mercredi 11 novembre 2009

de la vidéo au théâtre - "Sombreros" de découflé et "Paranoïa" des Lucioles

Crédit Photo: Laurent Philippe

Coup sur coup, cette semaine, deux spectacles aussi sophistiqués l’un que l’autre au TNB.
Sombreros de Philippe Découflé et Paranoïa, nouvel opus du Théâtre des Lucioles.
Quand je dis « sophistiqué », je veux surtout évoqué la débauche de moyens techniques mis en œuvre pour ces deux pièces, aux tonalités différentes, mais qui, d’une certaine manière, se rejoignent toutes deux par le même propos sur la créativité ( comment produire de la fiction ? pour les Lucioles, sur un texte assez déjanté – en tout cas rendu tel – de Rafael Spregelburd ; comment produire un univers mental d’une chorégraphie pour Découflé, à partir du mot et du travail sur les ombres, la couleur), et par l’utilisation de la vidéo, autant la projection que la captation vidéo.
On sent bien ici qu’il s’agit d’un outil à explorer et qui n’a pas livré toutes ses possibilités.
Reste qu’il peut y avoir une exploration gadgétisée de la vidéo, comme s’il s’agissait d’une fin en soi. C’est tout à fait ce que je reproche aux Lucioles : équipés et super-équipés, c’est comme s’ils nous invitaient à voir (et parfois revoir : en ouverture, la même séquence de corps nus ou habillés dans l’eau d’une piscine, déjà vue dans la création de la Tour de la Défense de Copi) toutes les petites trouvailles qu’on ne retrouve pas ailleurs, dans d’autres compagnies (dont beaucoup ne sont pas associées à une scène conventionnée).
Au théâtre, la question des ailleurs, des espaces lointains comme celle des temps différents s’est toujours posée dès lors que l’unité de temps et de lieu ne s’est plus imposée (même si, dans ce cadre-là, la narration convoquait ces ailleurs). Certainement aussi que l’écriture contemporaine s’est ingéniée (au bon sens du terme) à superposer ces ailleurs, à les rendre aussi visibles que dits. Pour la mise en scène, la scénographie, c’est alors un véritable enjeu, un mystère à dénouer, une interrogation à déjouer. Comment amener le spectateur à se confronter à ces temps et espaces qui en sont pas ceux du présent agi par les comédiens, sous les yeux du public ? Cette question est redoublée aussi de ce fait : l’espace de la scène est le seul visible. Comment alors introduire ces ailleurs dans le seul espace visible ? d’où, aussi, cette autre question : multiplier des espaces, dans ce seul espace visible, est-ce produire de l’espace en plus ou continuer l’espace ? Au risque de multiplier des narrations et récits qui, par cette surexposition, entament la crédibilité des uns comme des autres. Dans Paranoïa, on ne joue pas avec et dans l’espace, on se joue des espaces sans rendre l’un plus crédible que les autres. La multiplication de ces ailleurs est, en fait, une accumulation, juxtaposition qui aurait très bien pu ne pas être. Ce sont des espaces « gadgets » (et ils ne le sont assurément pas dans L’Heptalogie de Bosch qui inspire Spregelburd), et il n’y a pas d’alliance entre eux, si ce n’est un ténu fil conducteur narratif, insuffisant à les faire tenir ensemble.
Chez Découflé, ces espaces ailleurs que la vidéo surexpose sont impliqués déjà dans le mot et le travail autour du mot « ombre ». Impliqués dans les corps. Le devant/derrière, tous les côtés sont engagés dans ce travail. La projection comme la captation vidéo n’ajoutent rien de plus, elles accompagnent, aménagent, font voir ce qu’il en est des corps (de leur visibilité comme de ce qui ne l’est pas, aux yeux du spectateur). Pas un nouveau point de vue sur ces corps, mais un seul et même point de vue, une seule et même focalisation. Et le tour de force, certaines fois assurément poétique de Découflé, c’est de ne pas vouloir en faire trop mais de se concentrer sur la démultiplication des espaces du corps ( espace visible du corps, espaces invisibles du corps). Pour le coup, l’intention initiale est assurée et suivie d’effet.


Quel est le nombre des ombres ?
Il y a les ombres premiers ou décimaux. Il y a les ombres chinoises, les ombres
sombres, les ombres lumineuses. Les ombres portées, les ombres îles du monde.
Les ombres d'un doute...
Je suis comme mon ombre, partout où je vais elle est là, partout où elle va je
suis là ; je ne suis que l'ombre de moi-même ; un corps c'est toujours avec son
ombre, un corps sait qu'une ombre n'est pas un corset.
Tout un chacun a une ombre, toute ombre a un chacun. Que font nos ombres lorsque nous avons le dos tourné ? Ombres, où êtes-vous la nuit ?
© Christophe Salengro, d’après Claude Ponti.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

tres intiresno, merci

Bigouden's Bernik a dit…

Je regrette de ne pas y être allée

pigiconi a dit…

Auquel des deux? Découflé?
Biz à ma bigouden adorée