lundi 28 juillet 2008

Qui est donc Antigone ?

« Elle ne fait pas partie de l’humanité, mais elle parle son langage. Interdite d’agir, elle agit néanmoins, et son acte n’est guère une assimilation d’une norme existante. En agissant comme quelqu’un qui n’a pas le droit de le faire, elle jette le trouble dans le vocabulaire de la parenté qui est une précondition de l’humain, soulevant implicitement pour nous la question de ce que ces préconditions doivent réellement être. Elle parle dans le cadre d’un langage de pouvoir d’où elle est exclue, s’inscrivant de ce fait dans un langage de revendication avec lequel aucune identification n’est pour finir possible. Si elle est humaine, alors l’humain est entré en métaphore : nous ne connaissons plus son usage propre. Et dans la mesure où elle occupe le langage qui ne pourra jamais lui appartenir, elle fonctionne comme un chiasme dans le vocabulaire des normes politiques. Si la parenté est la précondition de l’humain, alors Antigone est l’occasion d’un nouveau champ de l’humain, qui ne s’accomplit qu’à travers la métaphore, celui qui survient quand les moins qu’humains parlent comme des humains, ceux dont le genre est déplacé, ceux dont la parenté est fondée sur leurs propres lois fondatrices. Elle agit, elle parle, elle devient celle par lequel l’acte de discours est un crime fatal, mais cette fatalité va plus loin que sa propre vie et pénètre dans le discours de l’intelligibilité comme dans sa propre promesse de fatalité, dans la forme sociale de son futur exceptionnel, aberrant. »

Judith Butler,Antigone : la parenté entre vie et mort, Edition EPEL

Ce billet fait suite à celui-ci


2 commentaires:

Thy Wanek a dit…

Je n'ai pour le moment fait que tourner autour de Judith Butler : sans vraiment rentrer dedans ... Bon, va faloir que je m'y mette ; j'emmène un bouquin d'elle au bord de la piscine à Fontayre : mais... par quoi commencer. (Sachant que j'ai quelques appréhensions ...

Tiens je sais pas si t'as vu, le blog de Mr Andesmas a disparu.

pigiconi a dit…

Je me suis engagé, dans le cadre d'une reprise d'étude, à travailler l'auteure. La tâche est immense, car elle parvient à faire dialoguer des sources et des auteurs qui supposent, de la part de son lecteur, un investissement important. Américaine, elle est nourrie à la philosophie et à la littérature occidentales (à Brekeley, où elle enseigne, elle parle autant de Derrida que de Blanchot et Hegel): la French Theory (le livre de François Cusset est très instructif à cet égard). Aussi, ses travaux sont-ils des lectures commentées de ces références. En même temps, s'y dégage une position critique et une ouverture de pensée qu'il me plairait bien de pouvoir prolonger, notamment par mon travail d'étude. L'une des difficultés est aussi que dans son dialogue avec les féministes américaines et les activistes gays, elle rend compte de la situation américaine et de ce qui y fait débat. L'incontournable est évidemment "Trouble dans le Genre", mais, son pendant, "Défaire le Genre" est tout aussi essentiel. ..
En tout cas, bonnes lectures au bord de la piscine........