samedi 21 juillet 2007

Antigone – la subversion radicale.


« Antigone […] accomplit un acte de discours en affirmant avoir accompli une action. Elle s’approprie l’acte qu’elle a accompli, ce qui est en soi une chose assez formidable : elle déclare être un sujet souverain accomplissant un acte, et affirme que cet acte lui appartient en propre. Et elle ne laissera personne d’autre s’attribuer le mérite de cet acte [pas même, surtout, Ismène….]. Il me semble que la revendication de l’acte est un acte radical, et que c’est un acte passible de punition dans le cas d’Antigone. Mais je crois que le pouvoir de la parole n’est pas propre à Antigone, même si elle affirme le contraire. Je pense, en fait, que ce pouvoir est lié de façon mimétique au langage de Créon, à sa volonté de faire de sa souveraineté une chose absolument inabrogeable, d’une puissance absolue et unilatérale. Elle veut que son langage ait el même effet, et je crois qu’ils sont tous deux engagés dans ce que je comprends comme une sorte de fantasme du pouvoir souverain à l’intérieur de l’acte de discours. » Judith Butler, Humain, inhumain, éd. Amsterdam, pp. 45-46.

Si Antigone est cette figure de la subversion radicale, ça n’est pas parce qu’elle est une figure d’opposition au pouvoir de l’Etat. Mais parce qu’elle fait sien le langage de l’autorité étatique, les normes du pouvoir (notamment en retournant contre Créon lui-même cette folie dont il l’accuse : « Si tu estimes que je me conduis comme une folle, peut-être n’as-tu rien à m’envier sur l’article de la folie ? », deuxième épisode, sc.2), ainsi que la posture qu’il adopte par son propre langage. C’est par là qu’elle peut le déconstruire : en s’appropriant le discours même du pouvoir, elle « déterritorialise » les normes de ce pouvoir et provoque ainsi une crise radicale. Hémon, le fils de Créon, le sent bien qui se défend de le menacer mais seulement de « répondre à [ses] pauvres raisons » (« Tu t’étourdis de paroles pour t’empêcher de m’entendre ! » lui dira-t-il, fin de la sc.1 de l’épisode 3). Par là, elle réitère le pouvoir sous une forme nouvelle. Car il ne s’agit pas d’une libération comme d’une promesse de « sortie » du pouvoir, de toute façon avortée parce que fantasmée. Elle sait bien quelle est vouée à la mort, avec ou sans l’adit de Créon osera-t-elle affirmer. Il s’agit plus d’une remise en jeu du pouvoir lui-même sous et dans une nouvelle forme.

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