mots
certains sons et d’en extirper d’évidentes harmoniques. En cas de disputes, les
voix sont plus que jamais perçantes, fuyantes, pas toujours énoncées sur un
mode rationnel, souvent exagérées ou « égosillées », volontairement
ou involontairement persiflantes, ne serait-ce que parce qu’elles désirent
faire mal à autrui. A l’historien de devenir l’indiciaire des tons, ce en quoi
il est aidé par les indications sur les postures corporelles et laryngiques
parfois mentionnées, qui permettent de restituer les tonales. A noter qu’il
arrive d’avoir quelques indications précieuses de la part du greffier : il
note en marge du procès verbal qu’à tel ou tel endroit, il a choisi de
reproduire « dans la plus grande fidélité » les phrases exprimées, ce
qui laisse évidemment sous-entendre qu’il ne le fait pas constamment…<o:p></o:p></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://4.bp.blogspot.com/-E1u_sTv_fFY/Uu6LMnPdUeI/AAAAAAAABa4/W-ifzvelTDY/s1600/contestation.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" src="http://4.bp.blogspot.com/-E1u_sTv_fFY/Uu6LMnPdUeI/AAAAAAAABa4/W-ifzvelTDY/s1600/contestation.jpg" height="320" width="269" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;">
Sur les voix de la dispute, les témoins
apportent de nombreuses indications ; on entend alors les temps et les
sentiments de chacun. En ces lieux se haussent et se clament les haines, les
douleurs, les jalousies et les passions mortifères, et aussi les résistances
violemment émises pour ne plus souffrir davantage. Ce sont les voix de l’énergie,
du désamour, du défoulement des passions. En ces moments, tout semble oublié
des civilités obligées pour prendre le chemin litigieux des haines brutes ou
des sentiments d’injustice trop longtemps refoulés. Musiques plurielles, les
voix empruntent les notes abruptes et sifflantes des rapports familiaux,
sociaux et politiques manqués.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;">
C’est ce qu’on appelle d’une expression
elle-même sonore : « faire bacanal ». Bacanal veut dire tapage
tumultueux et révolté, accompagné de cris, hurlements et vindictes dits sur des
tons haussés de colère ou d’ironie. « Faire bacanal » fait peur à
tous et à toutes : aux simples individus
comme aux autorités, car tout le monde sait que cette transgression des
actes, des comportements donc des voix est déjà une révolte.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;">
En travaillant exhaustivement sur les
archives pour plaintes du commissaire Hugues en place de 1757 à 1778 dans le
quartier des Halles, on peut s’apercevoir de temps particuliers où la hargne
entre garçons, compagnons, ouvriers, maîtres et jurés des communautés de
métiers ont mis les rues de Paris dans un registre tonitruant. Ces archives,
extrêmement bien tenues, sont très précieuses pour comprendre ce que fut le
climat social, politique et conflictuel des années 1763 à 1765, où l’ensemble
de la population travailleuse se porta en insoumission contre non seulement des
maîtres trop sévères, mais aussi des jurés de la communauté considérés comme
offensants. Le « bacanal » est quotidien et, devant le commissaire,
les procès-verbaux « racontent » les rues de Paris emplies de
hurlements, de colères ironiques très spécifiques qui toutes possèdent un enjeu
politique. La voix n’est pas qu’une émanation de la gorge et du larynx, elle
est l’arme dont disposent les sujets du roi pour s’opposer aux autorités, faire
barrage aux injonctions qui paraissent les plus insupportables. Mélodie de
l’âme et de l’esprit, puissance sonore venue de chaque être, la voix se fait
signal. Elle emprunte les ressorts qui lui sont les plus intimes pour résister,
être présent face à ce qui survient. La voix est outil d’importance beaucoup
plus qu’aujourd’hui où elle ne s’entend en général que collectivement à travers
les manifestations. Ici, les voix sont des prises de position et d’insertion
brutale dans un monde désapprouvé.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;">
1763-1765, pour exemple : ce sont trois
années difficiles. Les compagnons, dans beaucoup de professions, se révoltent
notamment chez les cordonniers et les ouvriers des académies de peintres. Et le
brouhaha urbain se fait quotidien. Des grèves, des cabales, des révoltes et des
insoumissions ponctuent gravement ces années. En tout cas, les manifestations
sonores et verbales sont intéressantes à relever. En 1760, le 21 janvier, un
ouvrier boutonnier ne cesse de « hausser le ton » contre son maître.
Las de ses imprécations, il déclare que « pour parvenir enfin à maltraiter
son maître, il part s’engager dans les gardes françaises et cela pour avoir le
droit de porter l’épée ». Sous-entendu : en portant l’épée, il pourra
sans problème provoquer son maître. […]<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;">
Fulminer, se révolter, crier sont choses
graves, mais il semble bien que quelque chose d’insupportable aux yeux des
maîtres-jurés réside en ce que les compagnons et garçons empruntent des « tons
ironiques », ressentis comme autant de flèches acérées, d’atteintes graves
à leur fonction et à leur mode d’exister. […]<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;">
La raillerie, la moquerie sont des attitudes
verbales mal acceptées. Elles remettent en cause l’ordre du monde du travail,
des jurandes et des communautés de métiers, ce qui est peu tolérable. Ces haussements
de voix railleurs font impression, surtout s’ils sont issus de mouvements de
fronde peu ou prou organisés. De plus, recevoir une injure quelle que soit la
situation, signifie entrer de force dans un espace de « vulnérabilité linguistique »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Disputes%20et%20hautes%20voix.docx#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Bembo; mso-bidi-language: AR-SA; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a>, se
sentir désorienté, être mis hors de son territoire, poussé dehors en somme. L’injurié
perd sa place traditionnelle. Pour le pauvre et le précaire, l’injure est plus
qu’une blessure, elle atteint, en dévalorisant encore plus, un statut et une
voix que déjà il possède si peu. Etre « mal parlé » par autrui fait
avancer vers le néant. L’injure peut aussi être, de la part du locuteur, un
mode de résistance à la domination : les jurés injuriés par les compagnons
relèvent de cette problématique.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: justify;">
Ces voix « sans respect »
inquiètent davantage que celles issues des conflits familiaux ou de disputes
sur les marchés. Dans les clameurs multiples et incessantes qu’offre la rue se
repèrent vite des grondements de voix plus dangereux que les autres, plus
décidés et plus révélateurs de graves malaises sociaux. L’oreille populaire est
fine, et toute clameur ouvrière attire beaucoup plus de monde que la banale
dispute qui rythme sans faille les heures du jour et de la nuit. »<o:p></o:p></div>
<div align="right" class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: right;">
<span style="font-size: 10.0pt; mso-bidi-font-family: Bembo;">Arlette Farge, <o:p></o:p></span></div>
<div align="right" class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: right;">
<i><span style="font-size: 10.0pt; mso-bidi-font-family: Bembo;">Essai pour une histoire des voix au dix-huitième
siècle</span></i><span style="font-size: 10.0pt; mso-bidi-font-family: Bembo;">,<o:p></o:p></span></div>
<div align="right" class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: right;">
<span style="font-size: 10.0pt; mso-bidi-font-family: Bembo;">pp.104-113, <o:p></o:p></span></div>
<div align="right" class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: right;">
<span style="font-size: 10.0pt; mso-bidi-font-family: Bembo;">éd. Bayard,<o:p></o:p></span></div>
<div align="right" class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt; text-align: right;">
<span style="font-size: 10.0pt; mso-bidi-font-family: Bembo;">2009<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt;">
Faire bacanal ou encore comment défier les codes communicationnels
établis et être plus que la caisse de résonnance des problèmes sociaux. Faire
bacanal ou geste politique de destitution.<o:p></o:p></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-bottom: 0.0001pt;">
<br /></div>
<br />
<div>
<!--[if !supportFootnotes]--><br clear="all" />
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="ftn1">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Disputes%20et%20hautes%20voix.docx#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a> Il y a
48 commissaires de police à Paris. Les plaintes déposées devant eux sont
conservées aux Archives nationales et représentent un nombre impressionnant de
liasses. Classées par commissaire puis à l’intérieur par ordre chronologique,
elles forment une somme de manuscrits qui se comptent en kilomètres.</div>
</div>
<div id="ftn2">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/Disputes%20et%20hautes%20voix.docx#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a> Judith
Butler<i>, Le pouvoir de mots. Politique du
performatif</i>, pp.24-25</div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<br /></div>
</div>
</div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-27941662184096414542013-09-18T22:38:00.002+02:002013-09-18T22:38:37.602+02:00La lucidité, roman de José Saramago<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://2.bp.blogspot.com/-2ZQxui46hus/UjoPGonvKhI/AAAAAAAABaE/X_pe8nGdGYA/s1600/La-lucidite.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="http://2.bp.blogspot.com/-2ZQxui46hus/UjoPGonvKhI/AAAAAAAABaE/X_pe8nGdGYA/s320/La-lucidite.jpg" width="190" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
C’est en 2006 que paraît, en
France, ce savoureux (il faut apprécier toutes les digressions sarcastiques du
narrateur) et génial petit roman de José
Saramago, Prix Nobel de littérature, <i>La
Lucidité</i>. Communiste, altermondialiste, il se lance ici dans une fable
politico-policière. Aux élections municipales, 83% des électeurs de la capitale
ont voté blanc. Branle-bas de combat au gouvernement : c’est une injure
faite à la démocratie. Tous les moyens sont bons pour y répondre et déjouer les
forces subversives et malfaisantes : abandon de la capitale par les
membres du gouvernement et leurs administrations ; attentat à la bombe,
ourdi par le ministre de l’intérieur qui veut faire porter la responsabilité des morts à ces
rebelles qui insultent la démocratie ; tentative d’infiltration du
groupuscule « anarchiste »
soupçonné et, faute de preuve, accusé d’être à l’origine de cette sinistre
provocation ; assassinat de sa responsable, parce qu’en la matière, il
faut bien des coupables et ça ne peut pas être ceux qui nous gouvernent et nous
dirigent. La lucidité, ce sera celle du commissaire envoyé par le ministre pour
réunir les éléments (il n’y en aura pas !) de la culpabilité des innocents
suspectés, qui démissionnera de sa fonction avant que les forces armées ne
donnent l’assaut au repère des « terroristes » de la démocratie. Ce
sera aussi celle du peuple de la capitale qui, au bout du compte, alors même
que les institutions gouvernementales ont déserté le terrain, battant
minablement en retraite, s’organise et parvient à bien vivre ensemble. En tout
cas, ce ne sera pas celle du gouvernement et pouvoir en place qui, se dévouant
à la cause commune ne cherche pas à comprendre (imaginez les apparitions, sur
les écrans télévisés, d’un premier ministre ou président de la république – par
respect pour Saramago, ces personnages, du haut de leur fonction, n’ont pas de
majuscules – grondant ce peuple inculte et immature qui se laisse aller à la
plus vile subversion qu’est le vote blanc). </div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Allégorie sur la comédie du
pouvoir, elle dit bien un peu comment fonctionnent nos institutions :
dialoguez, discutez, opposez-vous aussi et contestez telle ou telle décision
(d’un air poli, on consentira à vous laisser la parole, mais une fois la chose
dite, on n’en tiendra peu compte, pas plus que les arguments développés), mais
Nous qui sommes en responsabilité, nous savons ce qui est bon pour vous, pour
l’ensemble de la communauté. Et ce que nous montre le peuple de la capitale, c’est
qu’il faut sacrément manquer de lucidité pour les croire, Eux, si lucides. En
tout cas, face à un système qui ne reconnaît pas le rejet, il y a autant de
clairvoyance dans le personnage du commissaire qui s’oppose à son supérieur
hiérarchique que dans ce peuple silencieux. </div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-69159215781019721892013-07-28T21:42:00.001+02:002013-07-28T21:42:43.032+02:00"La contre-démocratie" de Pierre Rosanvallon<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Si l’ambition de Pierre Rosanvalon est bien de rendre compte
des raisons et éléments qui alimentent la défiance envers le politique (qui, en
l’occurrence, renvoie ici aux institutions mêmes qui formalisent l’activité
politique) , son concept de « contre-démocratie » est à la fois un
diagnostic porté sur les sociétés démocratiques occidentales
(électoralo-représentatives) et la crise qu’elles traversent et un jugement et
une critique de l’impolitique qu’il soupçonne à travers cette contre-démocratie.
</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Diagnostic : c’est celui de la défiance actuelle et généralisée
envers le système électoral et de représentation. Le « ils ne nous
représentent pas ! » scandé à la fois comme un détournement par les
représentants et les institutions de la souveraineté populaire qui s’exerce épisodiquement,
au moment des élections, un détournement du pouvoir qu’une élite s’accapare et
un manifeste réactualisé de la promesse démocratique non tenue mais toujours
vivifiée par le procès de l’institution démocratique. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Pour appuyer ce diagnostic, Rosanvallon part du constat que
les formes conventionnelles d’activités politiques, notamment le vote,
souffrent d’un désaveu qui interroge (ou doit ré-interroger) la citoyenneté
politique, alors que « les grandes institutions de représentation et de négociation
ont vu leur rôle s’amoindrir, tandis que se multipliaient les organisations <i>ad hoc</i> »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a>
et non conventionnelles de participation politique. Ainsi, à l’élection
s’est superposé ce qu’il appelle la <i>démocratie
d’expression ( </i>qui « correspond à la prise de parole de la société, à
la manifestation d’un sentiment collectif, à la formulation de jugements sur
les gouvernants et leurs actions, ou encore à l’émission de
revendication »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a>),<i> la démocratie d’implication ( </i>qui
« englobe l’ensemble des moyens par lesquels les citoyens se concertent et
se lient entre eux pour produire un monde commun », grâce notamment aux
NTIC, qui correspond à une exigence de publicité et assume, de ce fait, non
seulement une fonction sociale de communauté politique mais aussi une fonction
politique et proprement démocratique : ce n’est pas que sur le seul plan
de la participation et de la délibération qu’Internet<i> </i>joue un rôle majeur, « il réside plutôt dans son adaptation
spontanée aux fonctions de vigilance, de dénonciation et de notation. […] Loin de
constituer un simple
« instrument », il est la fonction même de surveillance ; il est
le mouvement qui la définit de façon particulièrement adéquate, avec ses potentialités, mais aussi les dérives,
voire les manipulations, que cela peut impliquer. »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a>),
<i>la
démocratie d’intervention </i>(« constituée quant à elle de toutes les
formes d’action collective pour obtenir un résultat désiré »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[4]</span></span><!--[endif]--></span></a>,
sous forme, notamment, d’actes de désobéissance, d’empêchement – la procédure
du <i>recall</i> aux Etats-Unis ou de la
répudiation de l’élu).</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Loin d’être hors du
politique, toutes ces activités manifestent la puissance du politique quand il
n’est pas le fait de quelques uns, d’aucuns les désigneraient comme l’élite au
pouvoir afin de mieux les dissocier (autre concept politique et critique) de la
masse citoyenne. Il s’agit bien de l’exercice citoyen d’une vertu politique que
le parcours historique/historien qu’effectue Rosanvallon redessine à partir non
seulement des moments fondateurs de la modernité politique (de Hobbes et de la
Révolution française) mais aussi de pratiques et d’activités qu’il désigne
comme pré-démocratiques, autrement dit avant même l’avènement de l’Etat de
droit. Or ce passage par l’histoire, cette « compréhension de la politique comme <i>espace d’expérience</i> »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[5]</span></span><!--[endif]--></span></a>
qui fait de l’histoire non pas l’arrière-fond mais « le <i>laboratoire en activité</i> de notre présent »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[6]</span></span><!--[endif]--></span></a>,
montre que cette activité émancipatrice des pouvoirs et des autorités est
quelque chose qui se manifeste avant même la Révolution. Ce que le XVIIIe met
alors en place, c’est cette vertu politique de la défiance qui, au service de l’opinion
publique, lui confère une véritable souveraineté politique. Il s’agit bien, par
cette défiance, de mettre au défi la raison gouvernante, par là, la majorité électorale
et la gouvernementabilité qui en découle, face à la légitimité et à la majorité
sociale. L’institutionnalisation de la presse, des moyens de surveillance et de
vigilance citoyenne, tout autant que ceux de leur diffusion manifestent cette
volonté politique d’émancipation. Et si des tentatives, institutionnelles, visant
à les court-circuiter, sont couramment définis et mis en œuvre par la
représentation politique, ils expriment toutefois cette volonté politique qui,
disséminée dans le public, à travers différents médias, subsistent et s’affrontent
politiquement aux pouvoirs en place.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ainsi, la
contre-démocratie que développe Rosanvallon « n’est pas le contraire de la
démocratie, c’est plutôt la forme de démocratie qui conforte l’autre, sur le
mode d’un arc-boutant, la démocratie des pouvoirs indirects disséminés dans le
corps social, la démocratie permanente de la défiance face à la démocratie
épisodique de la légitimité électorale. Cette contre-démocratie fait de la
sorte système avec les institutions démocratiques légales. Elle vise à en
prolonger et à en étendre les effets ; elle en constitue le contrefort.
Elle doit pour cela être comprise et analysée comme une véritable <i>forme politique</i> dont la caractérisation
et l’évaluation constituent l’objet de ce travail. »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[7]</span></span><!--[endif]--></span></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Parce que l’auteur entend faire une synthèse de toues ces
pratiques citoyennes qui se confrontent au pouvoir, qui s’affrontent à leur
propre pouvoir de confrontation avec les pouvoirs et les institutions, l’expression
renvoie à ce qu’il appelle <i>la souveraineté
critique</i> qui, du Moyen-âge jusqu’aux formes les plus contemporaines d’empêchement
politique (la procédure du <i>recall</i>
américain où, par pétition, des citoyens peuvent révoquer l’élu, mais on peut
aussi évoquer les actes et manifestations de désobéissance civile ou civique),
structure véritablement le champ du politique<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[8]</span></span><!--[endif]--></span></a>.
Et si cet exercice d’empêchement est une exception, la règle qu’il confirme est
tout de même bien que par l’attention citoyenne exercée, le monde politique ne
peut se dédouaner d’une exigence de rendre des comptes à qui le fait être ce qu’il
est. Autrement dit, il y a dans la démocratie le miroir nécessaire de ce qui l’excède,
la sort des sentiers battus de la décision politique et la confronte
incessamment à elle-même, à ce qu’elle est et à ce qu’elle aspire à être et à
devenir. C’est bien là non seulement le signe de sa vitalité et de sa santé,
mais aussi son principe (ou son programme) :</div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 35.45pt;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
« Même si les formes et les
institutions restent bien distinctes, il se constitue sur ce mode un esprit de
surveillance démocratique qui résulte des effets d’entraînement mutuel qu’exercent
les uns sur les autres les agents publics, autonomes et militants de cette
fonction. Le même langage et les mêmes références se retrouvent de plus en plus
dans les différents cercles. Le besoin des uns de rétablir durablement des
liens de confiance et la suspicion organisée des autres tendent ainsi à
converger fonctionnellement et dessinent ensemble la figure d’un tiers vigilant
dans les démocraties.</div>
<div style="text-align: justify;">
Les impératifs de crédibilité et d’efficacité se recoupent de ces différentes
façons pour dédoubler de fait la représentation de l’intérêt général sous les
espèces d’un tiers vigilant. Ce qui revient à dire que la démocratie est
dorénavant comprise comme ne pouvant s’épanouir que s<i>i elle intègre dans sa définition ses risques de dysfonctionnements et
prévoit dans ses institutions le moyen de se critiquer elle-même. »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><b><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[9]</span></b></span></span></a></i></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Reste que le propos de l’auteur en atténue considérablement
la portée. Car si la contre-démocratie est le miroir nécessaire de la
démocratie, le libéralisme et la démocratie se sont développés laissant place
au mieux à un sentiment désabusé, au pire à un nihilisme politique. D’où le
constat :</div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 35.45pt;">
</div>
<div style="text-align: justify;">
« Les démocraties ont d’abord
été travaillées par une tension entre légitimité politique et légitimité
sociale découlant du conflit de classes. Elles ont été de la sorte structurées par
une certaine intégration dans leur fonctionnement de leur remise en cause, à
distance de la vision originelle d’un pouvoir durablement et suffisamment
légitimé par les urnes. Le développement d’une opposition politique et
parlementaire structurée et l’intervention permanente de voix désobéissantes et
discordantes ont consolidé ce qu’on pourrait appeler une souveraineté critique.
[…]</div>
<div style="text-align: justify;">
Le fait dominant de la période actuelle réside précisément dans la dégradation
de cette souveraineté critique, qui participait de façon constructive de la vie
conflictuelle de la démocratie, en une souveraineté purement négative [nous
serions parvenus à une démocratie de dés-élection, où ce n’est plus tant un
programme un projet de vie commune qui est estimé, évalué qu’une urgence de
changer le personnel politique et d’élire par défaut tel ou tel candidat]. La
souveraineté effective du peuple s’affirme ainsi dorénavant beaucoup plus sur
le mode d’une succession de rejets ponctuels qu’à travers l’expression d’un
projet cohérent. Les élections sont par exemple principalement devenues des
occasions de sanctionner les sortants ; elles expriment moins par le passé
des choix d’avenir. Les votants appariassent souvent comme des « refusants »,
tandis que la vie sociale est de plus en plus régulée, de fait, par l’enchevêtrement
de toute une série de veto successifs. L’incertitude dans l’avenir et la
difficulté de penser une démocratie complexe se sont liées pour accélérer le
phénomène. La vitalité contre-démocratique s’est du même coup dégradée sous les
espèces de corporatismes étroits ou de réactions populistes purement réactives. »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[10]</span></span></span></a></div>
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[endif]--></span></a><br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
On peut souscrire au constat. On peut reconnaître que, par
la judiciarisation des différentes affaires de la vie et des activités
politiques, le citoyen, même s’il s’approprie le langage et les instruments du
pouvoir (des institutions de pouvoir), devient, par son action, plus
consommateur que producteur d’un projet de vie commune. Mais n’est-ce pas
aussi, par ce constat, renvoyer cette souveraineté critique du citoyen
politique dans l’impensé de la société libérale, comme si la société ne parvenait
plus à se penser elle-même ? On comprend bien que re-politiser la
démocratie puisse vouloir signifier un travail d’objectivation du monde<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftn11" name="_ftnref11" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[11]</span></span><!--[endif]--></span></a>.
Mais n’est-ce pas compter pour négligeables ces pratiques non-conventionnelles
du politique qui s’inscrivent dans une réalité intra-mondaine et se travaillent
et s’élaborent au gré de ce qui est leurs propres crises ? Et si Rosanvallon
pointe du doigt les dangers de la dépolitisation, ne réduit-elle pas celle-ci à
une approche réductrice de l’impolitique (auquel il se réfère et qu’il évoque
comme le « défaut d’appréhension globale des problèmes liés à l’organisation
d’un monde commun »<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftn12" name="_ftnref12" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 11.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[12]</span></span><!--[endif]--></span></a>)
qui l’assimilerait alors à l’apolitisme ou l’anti-politique ? Chez Roberto
Esposito, cette notion d’impolitique n’a pas de définition propre et renvoie
davantage à ce qui, dans nos catégories et institutions politiques, est demeuré
impensé, parce que court-circuité notamment par la dimension théologique (ou
encore téléologique) de la politique. </div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Le travail de l’historien est certes de rapporter les faits,
comme un arrière-fond du présent, mais aussi d’expérimenter la signification de
l’actualité dans le passé que cette même actualité appelle. Ainsi, on ne peut
confondre le travail de l’historien avec un autre travail plus programmatique
et de projection, aussi conceptuel soit-il. L’apport de l’historien est
considérable, mais suffit-il à penser la démocratie ? En fait, la
démocratie est-elle bien une histoire, qui ne soit pas seulement cette histoire
cumulative ? </div>
<br />
<div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<!--[if !supportFootnotes]-->
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="ftn1">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a> P.25 (édition Points seuil, coll; "Essais", 2006)</div>
</div>
<div id="ftn2">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a> Ibidem</div>
</div>
<div id="ftn3">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a> P.75</div>
</div>
<div id="ftn4">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[4]</span></span><!--[endif]--></span></a> P.25</div>
</div>
<div id="ftn5">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[5]</span></span><!--[endif]--></span></a> P.31</div>
</div>
<div id="ftn6">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[6]</span></span><!--[endif]--></span></a> P.30</div>
</div>
<div id="ftn7">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[7]</span></span><!--[endif]--></span></a> P.15</div>
</div>
<div id="ftn8">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[8]</span></span><!--[endif]--></span></a> P.131</div>
</div>
<div id="ftn9">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[9]</span></span><!--[endif]--></span></a> P.78</div>
</div>
<div id="ftn10">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[10]</span></span><!--[endif]--></span></a> Pp.126-127</div>
</div>
<div id="ftn11">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[11]</span></span><!--[endif]--></span></a> P. 313</div>
</div>
<div id="ftn12">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Administrateur/Desktop/La%20contre.docx#_ftnref12" name="_ftn12" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-bidi; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[12]</span></span><!--[endif]--></span></a> P.28.</div>
</div>
</div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-28136482840958671032013-03-30T14:45:00.001+01:002013-03-30T14:45:32.459+01:00Les deux nationalismes d'Etat - selon Bourdieu<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’État produit un nationalisme dominant [celui des clercs,
des agents de l’État, de la noblesse d’État tout autant que des membres de
commission nommés], le nationalisme de ceux qui ont intérêt à l’État ; il
peut être discret, de bonne compagnie, ne pas s’affirmer de manière outrancière.
L’État produit chez ceux qui sont victimes de la deuxième face du processus [l’intégration
est domination : l’intégration est condition de et conditionnée par la
domination des intégrés], chez ceux qui sont dépossédés par la construction de
l’État-nation, des nationalismes induits, réactionnels : ceux qui avaient
une langue et n’ont plus qu’un accent stigmatisé (comme les Occitans). Beaucoup
de nations se construisent sur l’inversion d’un stigmate. Ces nationalismes
induits, réactionnels, m’inspirent des sentiments ambigus. Évidemment, ils sont
tout à fait légitimes dans la mesure où ils essaient de convertir les stigmates
en emblèmes. Par exemple, vous pouvez vous dire que le serveur basque qui vous
sert une bière à Saint-Jean-de-Luz en français parle bien le français pour un Basque,
ou penser qu’il parle français avec un accent dégueulasse… C’est un changement
considérable. Mais en même temps, qu’en faire ? Faut-il être basque ?
L’ambiguïté des deux nationalismes est inhérente au processus de construction
de l’État.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ce processus que nous sommes obligés de considérer comme
inévitable – il est associé à tous les exemples d’État connu –, est-il vraiment
universel ? Ne peut-on imaginer, en vertu du droit à l’utopie contrôlée,
fondée sur l’étude des cas réalisés, des voies vers l’universel qui ne s’accompagnent
pas d’une monopolisation ? Cette question a été posée par les philosophes
du XVIIIe siècle de manière à la fois raffinée et naïve. Je vous offre, pour la
fin, un très beau texte de Spinoza, en remerciement, comme disait Lacan, de
votre assistance aux deux sens du terme : <i>« Par conséquent, un État qui, pour assurer son salut, s’en
remettrait à la bonne foi de quelque individu que ce soit, et dont les affaires
ne pourraient être convenablement gérées que par des administrateurs de bonne
foi, reposerait sur une base bien précaire. Veut-on qu’il soit stable ?
les rouages publics devront être alors agencés de la façon que voici : à
supposer indifféremment que les hommes chargés de les faire fonctionner se
laissent guider par la raison ou les sentiments, la tentation de manquer de
conscience ou d’agir mal ne doit pas pouvoir s’offrir à eux. Car, pour réaliser
la sécurité de l’État, le motif dont sont inspirés les administrateurs n’importe
pas, pourvu qu’ils administrent bien. Tandis que la liberté, une force
intérieure, constitue la valeur (virtus) d’un particulier, aucun Etat ne
connaît d’autre valeur que sa sécurité. »<span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><b><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-font-size: 61.5pt; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;"><a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/les%20deux%20nationalismes%20d'etat.docx#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a></span></b></span><a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/les%20deux%20nationalismes%20d'etat.docx#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><!--[endif]--></a></span><o:p></o:p></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: right;">
<span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference">Pierre Bourdieu,</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: right;">
<span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><i>Sur l'Etat - cours au Cours au Collège de France </i></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: right;">
<span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference">édition Seuil, coll; "Raisons d'agir"</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: right;">
<span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference">pp. 366-367</span></span></div>
<div>
<!--[if !supportFootnotes]--><br clear="all" />
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="ftn1">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/les%20deux%20nationalismes%20d'etat.docx#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a> Spinoza,
<i>Traité de l’autorité politique</i>, in <i>Œuvres complètes</i>, Gallimard, 1954, p.921</div>
</div>
</div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com1Rennes, France48.113475 -1.67570799999998648.0286665 -1.8370694999999859 48.1982835 -1.5143464999999861tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-87129727318170530902013-02-27T11:59:00.000+01:002013-02-27T11:59:15.761+01:00Le maléfice de la vie à plusieurs – La politique est-elle vouée à l’échec ?<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Pour le Trésor de la langue
française, le maléfice est d’abord <span style="line-height: 115%; mso-bidi-font-size: 12.0pt;">« Opération magique, sortilège
qui vise à nuire à une personne, à ses biens, animaux ou récoltes; résultat de
cette action. » Un second sens, plus atténué, renvoie à l’idée d’un
charme, d’une influence puissante. Magie, illusion, adversité, nuire à,
séduire. Comment ne pas y voir quelque chose comme une dissolution ? Comme
un danger et une menace ? Comment ne pas, à ce titre même, désespérer de
la politique ? <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="line-height: 115%;">De fait, le propos de Tassin, en tout cas
jusqu’à ces lignes saisissantes sur l’invisibilité de certains de nos
contemporains, les « sans », relève bien du procès de la politique,
telle qu’elle se fait et se pratique du côté de nos démocraties occidentales et
dans un monde globalisé, qualificatif qui, s’il rend compte de la réalité
politico-économique de notre monde contemporain, n’est qu’une autre façon de
parler, pour reprendre les leçons arendtiennes, d’un monde totalitaire. A cet
égard, cet opus relève bien du diagnostic critique et monte sur le pont de la
charge contre notre « modernité » politique – dont on ne sait plus
trop si elle est « post », « anti » ou s’il nous faut
inventer un nouveau préfixe pour la désigner. Toutefois, chez Etienne Tassin,
c’est tout de même bien du côté de ceux qui inventèrent la démocratie qu’il
faut se tourner. Non pas pour puiser, dans une origine quasi mythique de notre
« modernité » politique, les clés de son fonctionnement et des
principes qui la gouvernent, mais bien pour saisir ce que nos antiques
références ont à nous dire sur les maux qui traversent nos démocraties
contemporaines. Car si c’est en Grèce que l’on trouve les premières sociétés
démocratiques, et les premières conceptualisations de ce régime si particulier,
c’est aussi, par ce retour vers nos illustres aïeux, que se saisit l’étrangeté
et la profondeur des maux de nos politiques. En somme, à entendre nos
« élus » se gargariser de mots comme « proximité »,
« réforme », « modernisation », Etienne Tassin nous
réveille de quelques unes de ces chimères qui, au sens propre du terme, sont
des <i>antiques chimères</i>.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="line-height: 115%;">Il y a, au moins, deux manières de lire
cet opus. La plus simple serait de se contenter de parcourir les figures
antiques redécouvertes et réinvesties pour révéler la lumière qu’elles
apportent aux maux actuels de nos systèmes politiques. Détachées les unes des
autres, elles n’officieraient que pour panser le malade, sans le guérir
vraiment. On en perdrait l’unité et la dynamique. L’autre lecture, à partir du
titre lui-même, retiendrait cet élément tragique qu’il suggère, poursuivrait ce
qui, dans ce tragique, serait non assumé pour en devenir une farce qui ne
convainc que celles et ceux qui s’y adonnent et l’alimentent, et, au fil d’un
mouvement descendant, parviendrait enfin à proposer une redéfinition de la
citoyenneté, plus précisément d’une citoyenneté sans État, en convoquant la
figure de « l’homme invisible ». <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="line-height: 115%;">Premier point d’abord : le maléfice.
Etienne Tassin se réfère longuement, dans les premiers chapitres, à
Merleau-Ponty qui écrivait, dans <i>Humanisme
et terreur</i><a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Le%20mal%C3%A9fice%20de%20la%20vie%20%C3%A0%20plusieurs.docx#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="color: black; font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a>,
« la malédiction de la politique tient justement en ceci qu’elle doit
traduire des valeurs dans l’ordre des faits ». Or cette malédiction, si
elle tient compte de l’asymétrie entre exigences et faits, ne rend pas du tout
compte de la continuité même de la démocratie. Car, faire référence aux
Anciens, puiser dans les origines les fondements mêmes de nos mœurs
démocratiques et du système politique, c’est aussi rendre compte d’une certaine
permanence de ce système. La malédiction voudrait que soit dépassé ce qui nous
condamne. Le sens du maléfice ne laisse guère de perspective à un ailleurs, un
au-delà de la démocratie : il l’assume totalement parce qu’il en assume la
contradiction inhérente.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 42.55pt; text-align: justify;">
<span style="line-height: 115%;">« C’est la
malédiction inhérente au plan politique qui accompagne le maléfice de la vie à
plusieurs. Concrétiser des valeurs par nos actions, valoriser des lignes du
présent par nos actions : difficultueuse, voire impossible traduction d’un
registre dans l’autre, mais qui est tout le sens de l’action politique. Impossible, pourquoi ? parce que toute
traduction est trahison. Parce que les valeurs sont incommensurables aux faits
et les faits aux valeurs. La politique est condamnée aux contresens, aux
faux-sens, aux non-sens parfois, à la défiguration des faits et à la subversion
des valeurs en tout cas. Le maléfice de la vie à plusieurs est alors d’un autre
ordre que la malédiction de la politique, tout en lui étant lié. Si la
malédiction tient à l’incommensurabilité (traduction/ réalisation des valeurs),
<i>le maléfice tient, lui, à la pluralité
(agir à plusieurs)</i>. Il y a maléfice en raison d’une commensurabilité
requise de la pluralité et malédiction en raison d’une incommensurabilité des
valeurs et des faits. Le maléfice est celui de la vie à plusieurs, la
malédiction celle de l’action politique dans sa volonté contrariée de
concrétiser une visée ou de donner du sens à une situation. Alors que la
commensurabilité est appelée par la condition de pluralité,
l’incommensurabilité est l’effet d’un différend entre les intentions (valeurs)
d’une part, les actions (qui les concrétisent) dans des situations déterminées,
d’autre part. Ce pourquoi on ne peut juger d’une action politique dans ses
intentions mais seulement apprécier, si l’on y tient, les intentions au regard
des actions effectives. <i>Ce pourquoi,
aussi, la commensurabilité attendue de la pluralité est toujours maléficiée par
l’incommensurabilité reconduite des valeurs aux faits</i>, des intentions aux
actions, des sujets acteurs ou des personnes aux personnages, bref des individus
privés à leur grand fantôme public. <i>Il
n’y a pas de communauté accomplie parce qu’il n’y a pas d’action réussie ;
et il n’y a pas d’action réussie parce que la pluralité de la vie avec les
autres défait sans cesse la commensurabilité qu’elle requiert et qu’elle
contredit en même temps</i>. Malédiction de la politique : traduction
toujours déficiente des valeurs dans l’ordre des faits. Maléfice de la vie à
plusieurs : contradiction toujours reconduite de la vie avec les autres.
Tragique de la politique : être étranger à soi à la pointe singulière de
nos actions.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 42.55pt; text-align: justify;">
<span style="line-height: 115%;">Y aurait-il à
telle aventure une fin ? Les humains échouent, et ils recommencent ;
les politiques échouent et on les reconduit. Mais il ne s’agit pas de réussir,
seulement de vivre et d’agir, avec les autres. Car on ne va pas à la liberté
sans eux ou ce n’est pas à la liberté qu’on va. En politique, la quête de la
liberté, c’est la quête de la vérité. »<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Le%20mal%C3%A9fice%20de%20la%20vie%20%C3%A0%20plusieurs.docx#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="color: black; font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a><o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="line-height: 115%;">Tel est le sens du tragique. Ce sens-là,
au nom d’une certaine efficacité politique, d’une soi-disant « bonne gouvernance »,
Etienne Tassin nous avertit que nous l’avons perdu, au point d’ailleurs de
vouloir frénétiquement donner une réponse à tout problème posé. Mais aussi
d’échouer immanquablement dans une telle tentative. Or, c’est se méprendre sur
ce qu’est la démocratie et, par là même, sur la politique elle-même. L’histoire
de la démocratie est d’abord et avant tout celle d’un rêve impossible et
contradictoire en lui-même. Qui, d’ailleurs, ne cesse de l’être. A la volonté
d’une société pacifiée, la démocratie n’en est que la poursuite contrariée. Il
y a donc dans tout gouvernement, et dans toute « bonne gouvernance »,
que mensonge et tromperie. Mais, en même temps, c’est ce mensonge qui fait que
le rêve démocratique perdure. « L’échec de la démocratie est son seul
succès – qui la sauve de la tyrannie. »<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Le%20mal%C3%A9fice%20de%20la%20vie%20%C3%A0%20plusieurs.docx#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="color: black; font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a>
Cet échec, que tout gouvernement tente de refouler, tient au fait que la cité
est en elle-même ingouvernable ; quelle que soit la méthode de
gouvernement, la démocratie, la masse qui la constitue, ne peut se gouverner.
On ne peut plus que voir avec ironie ces gouvernements dits de techniciens, qui
à l’oligarchie de l’argent substituent celle d’un prétendu savoir, présupposer
répondre aux affres de la vie à plusieurs, sachant mieux que d’autres ce qui
est le bien et le juste. Même eux oublient ce sur quoi ils travaillent :
la division, la séparation, la désunion. La donnée fondamentale de la vie
politique c’est qu’elle ne peut pas être une, unifiée. Tassin évoquera même
l’impureté intrinsèque de l’acteur et de l’action. Or, au prétexte de la
gouvernance et du culte du résultat, le personnel politique se reconduit
lui-même, préoccupé qu’il est de refouler, de gommer cette essentielle
ingouvernementabilité des sociétés. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="line-height: 115%;">C’est à prendre le contre-pied de cette
illusion techniciste que nous invite l’auteur. Oreste, Antigone, Œdipe ne sont
pas ici convoqués pour rien, ou par souci de donner une antériorité dans la
tentation récurrente (afin de mieux sauver les apparences) de mythologiser la
démocratie. Ces trois figures portent la même trace, le même signe du maléfice
substantiel de la politique. Leur histoire n’est pas seulement celle de la
malédiction qui s’abat sur une lignée. C’est bien plutôt que, hors du sort qui
s’acharne, ils ne sont rien. Jouets de ce sort funeste, ils en sont tout autant
les acteurs. Le subissant, ils en sont aussi et surtout les maîtres. Ils le transfigurent
alors même qu’ils s’y soumettent. C’est tout particulièrement vrai d’Antigone
qui, pour le coup, devient la figure de la dissidence. Cette dissidence qui se
confronte toujours au pouvoir qui la nie, qui la condamne au nom du Droit ou de
ce qui se donne comme étant le Droit. Mais, loin d’être une dissidence qui se
comprendrait alors comme la révélation d’autre chose, d’une autre vérité, la
dissidence d’Antigone se manifeste comme la vérité essentiellement discordante,
polémique et conflictuelle du politique. L’ordre de Créon n’est pas le tout du
Droit ; la dissidence d’Antigone n’est pas de la rébellion qui s’insurge
contre un ordre établi et s’épuise en un vain combat. Elle est l’acte politique
par essence qui produit l’ébranlement du sens, cette « <i>commensurabilité attendue de la pluralité […]
toujours maléficiée par l’incommensurabilité reconduite des valeurs aux faits ».
</i>Elle est l’acte qui tente, hors des circuits attendus de l’institution
politique, de réinscrire de la <i>poiésis</i>
quand Créon entend, au contraire, au nom d’un ordre policier, sauvegarder un
pouvoir de domination et un droit qui lui échappent toujours plus. Or, c’est
bien avant tout cela qu’est la politique, non pas <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 42.55pt; text-align: justify;">
<span style="line-height: 115%;">« d’abord
et avant tout domination de forces adverses et organisation du social :
elle est un combat. […]<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 42.55pt; text-align: justify;">
<span style="line-height: 115%;">L’action
politique est une lutte. On ne saurait agir <i>avec</i>
d’autres sans agir <i>contre</i> d’autres.
On doit ici entendre qu’il n’est pas accidentel qu’une fraction du peuple ait à
entrer en conflit avec le pouvoir et avec d’autres fractions du peuple :
c’est le mode même d’exercice de la citoyenneté. Qui ne s’élève pas et ne
s’oppose pas n’est qu’improprement citoyen. Le <i>nomos</i> ne saurait être ce à quoi on obéit qu’à condition d’être pour
nous en même temps ce à quoi on résiste ou s’oppose, ce que l’on conteste au
nom d’un autre <i>nomos</i>. Mais de ce
conflit, de ce face-à-face, naît une unité d’ordre supérieur qui semble
transcender les divisions, les partages que le droit institue ou impose. »<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Le%20mal%C3%A9fice%20de%20la%20vie%20%C3%A0%20plusieurs.docx#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="color: black; font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[4]</span></span><!--[endif]--></span></a><o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="line-height: 115%; mso-bidi-font-size: 12.0pt;">C’est souligner combien la démocratie ne peut se
réduire à un régime, ou encore, à une structure de base qui servirait de
référence unilatérale, gommant les différences et singularités, mais, dans sa
dynamique propre, elle est avant tout action, forces agissantes qui s’opposent,
entrent en tension, sans jamais s’épuiser en une forme quelconque de système,
où tout se tient et se maintient, notamment par l’ordre imposé et la force
policière. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="line-height: 115%; mso-bidi-font-size: 12.0pt;">Mais c’est aussi retenir la leçon que ces antiques
figures nous proposent : si « en politique,
la quête de la liberté, c’est la quête de la vérité », si renoncer à cette
quête de la vérité et donc de la liberté, c’est assurer le succès à la
tyrannie, alors, ni vérité ni liberté ne sont prédéfinies, préconçues,
essentialisées dans une forme certaine à l’exclusion de toutes les autres,
mais, cette quête demeure « difficultueuse », vulnérabilisée par
cette tension inépuisable, cette « incommensurabilité reconduite »
entre les valeurs et les faits. Disons-le autrement, à la suite de
Tassin : si la politique a toujours eu pour ambition de départager le bien
et le mal, le juste et l’injuste, et, ainsi, de déterminer son action par une volonté du bien agir, elle échoue, à
chaque coup, et son échec, loin de la condamner et de l’annuler, est le seul
signe certain de la vitalité du peuple et de la démocratie qu’il incarne. À cet
égard, l’indignation est bien plus politique que capricieuse… Quand bien même
le serait-elle qu’elle conserverait cette dimension politique ! <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="line-height: 115%;">Antigone dissidente, la révolution
hongroise paradigmatique : l’idée même d’une révolution qui s’incarnerait
en un nouveau ou un renouvellement du régime est, là encore, une chimère. Une
conception romanesque et/ou idéalisée de la révolution voudrait en faire une
renaissance. C’est-à-dire inscrire le mouvement insurrectionnel dans une
téléologie. Or, un tel programme s’aveugle sur le devenir même comme Œdipe
s’aveugle sur son propre destin. Retrouver la vue et le sens politique de
l’insurrection, c’est renoncer à toute visée téléologique et replacer la
révolution dans son historicité même. La révolution est destinée à échouer, et
encore plus si le mouvement cherche par là à s’institutionnaliser et à
s’incarner dans l’ordre politique des choses. Revenir à l’historicité
fulgurante de la révolution, à sa spontanéité et à son imprévisibilité (ainsi
que le recommandait Hannah Arendt au sujet de la révolution hongroise), ce
n’est plus la comprendre d’après la fin qu’elle poursuit mais d’après la/les
cause(s) qui la suscitent. Autrement dit, remonter à cette tension qui se
manifeste à un moment donné pour ne jamais se laisser réduire en une forme
particulière, créée, plus ou moins opportunément, en tout cas artificiellement,
en réponse à la situation conflictuelle du moment. Bien entendu, la révolution
sans l’institution d’un nouvel ordre des choses n’a aucune raison d’être<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Le%20mal%C3%A9fice%20de%20la%20vie%20%C3%A0%20plusieurs.docx#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="color: black; font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[5]</span></span><!--[endif]--></span></a>.
Mais en même temps, toute révolution qui s’achèverait par l’institutionnalisation
est, par là même, trahie.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 42.55pt; text-align: justify;">
<span style="line-height: 115%;">« Toute
révolution authentique conjoint deux perspectives contradictoires : l’acte
de fondation du nouveau corps politique qui s’efforce d’affronter le temps et
d’acquérir stabilité et durabilité ; et la capacité humaine de commencer
l’action en ce qu’elle est continuel surgissement du nouveau. Souci de
stabilité et esprit de nouveauté entrent en tension : les penser ensemble
et les faire exister ensemble est la grande affaire des révolutions. Mais cette
affaire est profondément paradoxale et ce paradoxe est sans solution : on
ne peut commencer du durable qu’en faisant durer le commencement, c’es-à-dire
en rendant impossible les nouveaux commencements. Aussi, « rien ne menace
plus périlleusement les résultats de la révolution, et plus vivement, que
l’esprit même qui en a permis l’obtention. » La liberté pourrait bien être
le prix à payer pour la fondation de la liberté. »<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Le%20mal%C3%A9fice%20de%20la%20vie%20%C3%A0%20plusieurs.docx#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="color: black; font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[6]</span></span><!--[endif]--></span></a><o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="line-height: 115%; mso-bidi-font-size: 12.0pt;">On ne mesure donc pas la révolution, l’indignation à
son résultat – si tant est qu’elle en produise un. On la mesure d’abord à ce qui
engage celles et ceux qui la mettent en œuvre. [… à suivre ]<o:p></o:p></span></div>
<div>
<!--[if !supportFootnotes]--><br clear="all" />
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<!--[endif]-->
<br />
<div id="ftn1">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Le%20mal%C3%A9fice%20de%20la%20vie%20%C3%A0%20plusieurs.docx#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Le maléfice de la vie
à plusieurs – La politique est-elle vouée à l’échec ?</i></div>
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Calibri, sans-serif; font-size: 12pt; line-height: 115%;">Etienne Tassin, éd.
Bayard, 2012; </span>cité par Tassin, p.76.</div>
</div>
<div id="ftn2">
<div class="MsoFootnoteText" style="text-align: justify;">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Le%20mal%C3%A9fice%20de%20la%20vie%20%C3%A0%20plusieurs.docx#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a>
pp. 77-78 ; je souligne.</div>
</div>
<div id="ftn3">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Le%20mal%C3%A9fice%20de%20la%20vie%20%C3%A0%20plusieurs.docx#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a> p.49</div>
</div>
<div id="ftn4">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Le%20mal%C3%A9fice%20de%20la%20vie%20%C3%A0%20plusieurs.docx#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[4]</span></span><!--[endif]--></span></a> pp.
100-101.</div>
</div>
<div id="ftn5">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Le%20mal%C3%A9fice%20de%20la%20vie%20%C3%A0%20plusieurs.docx#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[5]</span></span><!--[endif]--></span></a>
« Or l’insurrection sans institution est vaine et l’institution sans
insurrection est liberticide », écrit Etienne Tassin, p. 160.</div>
</div>
<div id="ftn6">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Le%20mal%C3%A9fice%20de%20la%20vie%20%C3%A0%20plusieurs.docx#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[6]</span></span><!--[endif]--></span></a> p.153</div>
</div>
</div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0Rennes, France48.113475 -1.67570799999998648.0286665 -1.8370694999999859 48.1982835 -1.5143464999999861tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-35394437706188051852013-02-17T11:04:00.001+01:002013-02-17T11:04:25.793+01:00Les sentiers de l’utopie.<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Voyage en Europe, à travers des expériences de vie
communautaire.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Outre la diversité des « communautés »
rencontrées, des pratiques et des principes qui les animent, le récit
s’organise et se nourrit de réflexions politiques, économiques et sociologiques
qui le rendent particulièrement stimulant. Programmé et réfléchi, avant d’être
mis en œuvre, c’est à un véritable parcours initiatique à travers l’Europe,
dans ces lieux qui, avant d’être de lutte, sont d’abord des lieux de vie. Pour
les auteurs, ces sentiers, fragiles, sont d’abord le fait d’une utopie vive et,
ainsi qu’ils le soulignent en conclusion du livre :</div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 35.4pt; text-align: justify;">
« L’utopie n’est pas nulle
part, mais partout où on la reconquiert, loin des fantasmes de l’avenir, pour
la ramener de la fin de l’histoire à ce moment précis du présent. L’Utopie
n’est pas nulle part, mais ici. Parce que l’Utopie, c’est appartenir à l’ici et
maintenant. D’ailleurs, elle est si ancrée dans le présent que l’avenir vous
appartient. Elle est ce qu’Ernst Bloch a appelé le « moment
utopique » : cette fraction de seconde précédant toute chose, là où
tout est possible. Elle est cette minuscule inspiration que l’on prend avant de
sauter dans le vide, l’étincelle qui traverse nos synapses lorsque l’on
comprend que, après tout, on est capable de voler… »<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Les%20sentiers%20de%20l.docx#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-font-size: 61.5pt; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="http://3.bp.blogspot.com/-YiJzaEHFQr8/USCqtilChlI/AAAAAAAABY4/3Aq18uX8rLg/s1600/una+utopia.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="240" src="http://3.bp.blogspot.com/-YiJzaEHFQr8/USCqtilChlI/AAAAAAAABY4/3Aq18uX8rLg/s320/una+utopia.jpg" width="320" /></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Entre activisme et idéalisme béat d’un autre monde enfin
possible, c’est tout de même bien à l’épreuve de nos sociétés contemporaines et
de leur logique libérale ou néo-libérale que se confrontent tous ces utopistes
contemporains. Par là, c’est aussi une redéfinition de ce qui est politique
qu’ils élaborent. Une politique incarnée et pas simplement déclarée qui passe
par la vulnérabilité des corps et des actes :</div>
<div class="MsoNormal" style="margin-left: 35.4pt; text-align: justify;">
« Cette incarnation du
politique résulte du désir de dépasser toutes les séparations, que ce soit
entre la vie et les croyances, ou entre la nourriture dans son assiette et la
spiritualité. Une attention particulière est portée à chaque acte, relié à tout
ce qui l’entoure, à la fois dans le temps et dans l’espace, et à ses
conséquences. Chaque moment de la journée devient politique par le choix que
l’on effectue. La politique ne se résume plus au simple rituel du bulletin de
vote glissé dans une urne tous les quatre ans pour désigner quelqu’un qui doit
vous représenter. Au cœur de ce type de vie, on retrouve le désir de tout
maintenir en équilibre, ce qui n’est pas toujours évident. »<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Les%20sentiers%20de%20l.docx#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-font-size: 61.5pt; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Parmi les leçons, deux ressortent. Tout d’abord, cette idée
que la politique ne se réalise pas à partir d’une conception linéaire de
l’histoire : la communauté se redessine à tout moment ; avoir prise
sur les événements, c’est s’engager dans un ici-et-maintenant qui ne renonce
pourtant pas à s’installer dans une permanence, dans une longévité qui se
réécrit plutôt qu’elle ne se définit comme une suite héritée, transmise et
orientée vers une fin postulée. La deuxième leçon relève du procès de la
démocratie libérale qui s’organise par la délégation de la parole, qui n’est
autre qu’une disqualification de cette même parole. Un système sans
représentation, un système où s’équilibrent ces prises de parole singulières et
l’intérêt pour le présent, qui est intérêt pour son environnement, aussi bien
écologique, économique que personnel. A une politique devenue « la
mainmise professionnelle sir le pouvoir par des institutions et des
bureaucraties distantes et coercitives », il s’agit d’opposer « la
vraie politique [qui] se déroule entre des gens détenteurs de connaissance
locale et d’expérience collective, face à face dans l’espace public. »<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Les%20sentiers%20de%20l.docx#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-font-size: 61.5pt; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a> En somme, la politique ne
se décrète pas.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Avoir prise sur les événements, c’est, non pas se disposer à
une autonomie à conquérir et à réaliser, mais bien s’appuyer, s’ancrer dans
cette autonomie singulière des uns et des autres. A une conception de la
politique déterminée par une fin à faire advenir (le progrès, le bonheur,
etc.), chacune de ses expériences, incomprises par les institutions, évoquent
l’autonomie de fait des voix qui circulent à l’intérieur de chaque assemblée.
La politique n’est plus alors un surplus à construire ou à aménager, elle
est dans ce geste et dans la vulnérabilité assumée de l’ici-et-maintenant. </div>
<div>
<br /></div>
<div>
<!--[if !supportFootnotes]-->Par <a href="http://lessentiersdelutopie.wordpress.com/2011/02/" target="_blank">ici</a><br clear="all" />
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="ftn1">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Les%20sentiers%20de%20l.docx#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a> Isabelle
Fremeaux et John Jordan, <i>Les sentiers de
l’utopie</i>, éd. La Découverte/Poche, p. 370</div>
</div>
<div id="ftn2">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Les%20sentiers%20de%20l.docx#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a> p.56</div>
</div>
<div id="ftn3">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Desktop/Les%20sentiers%20de%20l.docx#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a> p.148</div>
</div>
</div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-82340910495155666182012-12-22T14:30:00.000+01:002012-12-22T14:30:20.415+01:00"Humanisme et démocratie" . Edward W. Saïd <br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il s’agit d’un ensemble de 5 conférences données à
l’Université de Columbia, en octobre et novembre 2002<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-font-size: 61.5pt; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a>. Pour Saïd, le propos
n’est pas de traiter de « l’humanisme <i>tout
court</i>, sujet somme toute trop vaste et trop vague pour ce que j’en dis ici,
mais plutôt l’humanisme et l’exercice de la critique, l’humanisme en tant qu’il
influence ce que l’on fait comme intellectuel, chercheur et professeur ès humanités dans le monde agité d’aujourd’hui,
qui à présent déborde de conflits, de guerres proprement dites et de
terrorismes de toutes sortes. »<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-font-size: 61.5pt; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a> Le contexte de la
mondialisation, celui des attentats du 9 septembre 2001, de la montée des
nationalismes et des intégrismes religieux, de la redéfinition de la puissance
occidentale imprègne toutes ces réflexions et toutes ces incursions à la fois
dans les programmes scolaires et universitaires des humanités, les prises de
paroles des intellectuels (auto-) proclamés et du nécessaire chantier à ouvrer
au nom de cet humanisme redéfini. Or ces contextes et cette actualité de
l’humanisme ont recouvert, sur le concept et le mot lui-même, des
significations et des pratiques qui dissimulent alors des intentions fort
éloignées de celles que l’on pourrait estimer proprement « humanistes ».
La tâche de Edward Saïd est alors de mener une critique de l’humanisme au nom
de l’humanisme lui-même.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ce que l’humanisme n’est pas.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Il ne peut être un enseignement déconnecté de la vie, de
l’histoire consacrant le passé des Belles Lettres. Rapportant ainsi une
anecdote sur les disputes, dans les années 70, au sein de l’université de
Columbia, au sujet de la réforme de l’enseignement des humanités à
l’université, « je me rappelle avec non moins de précision que je me suis
retrouvé tout à fait seul quand j’ai critiqué cet enseignement parce qu’il
présentait aux étudiants les textes latins, grecs, hébreux, italiens, français
et espagnols dans des traductions parfois médiocres ou inconsistantes. Je fis
remarquer que le fait de lire ces écrits magnifiques hors de leur contexte historique
et sous une forme très éloignée de leur
forme originale devait être examinée de près, et que les ferveurs sentimentales
touchant à la grande expérience que la lecture de Dante est censée procurer –
semblable aux nostalgies des vieux campeurs estivaux à propos du bon vieux
temps où ils escaladaient le mont Washington ou d’autres exercices du même
style associés aux coutumes pastorales et aux traditions imaginées –
jointes aux suppositions dépourvues
d’esprit critique que leur cours distillait au sujet des « grands
livres » , qui en étaient devenues on ne sait trop comment partie
intégrante, conduisaient à des inquiétudes justifiées. Je n’ai nullement
suggéré que le cours devait être abandonné, mais j’ai vivement conseillé d’en
finir avec les amalgames faciles entre « notre » tradition, les
« humanités » et les plus grandes œuvres. Il existe d’ « autres »
traditions et, donc, d’autres humanités : celles-ci certainement peuvent
être prises en compte d’une manière ou d’une autre et être incluses de façon à tempérer le
caractère central, non approfondi, de ce qui, de fait, est un montage
consistant à assembler tout ce qui compose ce « notre ». »<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-font-size: 61.5pt; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Cet humanisme, pour lequel il convient de procéder à un
décentrement, notamment par rapport à son origine, doit être critique au sens
où il lui faut aussi et surtout reconnaître ce qui en lui est aussi source et
caution intellectuelle d’une barbarie qui ne dit pas son nom, comme ce qui
relève d’une momification mortifère et fallacieuse de son premier mouvement.</div>
<div class="MsoNormal">
</div>
<div style="text-align: justify;">
« Il faut garder en mémoire la maxime de Walter
Benjamin selon laquelle tout document portant sur la civilisation est aussi un
témoignage sur la barbarie. L’humanisme devrait être particulièrement apte à
saisir clairement le sens d’une telle affirmation.</div>
<div style="text-align: justify;">
Car l’humanisme en est là aujourd’hui : on attend de lui qu’il tienne
compte de ce que, suivant son caractère surtout protestant, il a ou bien
réprimé ou bien délibérément ignoré. De nouveaux historiens travaillant sur
l’humanisme classique du début de la Renaissance ont enfin commencé à étudier
les conditions dans lesquelles des personnalités aussi emblématiques que
Pétrarque et Boccace ont glorifié « l’homme » sans pour autant
s’opposer le moins du monde au commerce des esclaves en Méditerranée. Et, après
qu’on a célébré pendant tant de décennies les « pères fondateurs » de
l’Amérique et les figures héroïques nationales, on examine enfin les rapports
équivoques qu’ils ont entretenus avec l’esclavage, l’extermination des Indiens
d’Amérique, l’exploitation des gens privés de terres et celles des populations
qui n’étaient pas de sexe masculin. Il existe un lien direct entre ces
caractéristiques autrefois imbriquées et la remarque de Frantz Fanon selon
laquelle, « dans les colonies, l’édifice gréco-romain [de l’humanisme]
part en poussière ». Plus que jamais, il est possible d’affirmer que la
nouvelle génération d’intellectuels humanistes s’est, plus que toute autre
avant elle, acclimatée aux énergies et aux courants d’origine non-européenne,
relevant de la sociologie, de la différence des sexes, de la décolonisation et
de la décentralisation propres à notre époque. Mais, au fond, qu’est-ce que
cela signifie ? est-on en droit de se demander. Cela signifie surtout que
l’on doit placer la critique au cœur de l’humanisme, une critique en tant que
forme de liberté démocratique, en tant qu’exercice continu du questionnement et
de l’accumulation d’un savoir qui reste ouvert, plutôt que fermé, aux réalités
historiques constitutives du monde de l’après-guerre froide, à son ancienne
organisation coloniale, ainsi qu’à l’effrayant pourvois planétaire de la
dernière superpuissance actuellement existante.</div>
<div style="text-align: justify;">
Je ne suis pas en position ici – et ce n’est pas non plus le moment de le faire
– de tenter de donner une idée précise de ces réalités, sauf pour dire que si
un humanisme nationaliste et eurocentriste s’est révélé assez efficace par la
passé, il n’est actuellement d’aucune utilité pour les nombreuses raisons que
j’ai déjà esquissées. Nous appartenons à une société dont l’identité historique
et culturelle ne peut se limiter à une seule tradition, à une seule race ou à
une seule religion. Même des pays comme la Suède ou l’Italie, qui durant des
siècles ont paru homogènes, se trouvent à présent modifiés pour toujours par
d’énormes vagues d’émigrants, d’expatriés et de réfugiés qui sont devenus la
réalité humaine la plus importante de notre époque dans le monde entier, mais
qui constituent le facteur démographique et culturel central des États-Unis
depuis leurs débuts. Cette transformation ne signifie rien de moins que la
possibilité actuelle de dénoncer les traditions culturelles hostiles aux
immigrants et défendant la primauté et l’authenticité de la population
originaire comme étant celles de la grande idéologie fondamentaliste manifestement
fausse et mensongère de notre temps. <b><i>Ceux qui s’y cramponnent encore sont les
falsificateurs, les réducteurs et les négateurs, dont les doctrines doivent
être infirmées pour ce qu’elles occultent, dénigrent, diabolisent et
déshumanisent au non des raisons soi-disant humanistes.</i></b> Entourés, comme
nous le sommes, d’un mélange si irréversible de peuples humains dont nous
faisons partie, il se peut que dans une certaine mesure nous soyons tous des
étrangers et que, dans une mesure un peu moindre mais presque égale, nous
soyons tous simultanément du même monde. On peut retrouver chez chacun une
appartenance à quelque tradition d’origine non-américaine ( c’est-à-dire soit
naturalisée, soit pré-américaine), et en même temps – c’est ce qui fait la
richesse particulière de l’Amérique – chacun est étranger à quelque autre
identité ou tradition adjacente à la sienne. Pris au sérieux et à la lettre,
comme il doit en effet l’être, ce facteur à lui seul nous permet d’écarter a
priori l’idée que des gens de même souche, qu’il s’agisse de minorités, de
victimes défavorisées ou de membres issus d’une tradition culturelle ascendante
et eurocentriste, aient le droit inattaquable de représenter une vérité ou une
réalité historique qui leur soit exclusivement attribuée par la seule vertu
d’une appartenance originelle à ce groupe. Non, nous devons répliquer de
manière critique ; il est inadmissible que seuls les membres d’un certain
groupe aient le dernier mot (ou, d’ailleurs, le seul) quand il s’agit
d’exprimer ou de représenter une réalité qui, après tout, participe de
l’expérience générale américaine et qui, malgré l’indubitable spécificité et
irréductibilité de son noyau individuel, n’en participe pas moins du même monde
que tous les autres. »<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-font-size: 61.5pt; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[4]</span></span></span></a></div>
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[endif]--></span></a><br />
<div class="MsoNormal">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Conséquence et leçon fondamentale, l’humanisme n’est pas un
essentialisme et doit renoncer à le prétendre. « La question est de
pouvoir envisager et de concevoir la pratique humaniste comme une part
intégrale et organique de ce monde, et non comme un ornement ou un exercice de
nostalgie. L’eurocentrisme fait obstacle à une telle perspective car, comme le
dit Wallerstein, la falsification de son historiographie, le chauvinisme de son
universalité, l’absence de vérification de ses hypothèses sur la civilisation
occidentale, son orientalisme et ses tentatives pour imposer une théorie du
progrès uniformément orientée finissent tous par réduire, au lieu d’accroître,
la curiosité intellectuelle, et avec elle la possibilité d’une participation
universelle et d’un point de vue qui soit réellement cosmopolite ou
international. […] Si nous nous accordons à dire que l’essentialisme est
contestable, qu’il est en effet très vulnérable pour des raisons
épistémologiques, alors pourquoi persiste-t-il néanmoins au cœur de
l’humanisme, où refait surface un orgueil culturel d’un type remarquablement
banal dès que les dénominations et les revendications commencent à paraître
indéfendables ou simplement erronées ? Quand cesserons-nous de penser l’humanisme comme une forme repliée
sur elle-même, et non comme le questionnement troublant et aventureux du
problème de la différence, appuyé sur un décryptage nouveau des traditions
étrangères et des textes, considérés dans un cadre beaucoup plus large que
celui qui leur avait été prêté jusqu’ici ?</div>
<div style="text-align: justify;">
Il me semble donc que nous devons consciemment et résolument commencer par nous
débarrasser de tout le complexe comportemental lié non seulement à
l’eurocentrisme mais à la question de l’identité elle-même, complexe, qui, dans
l’humanisme, ne peut plus être tolérée aussi aisément qu’il le fut avant et
pendant la guerre froide. S’ils observent la littérature, la pensée et l’art de
notre époque, les humanistes doivent reconnaître avec quelque inquiétude que,
malgré l’évolution des champs de réflexion et des objets d’analyse, la politique
de l’identité et le système d’éducation fondé sur des principes nationalistes
restent au centre de ce que la plupart d’entre nous faisons réellement. »<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-font-size: 61.5pt; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[5]</span></span></span></a></div>
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[endif]--></span></a><br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
L’humanisme n’est donc ni un credo ni un dogme et son
message ne peut être celui d’une révélation magistrale. En somme, il n’y a pas
à l’envisager comme un acquis qu’il nous faudrait suivre, reproduire et
réactualiser. A la consécration essentialiste, il faut lui opposer, non comme
position idéologique (qui, par la suite le démarque de ce qui n’est pas lui),
mais comme condition de possibilité, la démarche hésitante mais critique, ouverte
à l’autre, à l’altérité et désessentialisante.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Tentatives de définition.</div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
« La réalisation de la forme par l’action et la volonté
humaines, voilà ce qu’est l’humanisme ; ce n’est ni un système, ni une
force impersonnelle comme le marché monétaire ou l’inconscient freudien, quel
que soit le degré de croyance que l’on peut accorder au fonctionnement de ces
derniers. »<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-font-size: 61.5pt; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[6]</span></span><!--[endif]--></span></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
plus loin, « il ne peut y avoir de véritable humanisme
dont la portée se limiterait à chanter patriotiquement les vertus de notre culture,
de notre langage et de nos monuments. L’humanisme, c’est l’effort de nos
facultés de langage pour comprendre, réinterpréter et se colleter avec les
productions du langage dans l’histoire, c’est-à-dire avec d’autres langages et
d’autres histoires. Selon la conception que j’ai de sa pertinence actuelle, l’humanisme
n’est pas une manière de se conforter et d’affirmer ce que « nous « avons
toujours su et senti, mais plutôt un moyen de remettre en question, de
bouleverser et de reformuler tant de certitudes qui nous sont présentées comme
attrayantes, convenues, en prêtant pas à controverse et codifiées sans aucun
esprit critique, y compris celles attachées aux chefs-d’œuvre que l’on dit « classiques ».
Aujourd’hui, notre monde intellectuel et culturel ne se présente plus guère que
comme un recueil simple et évident de discours savants, mais plutôt comme une
suite de pensées fiévreuses et discordantes qui restent sans réponse. »<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-font-size: 61.5pt; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[7]</span></span><!--[endif]--></span></a></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
Ce qui renvoie à une méthode : « Cela signifie
surtout que l’on doit placer la critique au cœur de l’humanisme, une critique
en tant que forme de liberté démocratique, en tant qu’exercice continu du
questionnement et de l’accumulation d’un savoir qui reste ouvert, plutôt que
fermé, aux réalités historiques constitutives du monde de l’après-guerre
froide, à son ancienne organisation coloniale, ainsi qu’à l’effrayant pourvois
planétaire de la dernière superpuissance actuellement existante. »<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-font-size: 61.5pt; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[8]</span></span><!--[endif]--></span></a></div>
<div class="MsoNormal">
</div>
<div style="text-align: justify;">
Et contre l’illusion empirique, « Il nous faut donc,
plus que jamais, pratiquer un mode de pensée <i>para-doxale</i> (doxa : bon sens, idéaux-types) qui, dressé à la
fois contre le bon sens et contre les bons sentiments, risque d’apparaître aux
yeux des bien pensants des deux bords comme un parti pris visant à « épater
le bourgeois », soit comme une indifférence odieuse face à la misère des
plus démunis de notre société. Cette suggestion émane du regretté Pierre
Bourdieu, mais elle vaut aussi pour l’humaniste américain. « On ne peut
rompre avec les fausses évidences, et avec les erreurs inscrites dans la pensée
substantialiste [ c’est-à-dire privée de médiation et sans la modulation des
transitions dont j’ai parlé plus haut] des lieux, qu’à la condition de procéder
à une analyse rigoureuse des rapports entre les structures de l’espace social
et les structures de l’espace physique » (Bourdieu, La misère du monde, p.
159).</div>
<div style="text-align: justify;">
L’humanisme est, me semble-t-il, le moyen, et peut-être la conscience que nous
avons d’apporter ce type d’analyse finalement antinomique et contradictoire qui
se fait dans l’espace situé entre les mots, leurs origines diverses, leur
évolution dans la sphère physique et sociale, analyse qui va du texte au lieu
où sa lecture s’actualise par appropriation ou résistance, du texte à sa
transmission, à sa lecture et à son interprétation, et qui va de la sphère privée
à la sphère publique, du silence à l’énonciation et à l’explication, puis
revient au départ, tandis que nous retrouvons notre propre silence et notre
propre condition de mortel – et tout cela s’effectuant dans le monde, sur le
plan de la vie et des événements et de l’espérance de tous les jours, en quête
de savoir et de justice, et peut-être aussi, alors, de libération. »<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 12.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-font-size: 61.5pt; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[9]</span></span></span></a></div>
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[endif]--></span></a><br />
<div>
<!--[if !supportFootnotes]--><br clear="all" />
<hr align="left" size="1" width="33%" />
<!--[endif]-->
<div id="ftn1">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[1]</span></span><!--[endif]--></span></a> En
complément, on lira avec intérêt ces deux autres articles : « Edward
W. Said, l’intellectuel palestinien, L’outsider », de Mona Chollet <a href="http://www.peripheries.net/article204.html">http://www.peripheries.net/article204.html</a>
; et « Edward Said, un intellectuel dans le monde » de Arnaud
Sabatier, <a href="http://www.lrdb.fr/articles.php?lng=fr&pg=2951">http://www.lrdb.fr/articles.php?lng=fr&pg=2951</a></div>
</div>
<div id="ftn2">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[2]</span></span><!--[endif]--></span></a> <i>Humanisme et démocratie</i>, trad. Christian
Calliyannis , éd. Fayard, 2005, pp. 22-23.</div>
</div>
<div id="ftn3">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[3]</span></span><!--[endif]--></span></a> pp.
24-25.</div>
</div>
<div id="ftn4">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[4]</span></span><!--[endif]--></span></a> pp.93-97
(je souligne).</div>
</div>
<div id="ftn5">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[5]</span></span><!--[endif]--></span></a> pp.
105-107</div>
</div>
<div id="ftn6">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[6]</span></span><!--[endif]--></span></a> pp.43-44</div>
</div>
<div id="ftn7">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[7]</span></span><!--[endif]--></span></a>
pp.63-64.</div>
</div>
<div id="ftn8">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[8]</span></span><!--[endif]--></span></a> p.95.</div>
</div>
<div id="ftn9">
<div class="MsoFootnoteText">
<a href="file:///C:/Users/Utilisateur/Documents/Alb%C3%A9ric/recherches%20philo%20master/fiches%20de%20lectures/Humanisme%20et%20d%C3%A9mocratie.docx#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><span class="MsoFootnoteReference"><!--[if !supportFootnotes]--><span class="MsoFootnoteReference"><span style="font-family: "Calibri","sans-serif"; font-size: 10.0pt; line-height: 115%; mso-ansi-language: FR; mso-ascii-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: Calibri; mso-bidi-language: AR-SA; mso-bidi-theme-font: minor-latin; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-language: EN-US; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-hansi-theme-font: minor-latin;">[9]</span></span><!--[endif]--></span></a>pp.
152-153.</div>
</div>
</div>
pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-86879644259994011022012-12-08T18:45:00.000+01:002012-12-08T18:45:30.484+01:00"Crise actuelle, crise des années 30 : quels parallèles?"<iframe allowfullscreen="allowfullscreen" frameborder="0" height="281" mozallowfullscreen="mozallowfullscreen" src="http://player.vimeo.com/video/54882927?title=0&portrait=0&badge=0" webkitallowfullscreen="webkitallowfullscreen" width="500"></iframe> <a href="http://vimeo.com/54882927">"Crise actuelle, crise des années 30 : quels parallèles?"</a> from <a href="http://vimeo.com/user4868631">Les Films de l'An 2</a> on <a href="http://vimeo.com/">Vimeo</a>.pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com024 Rue des Fossés, 35000 Rennes, France48.113475 -1.67570848.071069 -1.754672 48.155881 -1.596744tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-75865984678832645572012-11-25T20:49:00.000+01:002012-11-25T20:49:01.454+01:00Notre Dame des landes : un apparent consensus véritablement dissensuel.<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
</div>
<div class="MsoNormal">
</div>
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<br />
<div class="MsoNormal">
<span style="background-color: white; background-position: initial initial; background-repeat: initial initial;"></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;">Le président de l’Aéroport du Grand Ouest, Nicolas Notebaert, a publié, dans les colonnes du Monde (le 16 novembre), un point de vue où il revient sur les points de dissensus entre les Pro et Anti Notre Dame des Landes. Quelques heures plus tard, le Président de la République réitère son soutien au projet. Mais l’opposition, pour aussi marginale ou marginalisée qu’elle soit, ne renonce pas à s’organiser et à batailler ferme jusqu’à réoccuper les espaces et bocages promis à l’édification de ce qui est devenu un projet pharaonique, dispendieux et surtout inutile.</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;"><br /></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;">A lire et écouter les propos des partisans du projet, tout y est, mais il n’est pas certain que la démocratie elle-même y gagne.</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif; font-size: x-small;"><span style="line-height: 14px;"><br /></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<a href="http://2.bp.blogspot.com/-_It5zd_KULc/ULJzbOWHnRI/AAAAAAAABX8/nDd2-j5qU3s/s1600/NDDL1.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="160" src="http://2.bp.blogspot.com/-_It5zd_KULc/ULJzbOWHnRI/AAAAAAAABX8/nDd2-j5qU3s/s320/NDDL1.jpg" width="320" /></a><span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;">Tout y est. Tout d’abord, un discours apparemment raisonnable et raisonné, quand les opposants manifestent plutôt passion et émotion (encore, nous avertit-on, qu’il faut dissocier l’émotion des riverains, opposants historiques et qui, de ce fait, sont légitimes à contester, à manifester un attachement à une terre qu’ils ont habitée et travaillée et qui attendent la réponse de la justice sur les recours déposés, de celle, encagoulée ou, récemment, dénudés, de groupuscules et individus incontrôlables et ingérables, c’est-à-dire aussi, du côté des promoteurs du projet, des individus dangereux et violents). Il est vrai que cette sacro sainte opposition entre la Raison et la Passion a eu ses heures de gloire dans l’histoire de la pensée et qu’elle offrait une occasion inespérée d’opposer la sagesse de quelques uns (intéressé par le Bien Général, l’intérêt commun) et la vie dissolue des autres qui, lassait-on entendre, ne savent pas ce qu’ils disent et se laissent emporter par des intérêts « hors du commun ».</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;"><br /></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;">Puis les raisons.</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;"><br /></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;">D’ordre politique, institutionnel et démocratique. Ce qui justifie l’engagement des Pro c’est la représentation qui, au sein des collectivités territoriales, est favorable au projet. Les suffrages, élections après élections, ont reconduit cette majorité qui, de la droite à la gauche y trouvait un réel intérêt. D’ailleurs, le candidat Hollande, en novembre 2011, le reconnaissait quand il avertissait que lui, non élu, un tel projet se ferait tout de même. Et de se référer aux enquêtes d’utilité publique, aux recours divers et variés, aux délibérations souveraines des assemblées élues. Autrement dit, le consensus au sein de la représentation élue vaut celui de la masse, à la condition qu’elle se taise. Comment d’ailleurs pourrait-elle ou devrait-elle parler ? Sait-elle bien ce qui est bon pour elle ? Et, argument d’autorité suprême, il s’agit tout de même bien de dire que seule la « rationalité » qui compte est celle qui se dégage de ces assemblées. L’histoire des sociétés ne s’écrit que par ces actes d’autorité qui ne peuvent être contestés. Et cette histoire est nécessairement linéaire ! La fatalité sécularisée ! </span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;">Raison d’ordre constitutionnel, aussi. Le principe de précaution étant gravé dans le marbre de la constitution, l’exigence de « développement durable » étant devenu l’impératif catégorique, transmettre aux générations futures un environnement sain et protégé s’impose… Irresponsables, alors, celles et ceux qui ne l’entendent pas ainsi. Comment, en effet, garantir et protéger le développement d’une communauté urbaine qui ne cesse d’attirer de nouveaux habitants, de vouloir s’étendre en programmes immobiliers, si les responsables élus locaux ne prennent pas, de façon préventive, toutes les mesures permettant de protéger l’habitat contre les nuisances sonores et les possibles accidents aériens ? Si détruire le bocage (mais on vous rassure, la loi sur l’eau sera tout à fait respectée) peut attrister les amoureux de la nature, plus ou moins bobos, c’est le moindre coût que toute la société, qui doit s’engager derrière ses élus, doit accepter !</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;"><br /></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;">Raison d’ordre économique, ensuite. En période de crise économique, se lancer dans de tels investissements, véritables paris sur l’avenir qu’aujourd’hui comme hier nous devançons, est une aubaine pour les économies locales (dans ce monde globalisé, un gouvernement qui réinscrit du local ne peut être que sage), car ce sont des emplois qu’un tel programme crée. A tous les idéalistes qui prônent le retour à la nature, ceux de la décroissance et autres (ne vous a-t-on pas dit que cette décroissance est une régression et que le retour à l’état de nature à son charme dans la littérature et les histoires à la Rousseau, certainement pas dans la vraie vie), comprenez d’abord l’économie, vous saisirez alors la nécessité !</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif; font-size: x-small;"><span style="line-height: 14px;"><br /></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<a href="http://2.bp.blogspot.com/-_ck3yfu5No4/ULJzfFLUBgI/AAAAAAAABYE/x1tAcOZrCiY/s1600/NDDL2.jpg" imageanchor="1" style="clear: left; float: left; margin-bottom: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="213" src="http://2.bp.blogspot.com/-_ck3yfu5No4/ULJzfFLUBgI/AAAAAAAABYE/x1tAcOZrCiY/s320/NDDL2.jpg" width="320" /></a><span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;">Raison d’ordre sécuritaire, enfin. La loi est la loi (personne ne le conteste, soit dit en passant), son respect s’impose à tous. C’est une façon bien commode de désigner l’opposant, le réfractaire, le kyste, qui est nécessairement radical, un tantinet terroriste, en tout cas ennemi de la démocratie et de ses procédures. Capricieux aussi, car il faut bien reconnaître qu’il est bien étranger à l’image formatée que l’on se fait du citoyen lambda et de son comportement civique. A l’image décadente qu’il impose, même au plus fort de sa vulnérabilité (surtout s’il l’exhibe) ou lui opposera la riposte policière, nécessairement plus policée.</span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;"><br /></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;">A l’apparence raisonnable de ce discours, on se laisse surprendre par l’effort intéressé de persuasion qui est ici déployé. Et il n’est pas indifférent de remarquer que ceux-là mêmes qui défendent le projet furent aussi les plus farouches promoteurs du traité de Constitution Européenne. Il n’y a, de leur point de vue, pas d’autre alternative pertinente. Le Bien général y est consacré, la Bonne parole en est le relai. Fermer le ban, il n’y a plus rien à dire. Et ce n’est certainement pas le dialogue, même dans un souci de réconciliation qui changera l’affaire. Ce qui est enjeu c’est véritablement un condensé de « Discours de la méthode » de la vie politique. En effet, ce qui accouche des délibérations des assemblées de représentants élus n’est aucunement comparable à ce que génèrerait un vrai dialogue où la confrontation des points de vue, même les moins experts et sans se demander qui représente qui, serait enfin possible. A la performance et à l’utile poursuivi par les premières, on refuse d’admettre toute légitimité et pertinence que ce soit aux secondes. </span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;"><br /></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Arial, sans-serif;"><span style="line-height: 14px;">Mais comment ne pas s’étonner alors que prendre Voix au chapitre soit un parcours du combattant face à des procédures qui excluent sciemment des participants (les kystes, les radicaux, les jeunes… ces caricatures que notre personnel politique se plaît à désigner pour se rassurer et s’assurer d’être dans son bon droit), Comment ne pas s’étonner, en tout cas pour en noter l’insupportable contradiction et violence, qu’on institutionnalise autant le silence de la majorité, voire l’injonction de se taire, en véritable principe et impérieuse exigence de la vie politique ? </span></span></div>
<br />
<div style="font-family: Arial, sans-serif; font-size: 10pt; line-height: 115%;">
<br /></div>
<br />
<br />
<br />pigiconihttp://www.blogger.com/profile/03450988844439954830noreply@blogger.com035000 Rennes, France48.113475 -1.67570848.071069 -1.754672 48.155881 -1.596744tag:blogger.com,1999:blog-4608896959649001408.post-49820723266766724022012-11-14T22:51:00.001+01:002012-11-14T22:51:49.480+01:00Industrie<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Verdana, sans-serif;">On l’a dit innovante, parfois polluante. Elle s’inscrit dans
nos paysages comme site ou zone, notamment par son patrimoine architectural.
Souvent, on craint qu’elle ne soit délocalisée là où la main d’œuvre est moins
chère. En économie, elle est un secteur à part entière. L’industrie s’impose
par ses cohortes d’employés qui, à heures fixes, y entrent ou en sortent. Elle
fut aussi ce que les historiens ont pu qualifier de révolution (XIXe siècle),
symbolisant une sorte de tournant dans l’histoire de l’humanité. Mais, le mot a
pu désigner autrefois quelque chose qui
signifiait autant l’acte que la volonté d’entreprendre. Industrie était,
somme toute, synonyme de volonté, d’aptitude à mettre en œuvre, d’habileté à
déjouer des tours que la fortune, la nature pouvaient opposer aux hommes. En
somme, avant d’être cette activité monotone et répétitive dans les ateliers de
production, à la chaîne ; avant de renvoyer aux cols bleus qui, dans leur
uniforme de labeur, s’échinent à la tâche, il y avait bien là, dans ce mot,
dans le geste et dans l’ouvrage mis en chantier, quelque chose de
l’intelligence pratique, quelque chose de créatif. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Verdana, sans-serif;">Certes, toute une tradition de pensée, de Platon jusqu’à
Marx, l’évoque comme un lieu d’exploitation, de domestication et
d’asservissement, mais en lui accordant un rôle primordial pour l’institution
des relations sociales : « art auxiliaire » du politique, dira
Platon, c’est-à-dire nécessaire mais non suffisant à la vie de la cité. En
parlant du prolétaire, Marx décrira ce que fut l’ouvrier et l’amènera à la
prise du pouvoir par la lutte des classes. C’est souligner ainsi ce qu’une
critique du machinisme et de la technique dévoilera : l’ouvrier plus ou
moins disqualifier par la bourgeoisie ou ces élites qui savent, mais surtout
l’ouvrier comme force de productivité. Ainsi éjectés, les pauvres du
« philosophe », comme le souligne Rancière, sont exclus du discours
d’institution politique, parce que, ainsi que le veut l’autorité de la parole
et du signe, exclus du savoir. </span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Verdana, sans-serif;">Mais tant s’en faut d’oublier la puissance de la parole
ouvrière !</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Verdana, sans-serif;">Rappelons juste ces mouvements qui, de 1830 à 1850, de Lyon
ou de Paris, dans les métiers du textile ou de l’imprimerie, marquent cette
détermination à s’émanciper. Non point tant en renversant le pouvoir mais en se
substituant au pouvoir des lettres, du discours de salons. En œuvrant à la poétique des sujets. Ouvriers typographes
ou maîtres tisserands, ils se font entendre non seulement parce qu’ils
revendiquent de meilleures conditions mais aussi parce qu’ils instituent une
communauté de biens, matériels comme immatériels. Ainsi donc, l’industrie est
la marque du faire, du savoir-faire, d’une intelligence du monde qui se partage !
Le travail, pour aussi pénible et laborieux qu’il soit, en est le sens. Cruauté
de notre époque : l’ouvrier est plus, aujourd’hui, son employabilité, son
équivalent temps plein et son interchangeabilité que sa propre et nécessaire
industrie. Désindustrialiser est l’aveu de ce déni.</span></div>
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