vendredi 21 juillet 2017

S'absenter

Il y faut beaucoup de force et de puissance pour réussir à s’absenter, parce qu’il n’y a rien d’indifférent à y parvenir. Le quotidien est là qui nous attache et nous relie. La puissance est celle de se délier, de se vouloir retiré et comme suspendu hors du temps et du lieu communs. S’absenter c’est faire ce pas de côté, s’offrir à la marge, se donner l’occasion, dans toute la maîtrise qu’il nous est possible et loisible de mettre en œuvre, sans qu’aucune discipline ne nous y contraigne. En ce sens, il n’y a rien de comparable entre s’absenter et l’absence. Cette dernière se subit, s’éprouve comme une présence en défaut ou défaillante quand elle n’est pas annulée, et se vit dans la blessure. L’absence appelle ce qui demeure sans écho et se lamente. Au contraire de l’autre, qui réalise, dans une sorte de confusion, un entre-deux, reconfigure les frontières et les limites de ce qui est acceptable ou non. Il y a de la création !
On a pu penser que cet écart manifesterait un ennui et une inattention à soi. Qu’il y ait ennui, on peut bien le comprendre : qu’est-ce qui motiverait alors cette dynamique d’échappement ? Mais il ne s’agit point de se détourner de soi, de se figurer un autre que je ne suis pas ou un ailleurs inaccessible. Il y a dans ce mouvement une manière de renouer avec soi, de coïncider et de se communiquer ce qu’une vie quotidienne, dans l’urgence des réponses à y apporter, ne saurait achever. S’absenter est alors se nourrir de soi, s’alimenter à cette source vive, mais trop souvent asséchée, et se sentir le plus profondément, le plus intensément atteint et accompli par ce qui compte le plus.

S’absenter c’est s’offrir à la douceur et à la plénitude de cette vie intérieure. C’est goûter de nouveau et pour longtemps encore à ce qui nous est précieux, comme à ces belles présences qui nous enchantent. C’est se vivre dans tout ce qui, sensible ne se partage qu’en se donnant absolument et sans contrepartie. C’est ce qui rend possible… notamment tout ce qui s’écrit comme possible. S’absenter ne se souffre pas. Au contraire, s’absenter est pleinement joyeux.

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