"Quand vous avez quitté l'appartement de Paule, la dernière fois qu'on s'y est vu, j'avais encore beaucoup de choses à vous dire, surtout à vous demander. [...] J'aurais aimé [...] que vous me disiez si c'est par la réflexion, sagement conduite, qu'on en vient, en philosophie, à "choisir" le déterminisme - ou son contraire. Par quelle opération intellectuelle fait-on ce choix? Est-ce qu'il vient tout naturellement, d'après un acte de foi? Comme un coup de dés qu'on justifierait après qu'il a eu lieu? Pourquoi suis-je communiste? Par un tempérament généreux rationalisé après coup? Ou nationaliste, pourquoi, et comment? Est-ce que l'irrationnel - l'aléatoire - n'est pas au début de chaque engagement philosophique? Je vois bien, ou je crois voir, de quelle façon on justifie un choix, mais je ne sais pas comment se fait le choix. Il me semble qu'on penche d'abord naturellement vers lui et qu'ensuite on en trouve les raisons. [...] C'est un petit que vous et vos plus jeunes élèves avez résolu, c'est sûr, moi je n'y arrive pas. Un jour, vous m'en parlerez."
Citée dans Derrida, de Benoît Peeters, éd. Flammarion, coll. "Grandes Biographies", pp.199-200
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