« Jouir c’est toujours sentir, et puisque sentir consiste toujours aussi à se sentir sentir, et suppose donc une altération et une altérité, jouir c’est se sentir de l’autre et dans l’autre.
Le sens, il s’agit de le sentir passer, et sans doute faut-il même affirmer : le sens, c’est cela même : qu’on le sente passer, et qu’il se sente lui-même passer de l’un à l’autre (de l’une à l’autre personne aussi bien que de l’un à l’autre sens).
On pourrait nommer cela « consentir » : ce en serait ni un consensus, ni une soumissions, mais le consentement à sentir l’autre et à être senti par lui/elle, à le sentir se sentir et nous sentir, ainsi infiniment fuyant de la fuite même de la jouissance dont l’échappée forme identiquement el consentement à jouir. Le sexe, à cet égard, a valeur de sens des sens : non pas qu’il en formerait le paradigme unique, mais il en donne la syntaxe. C’est-à-dire le rapport – par lequel le sens retrouve son sens : il n’est rien d’autre que rapport, renvoi et envoi de l’un à l’autre. Le sens ne tient à rien d’autre qu’à une réceptivité, une affectabilité, une passibilité : ce qu’il y a de sens, cela me vient, me frappe, me déplace, me remue. La vérité en est la touche instantanée – le sens en est le mouvement qui va et vient. »
Jean-Luc Nancy
« Une exemption de sens »,
in Le Corps, le sens,
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