vendredi 13 juillet 2007

Politique de Jacques Henric



Je suppose toujours que les époques antérieures furent plus actives et dynamiques que ne l’est la nôtre. Comme s’il y avait une fausse nostalgie – fausse parce que, à l’évidence, je ne l’ai pas vécue et que je la fantasme. Fausse, parce que j’ai toujours plus ou moins cherché à être ailleurs, en une autre époque, à fantasmer sur d’hypothétiques relations ave des Merleau-Ponty, Foucault, Deleuze et à me persuader que l’effervescence intellectuelle de St-Germain valait mieux que l’atonie actuelle.

Mais le livre de Jacques Henric vient mettre un terme à cette rêverie. Il corrige et rectifie.

Le milieu militant et communiste, en tout cas celui du Parti, n’est guère reluisant. Et en même temps, il montre aussi comment il (le parti) a été perverti par des luttes scabreuses d’influence, rendant opaque ce pourquoi, un homme de vingt ans, tôt confronté à la mort et à la guerre, aux mensonges et compromissions, a pu vouloir s’engager et sur le terrain de la création littéraire et sur celui de la politique. Sans concession et exigeant.

« L’homme est jeune, à peine une vingtaine d’années. Il semble dormir. Un casque de cuir lui enserre le front et les mâchoires. Le tête est légèrement inclinée vers l’avant, le côté droit en partie relevé par le col de la vareuse. Un filet de sang a coulé et séché le long du menton. Un œil, d’un bleu très clair, est largement ouvert et me regarde fixement. Une main énorme, aux doigts courts et poilus, mains de paysan, a saisi avec délicatesse le menton du jeune homme et relève son visage dont le soleil, encore bas à l’horizon, accentue la pâleur. Deux bras puissants m’ont saisi sous les aisselles, et hissé à la hauteur su siège où repose l’homme aux traits d’adolescent. Sa tête a basculé vers l’arrière, il est maintenant dans la pleine lumière de ce matin d’été où très tôt des mains d’adultes m’ont conduit sur la plaine de Bouglainval qui s’étend uniformément jusqu’à Chartres. Je retrouverai plus tard l’image de ce visage d’homme jeune, à l’ovale régulier, aux traits fins, sur la reproduction d’une fresque de Piero della Francesca, dans l’église d’Arezzo : un jeune soldat casqué, tombé de son cheval, gît sur la poussière ocre du sol, la tête reposant entre les sabots de la bête.

Un autre homme, le pilote, a les deux mains en appui sur le tableau de bord du biplace, comme s’il avait voulu amortir la chute. Lui ne porte pas de casque, sa tête repose de côté sur le volant. Aucune trace de sang. Il semble sourire. » (p.11)

Livre témoignage d'une génération qui, en même temps qu'il rapporte les compromissions d'hier, met en perspective celles d'aujourd'hui.

Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un livre où Henric ait voulu règler ses comptes, et notamment post-mortem. Mais il ne tient pas non plus à évacuer les éléments à charge sur le cas Aragon ou sur le cas Duras ( à jamais, ce bout de femme me paraîtra antipathique).

De Clausewitz (1815):""dans toute critique startégique, l'essentiel est de se mettre exactement au point de vue des acteurs; il est vrai que c'est souvent difficile". Le difficile est de connaître "toutes les circonstances où se trouvaient les acteurs" dans un moment déterminé, afin d'être par là en état de juger sainement la série de leurs choix dans la conduite de la guerre: comment ils ont fiat ce qu'ils ont fiat, et ce qu'ils auraient éventuellement faire d'autre. Il fuat donc savoir ce qu'ils voulaient avant tout et, bien sûr, ce qu'ils croyaient; sans ouleir ce qu'ils ignoraient" Se mettre au point de vue des acteurs, seul le roman permettrait, pour un tel mode de connaissance, de déployer la force d'imagination requise. Ce n'est pas la voie que j'ai choisie pour ce livre."(p.168)

en définitive, toute la question qui parcourt le récit, est: comment la création littéraire est-elle encore possible? Mais ce n'est pas à la manière d'un Blanchot qu'il la pose. L'atelier de l'acrivain n'est pas/plus déconnecté (à déconnecter) de son engagement politique.

De là, ces références essentielles.

"Rappel de Bataille: " le simple fait d'écrire implique la volonté [...] de provoquer ses semblables pour être vomi par eux" faut-il être surpris que Le Bleu du Ciel ait connu une longue, très longue quarantiane, comme celle qu'on imposiat aux pestiférés. [...]

D'Italie, Pasolini, qui en matière de vomissure fut lui aussi bien servi, peut ajouter: "je pense que scandaliser est un droit, être scandalisé un plaisir, et que quiconque refuse le plaisir d'être scandalisé est un morlaiste." Un moraliqste, à savoir, complète Nietzsche, un homme dont la victoire de son idéal moral "est remportée par les mêmes moyens immoraux que n'importe quelle victoire: violence, mensonge, calomnie, injustice". Quant au doux Robert Walser, sorti de sa forêt obscur et prêt à y retourner, fort des rencontres avec les héros qui la peuplainet (les personnages mêmes de ces récits), il ne nous sert pas les habituels bobards sur la noble fonctiion de lal littérature au servcie du bien et sur l'héroïque figure de l'Aueteur: "Nous tous qui écrivons des romans et des nouvelles sommes des salauds dans la mesure où nous faisons preuve d'un manque d'égards plein d'égards, d'une douce audace, d'une peur intrépide, d'une gaieté douloureuse, et d'une douleur gaie, au moment où nous appuyons sur la gâchette, c'est-à-dire quand nous tenosn en joue nos estimés modèles. C'est comme cela dans la littérature." C'est cela (signe Henric) la littérature." (p.282)

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